Tome I : L'émeraude de Saint...

Oleh In-temporare-loop

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- EN PAUSE - Léonor, une jeune femme de 20 ans, se retrouve prisonnière du temps lors d'une visite du mythiq... Lebih Banyak

Présentation
Prologue
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5

Chapitre 1

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Oleh In-temporare-loop


Des bruits sourds bourdonnèrent de mes oreilles jusqu'au fin fond de mon cerveau. L'obscurité m'enveloppait.
Le sol. Froid et humide. Une forte odeur de sous-bois. Mes sens s'éveillaient peu à peu. J'entendis ce qui s'apparentait à des bruits de sabots. Proches. Je gémis, portant doucement ma main gauche à mon visage, toujours incapable d'ouvrir les yeux.

« L'hétaïre¹ bruit² ! Laissez moi voir cela de plus près. »


Ma confusion s'intensifiait. Qu'est-ce que tout cela signifiait? Un bruit de saut. Puis, des pas à moins d'un mètre de moi qui se rapprochait. Je me raidis, terrifiée.

« Il y a beau temps³ que je n'avais point admirer une telle créature! »

Je fronçais les sourcils, extrêmement tendue. Peu importe ce qui était entrain de se passer, cela me déplaisait au plus haut point.

Je poussai un cri lorsqu'on m'empoigna les cheveux pour soulever ma tête. Mon cuir chevelu semblait se décoller de mon crâne, et mes yeux s'ouvrirent, révulsés par la douleur. J'hurlai à nouveau. Un visage grossier et barbu se trouvait en plein dans mon champ de vision. L'haleine fétide de l'homme s'insinua dans mes narines tandis que ses yeux répugnants lorgnaient sur... mon corps nu. Totalement paniquée, je fermai mon poing gauche et l'envoyai en sa direction. L'homme, touché au visage, laissa échapper un cri en relâchant mes cheveux, et prit un ou deux pas de recul.

« Mais putain de merde ne me touche pas! »

Je me reculai en me contorsionnant afin de cacher mon corps comme je le pouvais. Mon corps entier tremblait, transit par le froid. Je jetai un regard inquiet à mon agresseur, et je croisai presque instantanément son oeillade assassine. Ses vêtements étaient étranges, faits d'étoffes épaisses et de velours vert sapin. Il s'avançait maintenant vers moi, enragé.

« Démon ! Je vais te corriger, moi, à vociférer dans la langue de Satan, sorcière! » cracha t'il.

L'homme avait la main en l'air, prête à oeuvrer. Impuissante et en larmes, je gisais là, dans la terre et les feuilles mortes. Craignant l'impact, je fermai les yeux, priant de toutes mes forces que tout ceci ne soit qu'un abject cauchemar. Ma joue me brûla.

« ROLAND! »

Le cri, ferme, autoritaire, avait claqué dans l'air tel un fouet, en canon avec le coup que je venais de recevoir. Le bruissement des feuilles m'indiquait que quelqu'un s'approchait; j'étais partagée entre le soulagement et une peur encore plus intense. Je me recroquevillai, tremblante, toujours aussi impuissante face à la situation.

« Saliguaud! Eloigne toi immédiatement.

- Mon.. Monseigneur d'Urfé...

- Ne m'as-tu donc point écouté ? Hors de ma vue, vermine! »

J'entrouvris les yeux. Mon agresseur, la tête basse, s'était éloigné, les points serrés. Le fameux Monseigneur d'Urfé s'était approché et, doucement, se débarrassa de son manteau pour me couvrir. J'eu un mouvement de recul.

« N'ayez crainte. Je ne vous veux aucun mal. Vous êtes en sécurité. »

Sa voix était douce et calme. Il réitéra l'opération et je me laissai faire, me faisant enveloppée par l'épais manteau. La chaleur de l'étoffe fut d'un tel réconfort que ton mon corps se relâcha, et je finis par perdre connaissance.

______________________________________________________________

Je revins à moi dans un lit, sous les draps. Une odeur de lavande m'enveloppa. Je soupirai d'aise, puis m'étirai. J'ouvris doucement les yeux, et poussai un cri. Je n'étais absolument pas dans ma chambre. La pièce était immense, ornée d'immenses tapisseries pendues aux murs faites de fils d'or, aux motifs fleuris et incroyablement délicats. Le lit dans lequel je me trouvais était en baldaquin, tellement haut qu'il touchait pratiquement le plafond. Les draps arboraient fièrement les mêmes motifs que les tapisseries, et la tête de lit était en bois sculpté, ornementée de magnifiques dorures.

 
Mon regard glissa vers ma gauche, où je découvris une femme se tenait à côté de moi. Je sursautai, puis baissai les yeux. Une bassine d'eau sale et une serviette de toilette étaient posées à ses pieds. J'inspectai rapidement mon corps, et  remarquai alors que j'étais habillée d'une longue chemise de soie et que j'avais été lavée. 

