Je vais exploser. Ou imploser. Mais dans les deux cas, dans quelques minutes, il ne restera de moi que des bouts de chairs immondes, flottant dans le faux vent de l'Enfer.
Devant mes yeux ennuyés et mon corps en ébullition, deux conseillers me présentent leur nouvelle idée pour améliorer les Enfers. De nouvelles idées de tortures, de punitions, de triage d'âmes afin de se débarrasser de certaines. Je ne peux pas dire que je m'ennuie, en réalité. Je suis plutôt profondément désintéressée par leurs projets.
Ce n'est pas nécessairement contre eux, mais j'ai simplement l'impression que tout ce qu'ils cherchent à faire, c'est effacer des âmes de l'espace-temps pour en stocker plus. Le but du monde, ce n'est pas de tendre vers le Paradis ? Pourquoi les Enfers devraient-ils faire de la place pour de nouvelles âmes ? Je connais déjà la réponse, en réalité. Le Chaos.
L'afflux de nouvelles âmes contraint les Enfers à traiter des milliers d'âmes d'un coup et forcément, trouver des punitions adaptées à chacun prendrait du Temps que nous n'avons pas. Alors nous faisons de notre mieux afin que les âmes subissent tourments et blessures pour l'éternité.
A côtés de moi dans la grande salle de réunion, Breugan –qui m'a rejoint il y a quelques minutes- s'emploie à noter leurs grandes idées ainsi que quelques détails importants. Quant à moi, je fais simplement figure d'autorité. Je dois me contenter de hocher la tête, sourire quand les présentateurs semblent fiers de leur idée et applaudir à la fin.
Les deux Démons sont très enthousiastes, peut-être un peu trop d'ailleurs. Ils s'écrient par moment, me donnant de véritables envies de meurtres. Parfois, ils se contentent de répéter les idées que l'autre a eu, comme si le fait de la répéter allait en faire une meilleure idée.
Et moi, comme un bon petit soldat, je souris avec le plus de bienveillance possible. Breugan y semble plus réactif, comme s'il aimait vraiment cette présentation. Je ne vois vraiment pas ce qu'il y trouve.
Il n'y a rien d'innovant, hormis l'idée de ne plus envoyer d'âmes aux Enfers mais de les prendre directement en dessus, avec nous. Des âmes volantes, autour des Démons et des Morts, libres de toute torture ? C'est à l'opposé de tout ce que les Enfers sont censés être ! Je ne peux simplement pas le permettre.
Finalement, après de trop longues minutes à les écouter parler de ce projet, je suis invitée à les congédier gentiment. Je me lève donc afin de les accompagner jusqu'à la porte sous le regard légèrement moqueur de Breugan.
Il essaye de se montrer impassible en ma présence mais je pense que ma manière d'être lui rend la vie impossible. M'efforçant d'être aussi polie que possible, je ne peux retenir le soupir de soulagement qui franchit mes lèvres quand la porte se referme. J'entends Breugan ferme son carnet et un bruit de chaise m'indique qu'il s'est levé. Un léger rire fait écho à mon soupir et je me tourne vers le jeune Démon.
— J'en conclus que leur projet sera refusé ? Me demande-t-il, espiègle.
Je roule des yeux et m'affale dans l'une des chaises. J'ai l'impression d'être une vraie loque dernièrement. Sentir du vrai vent sous mes ailes me manque. J'en ai assez de rester coincée en Enfer sans possibilité de sortie, j'étouffe. Mais encore une fois, partir serait signer ma démission.
— Il va à l'encontre de ce qu'il m'a été dit au sujet des Enfers, je réponds assez laconiquement.
Le sourire de Breugan s'efface tandis qu'il s'assoit à son tour, plus sérieux. Ses yeux rougeâtres observent les miens, qui ont repris leurs teintes grises habituelles. Je ne sais pas ce qu'il espère y trouver.
— Vous devriez vous reposer, me dit-il alors.
Je ris jaune tandis qu'il fronce les sourcils, sans comprendre.
— Ce n'est pas de repos dont j'ai besoin. Je dois partir. Voir le monde. Je n'en peux plus d'être confinée ici, surveillée en permanence. J'étouffe, je lâche enfin.
Breugan se redresse et ses lèvres forment un o parfait. Il sait ce que ma phrase induit et par conséquent, ce à quoi je pense renoncer. Il secoue la tête et ses lèvres se mettent à bouger, sans aucun son. C'est à mon tour d'être surprise devant son comportement.
— Si vous partez, le Conseil vous remplacera, souffle le Démon.
Je repousse le dossier de ma chaise au maximum, jusqu'à voir le plafond. Un nouveau soupir s'extrait de mon corps tandis qu'un sourire triste prend petit à petit place sur mes lèvres.
Pourquoi ma vie doit-elle se résumer à une série de sacrifices ? J'en ai assez d'être celle qui doit tout perdre sans jamais rien gagner. Je ne suis pas prête à perdre cette bataille. Mais je ne suis pas sûre de pouvoir en supporter les conséquences.
