< 08 Décembre 2017 >
Theodore
- Théodore ! m'appelle-t-on quand je sors de mon cours de sport du vendredi.
Je me retourne et me retrouve face à Prune. Ma mâchoire se contracte aussitôt. Je suis surpris qu'elle m'adresse la parole. Depuis notre altercation en cours, elle ne m'a pas dit un seul mot, il fallait dire que je lui laissais rarement cette opportunité. Je remonte mon sac à dos sur mon épaule pour me donner une certaine contenance.
- Est-ce que je peux te parler ? Juste cinq minutes, ajoute-t-elle avant que je n'ouvre la bouche pour refuser.
Je soupire. Je n'ai clairement pas envie de lui parler. Depuis notre dispute, je fais tout pour l'éviter mais je me rends compte qu'à agir ainsi, je suis stupide parce que je veux qu'elle s'excuse mais si je ne la laisse pas m'approcher, ça ne risque pas d'arriver. Je regarde autour de moi mes camarades qui sortent des vestiaires de sport. Je vois alors Cyril me faire un signe de tête vers Prune pour me dire de faire un effort. Alors j'hoche la tête de haut en bas pour lui signifier que je l'écoute.
- Merci, souffle-t-elle, soulagée. Je... Je veux m'excuser pour ce que je t'ai dit l'autre jour. Je ne sais pas pourquoi j'ai dit ça. Je m'étais pris la tête avec mon copain et ma mère aussi et... je sais que ce n'est pas une excuse mais je veux juste que tu comprennes que ce n'était pas contre toi que j'en avais au départ. J'étais énervée et j'entendais votre conversation...
- Hé ! Du calme, la coupé-je en posant ma main sur son épaule.
Pendant tout son monologue, je suis presque sûr qu'elle n'a pas repris une seule fois son souffle et si elle continue comme ça, elle va finir toute bleue et surtout dans les vapes. Moi, j'ai autre chose à faire que la réanimer.
- C'est juste... Je suis vraiment désolée, Théodore. Je ne voulais pas te manquer de respect ce que j'ai clairement fait. Je n'ai rien contre toi... Ou ton orientation sexuelle... Je...
- Ok, dis-je simplement. Merci.
Elle relève le visage vers moi, perplexe. Elle devait s'attendre à ce que je la renvoie balader comme j'ai pu déjà le faire quand elle s'approchait un peu trop de moi. J'admets que je n'ai pas toujours été très cool avec elle ces derniers temps et que son insulte ne justifie pas mon comportement.
- Je m'excuse aussi... J'ai peut-être réagi un peu trop vivement...
- Non, non ! s'empresse-t-elle de me contredire. Tu as bien fait. Il ne faut pas laisser ce genre de choses arriver parce que c'est comme ça que ça devient une habitude.
Je hoche à nouveau la tête, totalement d'accord avec elle avant qu'un silence gênant s'installe entre nous. Avant cette histoire, nous n'étions pas très proches alors aujourd'hui, c'est pire. Même si elle s'est excusée et que j'ai apprécié qu'elle l'ait fait, on n'est pas devenus les meilleurs amis du monde. Alors je jette un coup d'œil à Cyril qui attend un peu plus loin et le supplie du regard de venir à mon aide. Cependant, Prune reprend la parole avant qu'il n'arrive :
- Et je suis désolée pour les problèmes que mon erreur t'a apportés.
- Je... Ce n'est pas ta faute. C'est moi qui suis responsable d'eux. Il aurait suffi que je ne réponde pas et que je laisse couler mais ça revient à ce qu'on vient de dire... Le problème vient du fait que le prof aurait dû réagir autrement. Je n'ai pas à rougir de qui je suis et de qui je suis amoureux.
Elle acquiesce avant de me dire au revoir et de me souhaiter un bon weekend. J'en fais de même et la regarde s'éloigner. Cyril arrive enfin à ma hauteur et me demande :
- Alors ?
- Alors elle s'est excusée !
- Ah une bonne chose de faite ! Manque plus que le prof.
