Tome I : L'émeraude de Saint...

By In-temporare-loop

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- EN PAUSE - Léonor, une jeune femme de 20 ans, se retrouve prisonnière du temps lors d'une visite du mythiq... More

Présentation
Prologue
Chapitre 1
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5

Chapitre 2

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By In-temporare-loop


Point de vue de Claude


« Va donc mander la présence de mon invitée, Georges.

- A votre service, Monseigneur. »

Le valet se déroba à ma vue, me laissant libre de parcourir mes pensées. Sans étonnement, elles convergèrent toutes vers cette gracile¹ créature, que j'avais arrachée aux griffes de ce scélérat de page grossier et impudent.
Elle était apparue à moi tel un ange, une pure création de Dieu. Placidement, je m'accoudai à une fenêtre, en m'interrogeant sur la manière dont elle allait m'apparaître, cette fois-ci. Si j'allais de nouveau ressentir ce pincement au coeur, cet émoi devant tant de beauté...
Deux coups, tels la foudre frappant la terre, s'abattirent sur la porte. Je me redressai, le coeur battant.
Georges fit son entrée dans la pièce.

« Monseigneur, Dame... »

Je perdis le fil de ses paroles, me noyant dans des prunelles semblable à un océan profond, qui venaient de se braquer sur moi. Je su, à cet instant précis, que mon existence en serai bouleversée à jamais. Je ne me vante pas de talent de divin, mais si il y a bien une chose que j'avais vu juste, il s'agissait de celle-ci... Cette femme causerait ma perte.
Après avoir pris la forme d'un ange, elle paraissait à présent avoir dérobé l'allure d'une reine; j'humais de l'autre bout de la pièce son effluve tentatrice. Je me félicitais de ne pas avoir cédé cette merveille de couture à ma femme... Cette véritable sylphide² avait l'art de la porter comme une seconde peau. Je n'avais point souvenance d'un spectacle aussi saisissant.
Elle s'inclina gracieusement, à quelques toises³ de moi. Je m'avançai, évinçant la distance qui nous séparait. Je tendis ma main. Telle une plume, la sienne vint caresser la mienne. J'encrai mon regard dans le sien, tout en portant sa main à ma bouche. Après un instant, je la libérai de mon emprise.

« Madame, votre présence est un véritable enchantement. »

Elle baissa humblement la tête, un léger sourire habillant ses lèvres vermeilles. Je l'invitai d'un geste à s'installer à son aise.

« Monseigneur, je ne puis trouver les mots pour vous remercier...

- Neni, ma chère, aucun remerciement n'est demandé. »

Elle s'assit sur le divan placé au centre de la pièce, comme si curieusement elle venait ainsi de prendre sa place au milieu de mes pensées.
Je m'installais juste en face, la regardant droit dans les yeux.

« Madame, vous ne pouvez imaginer mon soulagement de vous voir en meilleure santé. Je n'aurai pu me résoudre à être privé de votre compagnie ce soir.

- Grâce aux soins qui m'ont été portés, Monseigneur, je puis vous assurer que mon énergie est restaurée. »

Je taquinai ma bague, tout en poursuivant :

« Je n'ai pas la souvenance d'avoir eu le plaisir de nous présenter. Je me nomme Claude d'Urfé, Seigneur d'Urfé, La Bastie, Beauvoir, Saint-Just, Souternon, Entraigues et Rochefort. »

La belle créature inclina rapidement la tête en souriant, puis sa mine s'assombri. Elle respira profondément.

« Monseigneur d'Urfé, je crains d'avoir reçu un mauvais coup à la tête... Je ne sais plus, je ne me souviens plus, quel désarrois ! »

Elle posa une main sur sa poitrine, sa respiration se fut plus saccadée. La panique se lisait clairement sur ses traits. Emporté par l'émotion, je me précipitai à son côté, et saisit ses frêles mains entre les miennes.

« Madame, je vous prie, calmez vous! Cela n'a point d'importance. La mémoire vous reviendra; gardez simplement à l'esprit que je ne souhaite que vous venir en aide. »

Ses yeux se fichèrent dans les miens, en serrant mes mains.

« Monseigneur... L'unique souvenir qu'il me reste est mon prénom.

- Lequel est-il ?

