Chapitre II

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D'un coup sec, je sors l'un de mes katanas et tranche en deux la tête de la cible d'entraînement. La colère prend possession de moi et je continue de trancher tout ce qui me tombe sous la main dans le complexe d'entraînement de l'armée.

Cette « discussion » avec les anciens du Conseil m'a mise hors de moi. Ils m'ont menacée de me détrôner en proposant un Roi plus légitime que moi, pour la simple et bonne raison qu'il est un Démon pur et qu'il a déjà pu faire ses preuves sur un champ de bataille. Je ne connais pas son nom, ni même son âge, mais je sais d'avance qu'il ne sera qu'une marionnette au service du Conseil. Depuis le temps qu'ils en rêvaient, de pouvoir contrôler totalement leur souverain pour le faire agréer à n'importe lesquelles de leurs décisions... Est-ce cela, qu'ils rejettent en moi ? Le fait que je ne sois aucunement manipulable ?

Qu'ils me menacent, je peux le supporter. Mais qu'ils insultent mon entraînement et ma légitimité, je ne peux le supporter. J'ai trop souvent souffert étant enfant pour que des gens me rappellent sans arrêt que je ne suis pas totalement une démone. Les autres Démons me voyaient comme un monstre. Lucifer lui-même s'est senti obligé de me cacher, les premières années, pour éviter un soulèvement des Enfers. Combien d'années ais-je passées enfermée aux Enfers, avec les âmes torturées et le feu brûlant ? 

Le seul avantage, c'est que j'avais Garm(1) avec moi, le chien gardien du « Royaume des Morts », comme le nomme certain. Avec ses quatre yeux et son poitrail ensanglanté, il faisait peur à n'importe qui. Mais avec moi, c'était un véritable chiot, adorable et compréhensif. Nous étions si proche, deux « monstres » qui se complétaient. 

Malheureusement pour moi, Dame Madera l'a vite compris et comme toujours, l'a utilisé à son avantage. Quand elle a commencé son entraînement sur moi, pour soi-disant« me rendre normale », je l'ai cru, aussi naïve que j'étais. La tête de Garm a orné ma chambre pendant une semaine, après qu'elle m'ait ordonnée de « couper tous mes liens amicaux ». Il fut mon premier meurtre. Ceux qui ont suivi n'étaient que des broutilles à côté. Mais le résultat était là : je n'ai plus jamais laissé personne entrer dans ma vie. 

Un cri de rage m'échappe et je finis un mouvement en m'ouvrant le bras sur quelques centimètres. Mais la douleur est enterrée sous tant de colère que je ne la ressens même pas. Je sais bien que je vais guérir,de toute façon. Me blesser n'est en aucun cas une fatalité. Un flux de rage m'envahit et je perds le contrôle de moi-même l'espace de quelques minutes. 

Une fois que toutes les têtes, ainsi que les bras, jambes et autres choses que l'on peut trancher sur des cibles sont enlevées et retombées au sol, je me laisse choir sur le sable, ma lame à mes côtés.  A cette heure-ci, les Démons sont occupés ailleurs, me laissant seule dans le complexe d'entraînement. Les yeux rivés sur le mur en face de moi, je laisse les souvenirs d'enfance m'envahir.

Le bruit d'une lame qui fend l'air à ma droite me réveille. Je ne peux pas rester passive ! Il faut que je me reprenne et que je me concentre. Déterminée à ne pas me faire ridiculiser une nouvelle fois, je me concentre jusqu'à percevoir les sons qui m'entourent. Je n'entends plus le bruit du métal, ni même celui de quelqu'un en train de marcher. Mon opposant s'est fait silencieux, plus dangereux que jamais.

S'il continue à être aussi muet, j'aurai du mal à parer la prochaine attaque. Ma technique est loin d'être parfaite et j'en suis consciente. Un cri de rage se fait entendre à ma droite, m'obligeant à tourner légèrement les poignets dans cette direction. Mon ouïe se concentre sur mon oreille droite, me forçant à écouter le vent qui fait bruisser les feuilles d'arbre ou l'herbe foulée par les pieds de quelqu'un.

Mes yeux cherchent le peu de lumière que laisse filtrer le bandeau pour essayer de me repérer, mais rien. J'entends le bruit d'une lame quelque part autour de moi et me prépare à parer le coup. Mais je suis trop lente et la lame me frappe l'épaule avec force, me faisant grogner et tomber au sol.

Les Chroniques d'Idan (tome 2) : La Première ReineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant