Samedi 2 juillet 2016 13h23
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Appartement des Fontaineau, deux heures plus tôt...
Mes renseignements confidentiels indiquaient qu'un stock de chocolat non génétiquement modifié était présent quelque part dans la cuisine.
La mission était risquée car si je me faisait attraper, l'ennemi ne manquerait pas de me torturer au sujet de "l'affaire du garage", mais mon incertitude avait duré assez longtemps...
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J'étais assise sur le lit, le dos contre le mur et mes écouteurs diffusaient le requiem épique d'un jeu vidéo. Ça a toujours été mon truc à moi avant une mission. Pour certains, c'est la cigarette. Pour moi, c'est la musique orchestrale.
Tout en triturant le câble de mes écouteurs, je scrutais le visage de Batman. Il respirait la tranquillité virile de celui qui ne craint rien. Pas la peine d'espérer un mot ou un signe de sa part ; de son seul regard, il m'assurait que j'avais pris la bonne décision.
Le morceau que j'écoutais n'était pas encore terminé lorsque je me suis levée. Tranquillement.
Aucune raison de me presser.
Au milieu de mon passage préféré, j'ai retiré les oreillettes et les ai jetées. Le double fil du casque a serpenté autour du téléphone, enserrant lentement sa proie. Deux battements ont pulsé à l'écran encore éclairé avant qu'il ne heurte le matelas, puis les écouteurs ont rebondis sur l'oreiller en un bruit mat.
Sans prêter attention ni aux étagères encombrées de comics, ni aux formules mathématiques inachevées qui jonchaient mon bureau, j'ai fait quelques pas en direction de la porte. J'ai remonté la fermeture éclair de mon camouflage optique et pris une grande inspiration.
Enfin, j'ai tourné la poignée de la porte et je suis sortie de ma chambre.
Dans le couloir, la voix d'un chanteur de rap s'échappait par la porte ouverte de la chambre de Léa. De là où j'étais, je ne pouvais pas voir ma soeur, mais je n'avais aucun doute sur le fait qu'elle, elle m'apercevrait dès que je passerais devant sa porte. Une seule solution s'offrait à moi : parier sur ma rapidité et trouver un moyen de faire diversion.
Accroupie, je me suis approchée le plus proche possible de l'encadrement de la porte. J'ai retenu mon souffle et me suis élancée.
Dans ma tête, je comptais les secondes comme si cela pouvait m'aider à me concentrer.
Un
J'ai franchi le passage en un seul saut.
Deux
Je me suis relevé et ai enchaîné sur un sprint en dérapant jusqu'aux toilettes.
Trois
J'ai attrapé un magazine et, d'un mouvement vif, l'ai lancé sous la porte.
Quatre
Je me suis adossée à la cuvette des toilettes.
À peine avais-je commencé à reprendre mon souffle que la musique s'est tue. J'ai tendu l'oreille. Un bruissement de draps s'est fait entendre, suivi d'un grincement de lit. Mais alors que je guettais les pas qui approchaient, j'ai soudain été prise d'un furieux doute. Plongée dans le noir, j'avais pris à l'aveugle le premier magazine de la pile qui traînait là. Était-ce bien le dernier numéro de Biba que j'avais envoyé dans le couloir ? Ou bien était-ce le hors-série spécial potager en ville de Rustica ?
Qui avait fait la grosse commission en dernier ? Cette question à l'apparence si anodine, pour ne pas dire saugrenue, revêtait tout à coup un enjeu des plus décisif quant au succès de ma mission. Car qui avait utilisé en dernier les toilettes était responsable de l'ordre de la pile de magazine !
Les pas de Léa se sont approché dans le couloir. Elle a marqué un arrêt et il y a eu un bruit de froissement de pages que l'on tourne. Tous mes muscles étaient contractés dans l'attente de l'issue et je pouvais sentir mon cœur qui jouait de la batterie dans mon cou. Un rire est parvenu jusqu'à mes oreilles. Peut-être avais-je une chance ?
Finalement, Léa a fait demi-tour, le rappeur s'est remis à chanter et j'ai remercié intérieurement tous les journalistes de Biba.
Enfin en sécurité, j'ai entrouvert lentement la porte mais, au moment de sortir discrètement, mes yeux ont été attirés par l'un des magazines ouvert sur un article. J'ai lu quelques mots machinalement et je me suis figée.
Je tenais là les preuves d'un complot international !
L'article, destiné aux jardiniers en herbe, indiquait que des scientifiques venaient de parvenir à décrypter l'ADN du quinoa. Par la même occasion, les recherches avaient conduit à l'identification des gènes responsables de l'amertume de la graine.
Les journalistes qui avaient rédigé cette dépêche ne semblaient pas se rendre compte que, placée entre de mauvaise mains, cette découverte pouvait bouleverser le monde de l'agronomie et de l'alimentation telles que nous les connaissions !
En effet, l'amertume du quinoa constitue le dernier rempart empêchant sa diffusion massive dans un monde occidental dont les choix restent dictés par la notion de plaisir et de rentabilité.Supprimez le goût qui fait grimacer les enfants et ils n'auront plus aucune raison de refuser ce qui est érigé comme le saint Graal des céréales par les nutritionnistes.
Les médias surenchériront la propagande déjà en place dans les milieux élitistes végétariens ; puis les politiques s'approprieront les bienfaits, et mettront en place des subventions pour une culture sélective du quinoa dans l'espoir de relancer l'économie d'un pays en crise. En guise d'étape finale la graine dénaturée sera distribuée dans tous les lieux d'éducation de nos chères têtes blondes !
Imaginez un monde dominé par le quinoa...
Des graines partout, des plats à base de quinoa trois fois par semaine à la cantine, la farine de blé remplacée par celle de quinoa, les steaks de quinoa, la confiture de quinoa, le tartare de quinoa, le...
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Je n'avais malheureusement pas le temps de m'appesantir sur ces révélations préoccupantes car, pour l'immédiat, j'avais un objectif à remplir et rien ne devait m'en détourner : atteindre l'entrepôt des denrées alimentaires, plus communément nommée "la cuisine".
Je suis sortie des toilettes et ai continué à longer le couloir à pas de loup. Même si mon équipement d'infiltration 100% coton m'assurait une foulée inaudible, je ne souhaitais pas prendre de risque. En passant devant la salle de bain, j'ai croisé le regard intrigué de notre vieux canard en plastique et je lui ai tiré dessus avec une balle imaginaire sortant de mes doigts.
Une fois arrivée au bout du couloir, je voyais le canapé d'où dépassait le chignon défait de ma mère. Cette dernière paraissait totalement absorbée par les répliques navrantes de platitude qui sortaient du poste de télévision. J'avais toutes mes chances de rejoindre la cuisine sans encombre.
Je me suis baissée et j'ai marché en canard jusqu'au canapé. J'étais dans l'angle mort de ma mère, mais je devais redoubler de prudence. Elle ne pouvait pas me voir à moins de se transformer en chouette, mais elle pouvait m'entendre !
Un pas à la fois, j'ai longé le canapé dont le velours absorbait l'humidité de mes mains moites. Je me suis arrêtée au niveau de l'accoudoir et j'ai fixé l'entrée de la cuisine qui me faisait face. Pour l'atteindre, je devais traverser trois longs mètres totalement à découvert. J'allais devoir utiliser ma botte secrète : la technique du serpent. À mon niveau, je ressemblait plus à un vermisseau qu'à un reptile agile, mais le résultat est le même.
Deux minutes et trois litres de transpiration plus tard, j'ai rejoint la cuisine sans me faire remarquer par ma mère.
J'étais satisfaite de mon exploit, mais la chaleur était telle que j'ai décidé de quitter ma combinaison de camouflage. Je l'ai posé dans un coin où personne ne pourrait la remarquer, puis je me suis mise à fouiller les placards. Rapide et efficace, j'ai rapidement fourré tout ce que j'ai pu dans l'un de nos derniers sacs en plastique (d'après ma mère, une loi va en interdire l'utilisation bientôt) : tablette chocolat-amande du commerce équitable, tablette de chocolat bio 85% de cacao, yaourt au soja parfum chocolat intense, barre de céréales bio et sans gluten enrobée de chocolat au lait. Puis je me suis dirigée vers le salon.
Ramper avec le sac de provision n'était pas envisageable et je réfléchissait à une solution pour traverser le salon en sens inverse lorsque la sonnette de la porte d'entrée a retenti. Telle une biche prise en flag par les phares d'une voiture, je me suis immobilisée et j'ai vu au ralenti ma mère se retourner, croiser mon regard et foncer les sourcils.
Sous mon crâne, mon cerveau moulinait à toute vitesse et c'est sans même me rendre compte de ce que je faisait que j'ai lancé sur le ton le plus enjoué possible :
— Je vais ouvrir !
Ma mère a acquiescé et s'est retourné pour regarder la fin de sa série.
A l'entrée, il n'y avait personne. J'ai vérifié trois fois, mais aucune trace de qui que ce soit. Au moment de refermer la porte, j'ai aperçu une petite carte sur le paillasson. C'était la carte de visite d'un restaurant : Sushi Two, avenue Felix Viallet.
J'ai refermé la porte et ai fait un pas en arrière. La voix de ma mère juste derrière moi m'a fait sursauter.
— C'était qui ?
— Rien, une pub pour des sushis, j'ai répondu en lui montrant la carte.
J'ai fais mine de m'en aller, mais la voix de ma mère m'a retenu comme une laisse tire un chien par le cou.
— Attends un peu ! Où tu vas comme ça ?
— Dans ma chambre... J'ai un exo de math à terminer.
— Je vois. Ne crois pas t'en tirer comme ça. Il va falloir qu'on ait une discussion sérieuse tout à l'heure.
J'ai filé vers ma chambre en hochant vaguement la tête, trop heureuse qu'elle n'ait pas remarqué le sachet que je tenais.
Alors que j'atteignais la porte de mon QG, la voix de ma mère a encore retentit depuis la cuisine.
— Alice, Tu peux m'expliquer ce que fais ton sweat Batman à côté de la poubelle ?
À cet instant précis, j'avais les jambes en coton et c'était moins à cause la perte de ma combinaison de camouflage que de ce que je venais de découvrir au dos de la carte de visite :
« Compte sur nous » écrit à l'encre rouge.
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Je me suis essayé à un style un peu différent dans ce chapitre : les scène d'action...
Qu'est-ce que vous en pensez ?
C'est aussi le plus long chapitre jusqu'à présent je pense. Est-ce un peu ennuyeux ?
Et encore une vidéo, parce que c'est ce qui a inspiré le titre de ce chapitre :)