— Si je reste, j'ai peur de ce qu'il adviendra de moi, j'avoue à demi-mot.
Je sens Breugan se tendre et baisse péniblement les yeux vers lui. Je ne peux pas prétendre savoir ce qu'il pense. Il ne me connaît pas vraiment, alors qu'importe qui je deviens au fond non ? Pour lui, ça sera toujours mieux que qui je suis.
Puis je reprends une position plus naturelle, les avant-bras sur mes genoux, le dos arqués. J'entrelace mes doigts et fixe mon interlocuteur dans les yeux. Breugan est assis droit comme un I, ses yeux fixés sur son cahier fermé. D'un claquement de doigt, je ramène son attention à notre conversation. Je n'ose parler plus haut, de peur d'être entendue. Je ne veux pas que l'on se serve de mon ressenti contre moi.
— Je ne suis pas aveugle. Je sais que je suis observée en permanence et ça me rend dingue. Je ne veux pas être leur cobaye. Je ne pourrais pas régner correctement en me sachant autant...souillée. Qui plus est, le Chaos fait toujours rage aux dernières nouvelles. Que ça soit sur Terre ou sur Idan. Les démons n'ont peut-être plus de dettes envers ce monde-là, mais moi oui Breugan. Je ne peux simplement pas rester ici à attendre que tout se règle parce qu'une bande de vieux croûtons me pensent incapable de régner, j'annonce, plus fort que je ne le voulais.
La colère m'a submergée sans que je ne m'en rende compte. En voyant le regard affolé de Breugan, je fronce les sourcils. Est-ce que mes yeux ont encore virés au rouge ? Ce n'était pas intentionnel ! Mais le jeune homme se contente de se lever, s'incliner et se rasseoir si sèchement que je m'étonne qu'il ne pousse pas au moins un gémissement plaintif. Je décide alors de me retourner, pour y découvrir un visage familier.
Adossée au mur adjacent la porte de la salle, habillée de son éternelle tenue jean, haut, veste en cuir et bottes noires, Lilith m'observe avec un sourire. Ses cheveux roux retombent en cascades sur ses épaules carrées et mettent en valeur son tatouage flamboyant en forme de pique. L'ancien bras droit de mon père se détache du mur et s'approche de moi tout en applaudissant mon discours qu'elle a –j'imagine- entendu. Je me lève à mon tour, tandis qu'un sourire se dessine sur nos visages. Arrivée à ma hauteur, la Démone me prend dans ses bras et je soupire d'aise.
— C'est le genre de discours passionné qui caractérisait ton père, murmure-t-elle à mon oreille.
Mes yeux s'emplissent de larme à cette pensée. Je romps notre étreinte pour retrouver un semblant d'impassibilité, mais Lilith me connaît trop bien. Si Dame Madera n'a fait que me persécuter et faire de moi un monstre, Lilith a été une véritable sœur pour moi. Bien qu'elle est quelques milliers d'années de moins que moi, elle a toujours été d'une maturité incroyable et une alliée redoutable. A mes côtés, Breugan ne sait où donner de la tête, bien que Lilith lui adresse un clin d'œil.
— Du calme baby B, je ne vais pas te manger ! Et Aoile, je sais que j'ai manqué les funérailles et j'en suis désolée. Mais ton père m'avait envoyé en mission sur Idan pour aider Uriel, je ne pouvais pas revenir tant que la guerre n'était pas finie là-bas. Et maintenant que je reviens, tu veux partir ? Demande Lilith en prenant place en face de moi sur un siège.
Devant ce surnom typique de Lilith, Breugan pique un far. Je ne pensais même pas cela possible pour un démon, mais j'avais tort. Je me rassois également, surprise par ses paroles. Je ne pensais pas que mon père avait prévu d'aider Uriel. Pas parce que ce n'était pas son genre, mais plutôt parce que je pensais Uriel capable de gérer des Dullahans par elle-même. Lilith remarque mon regard et s'enfonce dans son siège, posant ses bottes de cuir sur la table.
— Uriel et ses troupes ont géré les Dullahans sans problème. Même l'Oracle a aidé. Je pensais vraiment ce gamin trop idiot pour se battre d'ailleurs... Enfin bref, Luci' m'avait envoyé aider au sujet du Chaos. Ne pas avoir d'âme peut servir à quelque chose finalement ! Par contre, je n'ai toujours pas la moindre idée de comment tuer ces trucs. Je pense que Dieu lui-même ne sait pas, soupire-t-elle.
Connaissant Lilith, admettre qu'elle ne peut pas tuer une créature doit lui coûter cher. Mais dans son discours, ce n'est pas exactement ça qui m'a marqué. Breugan a dû capter également, je pense. Je lui ai parlé d'Idan et de ce qu'ils représentent tous pour moi. Le jeune démon se tourne vers Lilith, les yeux grands ouverts.
— Vous avez combattu le Chaos ? Demande-t-il avec excitation.