Je me retournai vers l'inconnue, afin d'essayer de l'analyser. Elle portait une robe noire sobre, faite de jupons très longs et bouffants qui arrivaient jusqu'au sol. Un tablier blanc était attaché autour de sa taille, et un chaperon blanc ornementé de légères dentelles couvrait ses cheveux bruns. Elle se pencha doucement vers moi.

« Madame, je vous en prie. Je ne vous veux point de mal. Calmez vous. »

J'eu un mouvement de recul. Tout cela commençait à aller trop loin pour une mauvaise plaisanterie. Cette manière de s'exprimer, de s'habiller, le luxe de cette chambre...

« Où... Où suis-je?

- Vous vous trouvez dans le pavillon du bon seigneur d'Urfé, Madame, au château de Fontainebleau.

- Mais...»

Le pavillon d'Urfé. Fontainebleau. Ce pavillon avait disparu, rasé par les révolutionnaires en 1792, d'après notre joyeux guide.

La femme s'approcha encore de moi. Méfiante, je jetai les draps, dégageant mes jambes. je me levai d'un bon de l'autre côté du lit. Mes jambes flageolantes me maintinrent avec peine debout.

 « Qui êtes vous? »

La jeune femme se figea, avant de s'incliner avec hâte, les traits serrés d'une moue inquiète. 

-Je me nomme Mathilde, Madame. Je suis au service du Seigneur d'Urfé, je dois veiller à votre confort. Et vous ne devriez point vous lever, Madame, vous êtes encore faible... »

Mon cerveau tournait à mille à l'heure. La fontaine de Diane. La lumière aveuglante, ma noyade. Tout me revenait, mais rien n'avait de sens. Quelles conclusions devais-je en tirer ? Cette femme ne jouait manifestement pas la comédie, et l'homme qui m'avait battue encore moi. Les tapisseries paraissaient authentiques, et en magnifique état qui plus est; malgré les nombreuses visites des châteaux de la Loire, je n'avais pas le souvenir d'en avoir vu d'apparence aussi neuve.

Il fallait que je fui. Que je sorte de cette pièce, en espérant ainsi sortir de ce cauchemar. Je trébuchai, buttant contre le tapis qui s'étalait au centre de chambre, et manquai de tomber. La pièce sembla alors tourbillonner autour de moi, tandis que les mots rentraient en collusion dans mon esprit. Je croulais sous les questions et à la fois les évidences. Je portai mes doigts au niveau de ma jugulaire, sentant mon pouls s'emballer. Ma respiration se fut plus saccadée, et au bout de quelques secondes ma poitrine s'abaissait et s'élevait à une vitesse effrénée. 

 Mathilde se précipita vers moi avant que je m'effondre et m'épaula, me conduisant jusqu'au lit. Je me laissai faire. Je devais me rendre à l'évidence. Tout ceci était horriblement réel.


Je n'étais plus dans mon temps.

___________________________

Quelques instants plus tard, Mathilde entra dans la pièce. Elle tenait un plateau  de victuailles dans les mains. Elle le posa sur le guéridon qui était placé à proximité de mon lit. Je me tenais débout, face à l'une des immenses fenêtres, observant sans vraiment voir ces jardins qui d'ordinaire m'auraient fascinée. Ce sont les originaux, en plus! pensais-je.
Mais voilà le problème. Il s'agissait bien des originaux. Autant que ces tapisseries ineffablement luxueuses, de Mathilde que s'affairait à me rendre un semblant de vie. Elle se positionna à côté de moi, s'inclinant une énième fois.