- Ne rêve pas trop. Le père Noël n'existe toujours pas, tu sais...
*****
Assis à mon bureau, je recopie les cours de physique que Cyril m'a scanné hier pour essayer de comprendre. Certes, tant que le prof ne se sera pas excusé, je ne mettrai plus un pied dans sa classe mais ça ne veut pas dire que je ne veux pas bosser. Je change le morceau de musique qui passe et Little Saint Nick de The Beach Boys commence. Je souris parce que j'aime beaucoup cette chanson de Noël et que je trouve ça incroyable qu'elle ne soit pas connue. Je lève un peu le son et poursuis mon travail tout en chantonnant.
- Cela faisait longtemps que tu nous l'avais pas mise celle-là, déclare ma mère.
Je tourne légèrement la tête et la vois dans l'encadrement de la porte ouverte de ma chambre, les bras croisés devant elle, un sourire aux lèvres.
- Un an ! Je l'écoute toujours qu'en décembre.
- Logique...
Je retourne à mon travail mais la présence de ma mère dans mon dos, m'oppresse. Quand la chanson se termine, je referme mon ordinateur portable, entrainant le silence. Je rebouche mon stylo, le lance sur mon bureau, le regarde rouler et soupire.
- Qu'est-ce qui se passe ? lui demandé-je, sans la regarder.
J'entends la porte se fermer derrière elle et elle vient s'asseoir sur le bord de mon bureau pour pouvoir me voir pendant notre discussion.
- Je voulais savoir comment tu allais...
Je hausse les épaules. Comment je vais ? Grande question ! Je boycotte un cours au lycée dont mon père est proviseur, je prends donc un retard énorme dans une matière à coefficient six au bac. Bac qui a lieu dans six mois. Sinon, j'entretiens une correspondance à travers un trou dans un mur que j'ai fait à l'internat avec un gars dont je suis en train de tomber amoureux. Mais ma petite sœur est intéressée par lui donc je ne peux rien tenter. Je suis dans la merde !
- Je vais bien.
Elle fronce les sourcils parce qu'elle ne semble pas me croire. Ma mère me connait trop bien.
- Tu ne sembles pas aller bien.
Je baisse le regard vers mon cahier de Physique et fixe stupidement les lignes que je viens d'écrire.
- Mais tu ne me diras rien. Alors j'aimerais que tu saches plusieurs choses. Tu ne t'en rends peut-être pas compte mais ton père se bat pour toi au lycée.
- Je ne veux pas qu'il se batte pour moi, lui avoué-je. Il ne devrait pas à avoir à le faire...
- En effet...
- Je veux seulement qu'on me respecte.
- Nous le savons. Et je peux te jurer que ton prof s'excusera. On ne devrait peut-être pas, parce que c'est ton avenir qui est en jeu mais... Ton père et moi te soutenons. Si tu penses que ne pas aller en cours de physique est la meilleure façon pour toi de t'exprimer, nous te laisserons faire.
- Mais papa...
- Ton père est obligé, quand il est au lycée, de se conduire comme le proviseur qu'il est. Ici, il ne l'est plus.
Je sens mon cœur se gonfler. Ça fait vraiment du bien de se sentir soutenu par sa famille. Je me lève et prends ma mère dans mes bras en la remerciant.
- De rien, mon chéri. Bon maintenant tu me parles de ce garçon ? m'interroge-t-elle en se reculant.
J'ouvre de grands yeux sous la surprise. Mon cœur se met à faire un petit footing pendant que je cherche mes mots :
- De... De qui tu parles ?
- De ce garçon qui te fait sourire et qui t'a inspiré ton nouveau morceau.
Je suis mal à l'aise qu'elle ait compris que ma musique parlait de Cam. Pourtant, pour le moment, il n'y a aucune parole. Elle a peut-être dit ça pour le bluff en espérant que je lui dise quelque chose. C'est même sûrement ça. Ma mère peut être une vraie joueuse de poker pour nous amener mon frère, ma sœur et moi à lui raconter des choses un peu trop personnelles.