Je hausse les sourcils, surprise. Visiblement, Lilith aussi est prise de court puisqu'elle retire ses pieds de la table et fixe Breugan. Puis, un sourire se dessine sur son visage et elle observe mon allié de la tête aux pieds. Encore une fois, je regarde le Démon baisser les yeux et se tortiller sur son siège comme un collégien gêné. Lilith pose ses bras sur la table, m'offrant la vision son tatouage. La marque de Lucifer, celle qui orne le bras de ceux qui lui ont offerts leurs âmes afin de vivre par lui et pour le servir. Je me demande à quoi ressemblera ma marque, le jour où un Démon m'offrira son âme...
— Je vois. Un fanboy. Désolé baby B., mais je te raconterais ça une autre fois, je suis un peu fatiguée. Le retour fut long et assez difficile. Peut-être ce soir, autour d'un verre ? Minaude Lilith.
Agacée par leurs comportements, je roule des yeux et frappe un coup sec sur la table. Les deux Démons sursautent et me fixent. Je leur rends leurs regards et esquisse un bref mouvement de tête, censé signifier « bouclez-la ». Lilith soupire et m'adresse un sourire moqueur tandis qu'elle offre à Breugan un clin d'œil plutôt aguicheur.
Ce dernier baisse à nouveau le regard et se concentre sur moi pour ne pas perdre la face. Je souffle un bon coup, remue les épaules et reporte mon attention sur la nouvelle arrivante. Je sais que Lilith est joueuse, mais j'ai horreur de la voir faire ça sous mon nez.
— Un oracle ? Tu parles de Thomas ? Je l'ai vu mourir Lilith, on ne revient pas comme ça d'entre les morts, je proteste.
Cette dernière hausse un sourcil et m'offre un demi-sourire.
— Ça te va bien de dire ça, Miss Immortelle, lâche-t-elle avec humour.
Je lève les yeux au ciel.
— Sérieusement Lilith ! Un oracle qui revient à la vie, ça ne s'est jamais vu ! Cela veut dire que quelqu'un a utilisé une magie interdite et tu connais le prix de ce genre de chose ! En général, c'est assez funeste, je m'exclame, à la fois inquiète et en colère.
La dernière personne à avoir vu Thomas en vie, c'est Sam. Et avec elle, les Harpyes.... Si ces sales mégères lui ont parlés des sorts interdits... Connaissant Sam, même si le prix est sa propre mort, elle l'aurait payé pour ne pas vivre avec la mort de ce stupide Oracle sur la conscience ! Une bouffée de rage m'envahit et mes yeux se mettent à briller. Lilith soupire tandis que Breugan se raidit. Aussitôt, j'entends Lilith le calmer en lui expliquant que « c'est de famille ce genre de combustion spontanée ». Je braque sur elle mon regard brûlant.
— Du calme Aoile, personne n'a touché à tes fichus sorts ! Le venin de Harpye, ça te parle ? D'après Uriel, le gamin est arrivé sur l'île en vie et sacrément retourné. Et il est revenu seul. Tu attendais quelqu'un ? Me questionne-t-elle avec suspicion.
D'un coup, je sens tout l'air de la salle disparaître. J'étouffe, incapable de prononcer un mot. Thomas était seul. Ramené à la vie par une Harpye. Ce qui signifie que Sam est avec ces créatures traîtresses et empoisonnées, quelque part dans le monde. Seule. J'ai encore échoué à mon rôle de Protectrice. Sous mes yeux, la salle devient floue et le son s'éteint progressivement tandis que je bascule dans les Limbes de mon esprit. J'entends juste Lilith jurer avant de m'effondrer sur le sol.
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Coucou !
Nous on se retrouve pour ce 4ème chapitre de TFQ... 😏
Ouais, Aoile qui s'évanouit... Tout en style svp. 😂👌
Sinon, l'arrivée de... LILTH ?! 😱 Ben alors, j'vous la cachait où celle-ci ? 😏
Ce chapitre a été plutôt marrant à écrire !
- ouais, à 3h du mat-
- oh là, ta gueule la conscience hein ! On ne freine pas le génie ! .....
Ouais j'ai abusé.)
Donc j'espère qu'il vous plaît ❤
Mes questions :
- Lilith, like ou like pas ?
- Breugan/Lilith, on ship ? 🤔
- Aoile dans ce chap', like ou pas ?
- Est-elle toujours notre petit monstre badass ? ❤ (Évidemment duh 😏👌).
- Thomas EN VIE (oh là là c'est très la surprise...😂) ?
- Hum... Sam ? Where is Bry.. Sam ?
À vos claviers 💪👌 !
Sur ce, je vous souhaite un superbe réveillon, entouré de vos amis ou de votre famille. N'oubliez pas d'envoyer un SMS AVANT minuit si vous voulez qu'il arrive en 2018 x) Et j'espère sincèrement que cette année vous sourira. Nous, on espère peut-être une publication de The Last Banshee mais bon, finger crossed !
A mercredi les amours !