- Léonor.

- Léonor. Un prénom assurément à nul autre pareil. Tout comme la jeune femme qui le porte. »

_______________________________________________________

Point de vue de Léonor

Un véritable coup de génie; tellement gros que c'était passé comme une lettre à la poste. Vieille comme le monde, la technique de l'amnésie me semblait bigrement efficace. Je n'aurai jamais imaginé qu'un tel seigneur se fasse si facilement berné par quelques courbettes et plombantes comédies. Autant utilisé cette crédulité à mon avantage, tant que le vent m'était favorable.
Me trouver en présence de cet homme, qui me rappelait à tous les instants mon agression, fût d'abord une épreuve extrêmement ardue. Avant de passer les portes de ce salon, je n'étais même pas certaine de pouvoir le regarder dans les yeux. Mais j'avais bien conscience que montrer de la faiblesse pouvait être fatale, peu importe dans quelle époque l'on soit; je devais donc garder bonne figure et octroyer le plus d'informations possibles.
En commençant par en apprendre le plus possible sur mon nouvel environnement.

« Je me retrouve véritablement dans l'embarras, Monseigneur, de vous poser cette question... En quelle année somme-nous?

- En l'an de grâce 1519, ma chère. Notre monarque, Sa Majesté François Ier, un cher ami depuis ma plus tendre enfance, règne en ces lieux depuis quatre ans, puisse Dieu lui accordé une longue vie. »



_____________________________________

Mon cerveau semblait surchauffer. Le seigneur d'Urfé me ventait depuis plus d'une heure les exquis plaisirs de la Cour, de la fièvre des bals déguisés,... Par de grands gestes, Claude me décrivait le faste, la chasse. Ses yeux étincelaient intensément, et le feu passionné qui y brulait finissait par me réconforter.

« Et les bois qui encerclent ce château pourra très certainement vous être très agréable, à l'avenir. »

J'arquai un sourcil, tiquant sur la fin de la phrase de mon hôte. Devais-je profiter de cette brèche?
Je souris doucement, les mains posées sur mes genoux.

« Mon bon seigneur, je ne souhaiterai pas vous importuner par ma présence ! Je vous assure qu'au soleil levé je trouverai logis... »

Claude se saisit une nouvelle fois de mes mains.

« Madame, ceci n'a pas de sens. Votre perte de mémoire vous déboussole déjà bien assez.
Laissez moi vous offrir mon toit, du moins jusqu'à ce que celle-ci vous revienne.

- Mais je n'ai même pas la souvenance de mon nom... Comment puis-je rester ici, à la Cour de France, sans une propre identité? »

Le gentilhomme flatta sa barbe, pensif. Son regard se perdait dans le vague, et ses sourcils se froncèrent.
C'était vraiment un homme charmant. Très grand, barbu, droit et fort, Claude d'Urfé était de toute évidence un noble de très haut rang, un homme de pouvoir.
Un allié donc inestimable, sans aucun doute.
Je tentais de constituer un plan simple : obtenir la protection du Seigneur, et survivre dans cette Cour et cette société le temps que je trouve des réponses. Et cette pierre. Mes souvenirs de ma « téléportation » s'étaient précisés depuis les dernières heures; ainsi, la pierre qui se trouvait dans le bac de la fontaine de Diane devenait de plus en plus nette dans mon esprit. Elle était de forme rectangulaire, assez lourde et froide. Très certainement précieuse. L'avais-je emportée dans mon voyage temporel? Etait elle ma garantie de retour dans les temps modernes?
Désespérée par tant de questions sans réponses, ma gorge se serrai. Tout cela me paraissait irréalisable.

« Que diriez vous d'être ma cousine lointaine? »

Je posai sur l'homme des yeux ronds et ahuris. Avais-je mal compris?
Lui abordait un sourire triomphant.

« Une partie de ma famille est installée dans la province d'Anjou. La maison de Beauvau.
Je vous propose de vous accorder ce nom d'empreint, Madame. Ainsi que résidence dans cette demeure.
Ma seule condition est que vous m'accordiez votre aide. »

Il marqua une pause, m'observant un instant. Je restais interdite, préférant attendre d'entendre la suite.