« Madame, votre collation est servie. »
Elle marqua une pause de quelques secondes, hésitante. Mes yeux, toujours perdus dans le vide, ne daignèrent pas se tourner vers elle. Alors, en bonne domestique qu'elle était, la jeune femme s'inclina de nouveau afin de prendre congé et commença à se tourner vers la porte.
Je ne comprenais pas pourquoi est-ce que j'étais traitée comme une invitée de marque. Ils ne connaissaient même pas mon nom, comment pouvaient-ils ainsi m'accueillir à bras ouverts? Je fis volte-face.
« Mathilde! »
L'intéressée sursauta violemment avant de se précipiter vers moi en effectuant une nouvelle courbette.
« Puis-je faire quoi que ce soit, Madame...
- Léonor. C'est mon prénom.
- Madame Léonor, je puis vous aider avec votre toilette... Laissez moi vous faire parvenir les robes et les parures que Monseigneur d'Urfé à fait préparer pour vous.
- LES robes et parures ? répétai-je, ahurie.
- Oui, Madame. Monseigneur tiens à vous rencontrer dans des conditions plus... favorables. Il souhaiterait vous inviter à souper. »
Je restai interdite quelques instants. D'un côté, je ne désirais pas sortir de cette chambre, et encore moins de me retrouver en face d'un homme qui m'a vue dans un état aussi lamentable. D'un autre côté, il m'a sauvée et prise sous son aile... Je me rendis vite à l'évidence : je n'avais pas le choix.
« Bien, répondis-je, merci Mathilde. »
Celle-ci souris légèrement, avant de se retirer.
Je m'arrachai enfin à la contemplation des jardins pour jeter mon dévolu sur le plateau de nourriture. J'étais affamée. Plusieurs assiettes garnies de fruits des bois, de tourte à la mirabelle, de pâtes d'amandes... Je ne savais plus où donner de la tête. Je fini par attraper une pomme et une petite poignée de pâtes d'amandes, et m'assis sur la chaise placée en face de la coiffeuse. J'observai mon reflet dans la glace. Je faisais vraiment peine à voir. Peut être pas autant que dans les bois, certes, mais mon teint était tout de même grisâtre. Des cernes bleutés embrassaient mes yeux, et mes cheveux étaient hirsutes. Une reine de beauté, pensai-je, amère.
Mathilde réapparu, accompagnée de quelques autres domestiques, chargés de mannequins vêtues de robes. Quatre mannequins furent bientôt disposés en rond devant moi. Mathilde déposa un présentoir de bijoux sur la commode, tandis qu'une dernière servante alignait différentes paires de chaussures. Puis tous quittèrent la pièce, hormis Mathilde.
Je ne réalisai que quelques instants plus tard que tout ceci était réellement pour moi. Je tentais de dissimuler ma surprise; si mon destin était de rester piégée dans ce temps inconnu, autant que ce soit en tant qu'aristocrate.
« Si Madame voudrait bien se donner la peine... Nous avons ici plusieurs modèles, arrivant chacun de grandes maisons de couture ! ... »
Mathilde poursuivit sa présentation enthousiaste, sans obtenir mon attention. En effet j'étais focalisée sur l'un des modèles. Etant brodée à la main, la robe était bordeaux et doré, incluant des fils d'or dans les broderies uniques de la pièce, formant un tout absolument somptueux. Un long lacet fini par plusieurs lanières venait souligner la taille, et les manches, déjà gigantesques, étaient doublées d'une fourrure d'hermine. Les chaussures assorties étaient de délicats souliers faits de cuir rouge.
« Ce modèle vénitien vous irait à ravir, Madame Léonor, déclara Mathilde, ayant remarqué mon intérêt évident pour cette tenue.
- C'est... C'est vraiment magnifique, Mathilde.
- Si vous me le permettez... »
Mathilde passa deux heures à me parer. Mes cheveux étaient maintenant fixés dans une coiffure sophistiquée, faite de tresses qui s'entrecoupaient et de mèches bouclées; le tout ornementé de perles. Je me levai pour m'observer dans le miroir de la coiffeuse. Le reflet était complètement fantasque. J'aurai pu m'émerveiller devant tant de beauté et de luxe, c'est vrai; mais elle cette personne que je voyais dans ce reflet me murmurait une terrible vérité : ce n'était pas moi. Pas mon monde. Mon temps. J'étais seule, sans un traître repère.
Je serai les poings, et inspirai profondement.
« Je vous remercie Mathilde. Puis-je avoir quelques minutes?
- Bien, Madame. »
Et elle s'éclipsa. Lorsque la porte se referma, je m'effondrai sur mon tabouret, la tête entre les mains.
« Réfléchis Léonor, réfléchis... »
Je tentais de concentrer ma pensée sur ce que j'allais bien pouvoir dire, et de faire abstraction à ma miraculeuse remontée dans le temps. Si le pavillon n'était toujours pas détruit, je me trouvais avant la révolution française. Vu le faste évident de ma chambre, sans aucun doute durant la Renaissance. Il ne me manquait plus qu'à savoir à quelle époque et quel roi.
Mais même en ayant ces informations, que vais-je pouvoir fournir comme identité...?
Désespérée, je refoulais mes larmes. Il fallait rester forte, et ne surtout pas craquer à quelques minutes de mon entretien avec le seigneur d'Urfé. Il m'apparaissait en tout cas essentiel de rester dans ce qui me semblait être sa protection.
On frappa à ma porte. Je me levai, lissai promptement ma jupe, afin de me donner une contenance.
« Entrez. »
Un jeune homme fit son apparition. Il me gratifia d'une rapide révérence.
« Madame, Monseigneur d'Urfé vous invite gracieusement à le joindre au souper. »
Je lui offris un sourire crispé, incapable de parler. Je me contentai de le suivre, tandis qu'il sortait de la pièce. Et je franchis enfin les massives portes de ma chambre.


______________________


Hétaïre¹ : prostituée

Bruit² : du verbe "bruire", fait du bruit

Il y a beau temps³ : Il y a longtemps

Précision : - Il n'existe pas, et n'a jamais existé le Pavillon d'Urfé, au château de Fontainebleau. 

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