- Tu crois que je ne l'ai pas entendu ?
Je secoue la tête de droite à gauche, à toute vitesse. Je me racle la gorge et me rassied à ma place.
- Je ne vois pas de qui tu parles. Il n'y a personne.
- Si tu le dis... En tout cas, ta chanson est très belle.
Je la remercie.
- J'ai hâte qu'elle soit finie.
Je ne peux empêcher un sourire de se former sur mon visage. Moi aussi, j'ai hâte. Surtout depuis que j'ai eu l'idée de me servir de la voix de Cam pour les paroles. J'espère vraiment que la réalisation de mon idée va être à la hauteur de ce que j'ai en tête.
Ma mère se redresse et pose une main sur mon épaule pour la serrer légèrement avant de s'éloigner. J'entends le bruit de la poignée quand on l'actionne puis la voix de ma mère :
- J'ai cru comprendre que ta sœur aussi avait un coup de cœur. Je sais qu'elle viendra plus te voir que ton père ou moi, alors je te fais confiance pour l'aider, mon grand.
C'est ma mère qui me met un coup au cœur en me disant tout ça. Je ne fais rien de mal et pourtant, je culpabilise tellement. J'ai l'impression d'être la pire personne au monde. Je tousse un peu, histoire de camoufler mon malaise et lui affirme :
- Oui, ne t'inquiète pas.
*****
#1jour1confidence : j'ai demandé à mes parents un téléphone portable...
Oh ! Super ! Pour Noël ?
Non. Noël, c'était trop loin, je n'aurais pas pu attendre.
Ah bon ? Pourquoi ? Jusqu'à présent, tu as très bien réussi à t'en passer.
Parce que je veux un portable juste pour pouvoir te parler quand on est pas au lycée...
Vraiment ? Je ne sais pas comment le prendre.
Je ne sais pas non plus !
Je crois que je suis content mais que je ne devrais pas l'être.
Et pourquoi ?
Parce qu'on ne se connait pas. Enfin, je te connais mais en dehors de nos messages dans cette fichue boîte, on ne se parle pas. Tu ne veux même pas savoir qui je suis.
Ce n'est pas que je ne veux pas ! Je veux. Dès qu'un gars de Terminale passe à côté de moi, je me demande si c'est toi. Je pense quasiment tout le temps à toi. Mais en même temps, j'ai peur. Peur de ce que ça va entraîner de se voir, ce que ça va vouloir dire, ce qu'on voudra...
Tu as peur d'être déçu, en gros.
Non ! Tu ne comprends pas ce que je dis. Il y a encore tellement de choses que tu ne sais pas sur moi et qui pourraient te faire fuir en courant. J'ai pas envie que ça arrive. Il me faut juste du temps pour être certain que tu ne m'abandonneras pas.
Je ne t'abandonnerai pas. J'en suis incapable.
Tu as bien essayé au début.
C'était... C'est compliqué. Et tu vois bien que j'ai été incapable de le faire. Je suis revenu rapidement. Mais d'une manière ou d'une autre, on sera amenés à passer du temps ensemble pour de vrai et à être liés...
?
Il y a certaines choses que tu sais pas sur moi non plus.
Tu ne veux pas qu'on se parle autrement que comme ça alors ?
J'ai jamais dit ça !
Alors tu veux quoi ?
Je veux ton putain de numéro ! Je veux que tu m'écrives constamment. Je veux t'écrire tout le temps. Je veux que tu me dises tout sur toi.
Je veux tellement de choses que je te ferai peur.
J'ai déjà peur. Pas à cause de toi mais de nous ! Enfin si je peux dire qu'il y a un nous.
Ma mère a remarqué ta présence dans ma vie alors que je ne lui ai pas parlé de toi alors je crois qu'on peut dire qu'il y a un nous. Peu importe ce qu'il est réellement, tout ce que je sais, c'est qu'il existe et qu'il me fait peur aussi.
J'aimerais savoir par contre... Est-ce que le fait que je sois un garçon te pose problème ?
Non. En fait, je ne réfléchis pas à ça. Je crois que tu aurais été une fille ou une chèvre parlante, ça aurait été la même chose pour moi. C'est toi en tant que personne qui me plaît, pas le toi avec un sexe particulier.
C'est le plus beau compliment qu'on ait pu me dire.
#1jour1confidence
Tu me plais en tant que personne aussi mais je te trouve aussi très sexy
*****
Merci pour ton numéro. Ma sœur m'a dit qu'elle m'apprendra à utiliser mon téléphone. Alors dès que je sais faire, je t'envoie un message. :)
Je croyais que ta sœur te détestait ? J'ai hâte de le recevoir.
Elle me déteste. Ou elle me détestait. Je sais plus. C'est difficile à expliquer mais disons que le tennis a pris une énorme place dans ma vie mais aussi dans celle de mes proches et ma sœur en a souffert. Maintenant qu'elle sait que je ne pourrais plus jamais jouer et que mes rêves sont détruits, je pense qu'elle se dit qu'on est quittes. Le weekend dernier, elle m'a parlé de sa propre initiative. Chose qui n'était pas arrivée depuis des années, je crois.
Je suis à la fois content que ça aille mieux entre vous (surtout si elle t'explique comment m'écrire des messages) et triste d'apprendre que tes rêves sont détruits. De quoi tu parles ?
Je me suis fait avoir... Ce que je vais te dire comptera comme mon #1jour1confidence de la journée.
J'ai commencé le tennis quand j'étais très jeune, j'étais pas mauvais donc mes parents m'ont aidé à devenir meilleur. Avant l'année dernière, je faisais tout pour devenir tennisman professionnel. Comme je te l'ai déjà dit, j'étais plutôt bien classé mais j'ai eu quelques problèmes de santé et l'autre jour à mon rendez-vous médical, j'ai appris qu'en plus, du fait que j'allais devoir me faire opérer, je ne pourrais plus jouer à haut niveau. Je rêvais de gagner Roland Garros et aujourd'hui, il ne me reste plus que le plaisir amer de le regarder à la télé.
Oh putain ! Je suis vraiment désolé. Je sais ce que c'est qu'avoir des rêves et de ne pas pouvoir les réaliser. Est-ce qu'un câlin virtuel pourrait t'aider ?
S'il est de toi, tu sais très bien qui m'aidera ;)
#1jour1confidence
J'aimerais qu'il ne soit pas virtuel
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Dernier soir avant une éternité où l'on peut s'écrire des messages. J'espère que tu pourras avoir ton téléphone avant ton opération pour que je puisse t'écrire.
Normalement, je devrais l'avoir ce soir ou maximum, demain parce que j'ai l'anniversaire de Nana donc ma mère va vouloir être sûre que je sois joignable avant de m'envoyer là-bas..
Super ! Tu vas bien t'amuser à la fête. Juste... Ne bois pas trop et ne fais pas de connerie.
Clay n'arrête pas de me dire qu'il faut que j'essaie tout pour que je sache réellement si ça me plaît ou pas mais je ne compte pas me souler non plus. Qu'est-ce que tu entends par connerie ?
Plein de choses mais on va dire que je ne veux pas que tu fasses quelque chose que tu regretterais. Ne t'oblige à rien parce que les autres le font. Alcool, drogue, sexe...
Promis.
#1jour1confidence
Je suis heureux que tu aies décidé de prendre un portable, je crois que je n'aurais pas pu tenir trois semaines sans te parler...
#1jour1confidence : Malgré le téléphone, je crois que tu vas me manquer quand même. Parce que là, je sais que tu es à côté de moi alors que pendant les trois semaines, tu seras loin de moi...
Tu vas me manquer aussi.
Tu me manques déjà...
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Tout le casting de WCT et moi-même vous souhaitons un magnifique Noël 🎄
Je vous fais d'énormes bisous et merci pour tout 💜