« Je souhaiterai que vous extorquiez des informations concernant, ou même provenant du Duc de Montmorency. Il jouit d'une proximité plus importante auprès de notre bon roi, et je ne permettrai pas que l'on évince mes conseils pour ceux de ce charognard! »

Le seigneur, qui auparavant était la parfaite personnification de la souveraineté de soi-même, perdit son sang froid un instant, frappant violemment sur la massive table en acajou qui jouxtait le divan. Je sursautais, surprise par ce soudain acte de violence, puis tentai de faire bonne figure.
Claude d'Urfé respira profondément, avant de poser sa main sur la mienne. Mon poil s'hérissa, mais je n'esquissai pas un geste.

« Madame, seriez vous me rendre ce service? Je ferai les présentations nécessaires, et vous récompenser comme il se doit. »

Je m'accordais un instant de réflexion. Avais-je réellement l'envie et les capacités pour me plonger dans des conflits politiques? Ne serait-ce pas un obstacle qui entraverai mon objectif de retourner chez moi ?
D'un autre côté, D'Urfé m'offrait un nom, d'une excellente maison en passant, un logis, et un accès à la Cour de France. J'avais connaissance de l'intérêt des nobles pour les sciences occultes et autres bizarreries. Peut être arriverai-je à faire des rencontres et trouver des réponses?
Je saisi sa main.

« Monseigneur, il serait temps que je me présente proprement. » dis-je, espiègle.

Claude d'Urfé souris largement, et se leva. Je suivis le mouvement, me tenant face à lui.

« Je me nomme Léonor de Beauvau, votre dévouée cousine. »

Le seigneur s'inclina respectueusement, son sourire toujours attelé à ses lèvres.

« Ma chère cousine, soyez la bienvenue chez vous. » Déclara t'il, en ouvrant ses bras.




_______________________________________



La soirée s'écoula délicieusement. Le souper, comme je pouvais m'y attendre, fut copieux et goûtu. Hélas, la boisson tout autant. N'ayant jamais eu une grand expérience en matière d'alcool, je découvris à mes dépends que le vin de l'époque était beaucoup plus sucré, et donc mathématiquement plus alcoolisé. En d'autres termes, le plus gros piège de ce siècle. Doux au palais, les verres s'enfilaient les uns après les autres. C'est fou comme l'effet de l'alcool est agréable, jusqu'à ce que l'on réalise que l'on est soul. Après un tel festin et un corset très serré en surcroît.
Je portais ma serviette de tissu à ma bouche, nauséeuse. D'Urfé, lui, paraissait encore en excellente forme, et poursuivait ses discours interminables. Il n'allait pas tarder à m'achever, si je ne prenais pas bougé rapidement.
Je regroupai toute la force qui me restait, et me levai, suivi par mon hôte.

« Monseigneur, la soirée fut délicieuse. Je crains de devoir l'écourter, hélas, je tombe de fatigue. »

Après une révérence relativement bancale, je m'éclipsais, et me retrouvai rapidement dans le couloir.
Mes souvenirs de la suite des événements restent assez confus. Après avoir titubé sur quelques mètres, je m'effondrai à terre, le dos contre un mur. Je fis sans doute tomber un guéridon et quelque autre objet de valeur; je restais ainsi des heures, peut être des minutes... Quelle importance ?
L'alcool était décidément un bon échappatoire. Il me plongeait dans une transe silencieuse, sans aucune pensées. Je me sentais juste bien, comme entourée par un nuage de coton, anesthésiée.
On fini par me trouver, et à m'accompagner jusqu'à ma chambre. Puis, le néant.



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 gracile¹ :  qui est d'une délicatesse et d'une grâce fragiles ; mince et élancé.

sylphide² : Femme svelte, élancée, d'une beauté fine et gracieuse.

toises³ :  Unité de mesure

Mot de l'auteure

Oui, oui, je sais. C'est un peu long, descriptif. Mais les bases doivent bien être posées! A présent, l'action est proche et va être permanente, alors accrochez vous ! 

Précisions : - Aucune rivalité n'est connue à ce jour entre le Seigneur Claude d'Urfé et le Duc Anne de Montmorency. 

- Claude d'Urfé était effectivement parent de la fameuse maison de Beauvau, étant donné que sa mère, Antoinette de Beauvau, en descend.  

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