Viva Las Vegas [Terminée]

By Nomnomio

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A Las Vegas, tout brille. Lumières, champagne, jeux de casino et de pouvoir, femmes fatales, rien n'est trop... More

Prologue
Episode 1
Episode 3
Episode 4
Episode 5
Episode 6
Episode 7
Episode 8
Episode 9
Episode 10
Episode 11
Episode 12
Episode 13
Episode 14
Episode 15
Episode 16
Episode 17
Episode 18
Episode 19
Episode 20
Episode 21
Episode 22
Episode 23
Episode 24
Episode 25
Episode 26
Episode 27
Episode 28
Episode 29
Episode 30
Episode 31
Episode 32
Episode 33
Episode 34
Episode 35
Episode 36
Episode 37
Episode 38
Episode 39
Episode 40
Episode 41
Episode 42
Épilogue

Episode 2

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By Nomnomio


Il faisait soleil mais le vent du désert soufflait violemment, des rafales de sable balayant le sol aride, conférant au paysage une certaine beauté mélancolique. Cependant, dès le panneau d'entrée de Las Vegas franchi, la magie s'évaporait, faisant place à la démesure. Le bus laissa ses passagers sur le Strip et repartit vers une autre destination.


Nero posa un de ses sacs au sol, s'étira un moment tout en contemplant la ville qui allait a priori l'héberger pendant quelque temps. Ses yeux vert sombre, insondables, se tournèrent ensuite vers les deux jeunes filles qui l'accompagnaient. Un faible éclair de tendresse traversa alors ce regard glacial.

Patrizia, sa sœur aînée, évalua brièvement le décor, avec précision et acuité comme à son habitude. C'était une jeune femme sublime à la silhouette longiligne, avec un petit visage au long nez fin et des yeux dorés en amande. Elle était belle et elle ne l'ignorait pas ; elle dégageait une confiance en elle presque insolente. Cinzia, plus jeune et toute en rondeurs, ouvrait de grandes prunelles écarquillées en scrutant tout autour d'elle, ne sachant plus où donner du regard face à toutes ces couleurs et ces lumières. Elle avait un visage aux traits doux et tendres, un peu comme un délicieux bonbon. Dociles, les deux attendaient que leur frère leur indique la direction à prendre.

Celui-ci remit son sac sur l'épaule et leur fit signe de le suivre, sans un mot. Nero n'avait jamais été un bavard, et être indéchiffrable lui avait jusque là réussi dans le milieu où il évoluait. Il traversait les évènements en silence, aussi mystérieux et dangereux qu'une ombre.


Le garçon prit la direction qu'on lui avait décrite, quelques jours auparavant. Avant son départ précipité pour échapper aux brigades italiennes et aux gangs rivaux du sien. Il avait voyagé depuis, poussé en avant par une fuite permanente, puis avait pris le parti de s'expatrier aux Etats-Unis. Il avait de bonnes relations qui lui avaient recommandé Las Vegas et la simple mention de leur nom pouvait lui ouvrir bien des portes.

Il marchait d'un pas rapide pour oublier le vent de sable qui lui fouettait le visage, ses sœurs à sa suite. Aucune des deux ne se plaignait de l'allure ni du poids de leurs affaires, même si Patrizia était la plus encombrée. Ils durent marcher un bon moment, laissant le Strip loin derrière eux, avant d'atteindre le lieu qu'ils cherchaient. C'était une sorte de drive-in à l'italienne, dont les produits n'étaient pas des hamburgers et des frites mais des pizzas trop plates ou des penne rigate servies dans des boîtes en carton. Nero soupira. Ils étaient si loin de leur Italie natale.

Ils slalomèrent entre les voitures arrêtées dans lesquelles des gens ternes avalaient sans peine ni plaisir leur pitance. Une serveuse en patins à roulettes faillit heurter Nero, elle l'esquiva avec adresse avant de continuer sa route. Le jeune homme atteignit alors le bâtiment où se trouvaient le bar et les cuisines. Le patron le sonda du regard d'un seul coup d'œil à son entrée. Ce nouvel arrivant n'avait pas vraiment l'air du péquenot moyen venu simuler un repas à Venise dans une voiture crasseuse.

Nero arriva devant le comptoir et s'y appuya après avoir posé son sac au sol. 


— Le service se fait dans les voitures.
— Je cherche du boulot.
— Je suppose que tu ne parles pas de faire du patin à roulettes.
— Non.


C'était bien ce qu'il pensait. L'homme jeta un regard circulaire aux alentours pour vérifier qu'on ne pouvait pas les entendre. Il se pencha vers Nero et lui parla dans un murmure.


— Désolé, petit, mais j'ai rien à voir avec ce genre de trucs, moi.
— C'est pas ce que m'a dit Regatti.


Le patron laissa échapper un profond soupir.


— Je vois. Ok, puisque c'est Regatti qui t'envoies, je vais te filer les tuyaux. Ici, les Italiens qui arrivent pour un boulot dans ton genre entrent dans la sphère du Pater. D'autant plus qu'il a besoin d'effectifs en ce moment. Je vais t'expliquer : est-ce que tu sais qu'à Vegas, Il Pater a été obligé de s'allier avec ces connards de Porto-Ricains ? Eh bien, c'est seulement en apparence parce qu'ils sont en compétition serrée. Si t'es un gars efficace et pas chiant, Il Pater saura amplement te récompenser.


Nero hocha simplement la tête.


— Quel âge t'as, gamin ? reprit l'homme.
— Je suis pas un gamin. Et Il Pater sera content de moi.
— Bon. Mais c'est bien parce que Regatti t'envoie. Parce que tu sais, tu m'inspires pas confiance.


Il prit un papier près de la caisse enregistreuse, sortit un stylo de sa poche tablier.


— Voilà, pour cette nuit, l'adresse d'un hôtel pas trop cher. C'est un cousin qui le gère, dis que c'est Ciro qui t'envoie et il t'accueillera. Pour Il Pater, il faut que tu commences par appeler ce numéro. Un de ses lieutenants te donnera rendez-vous, ils feront des vérifications pour être sûrs que t'es réglo. Après ça, si t'es clean t'as un boulot. Tiens, mais ne dis pas que c'est moi qui t'ai donné ce numéro, je veux pas me mouiller.


Nero prit le papier sans un mot, reprit son sac et continua la route en compagnie de ses sœurs. Ils marchèrent encore un certain temps avant d'atteindre l'hôtel que Ciro leur avait indiqué. Ce n'était pas vraiment le Mirage. Pour tout dire, c'était un petit truc plutôt miteux. Ça devait être une tradition familiale, les enseignes crasseuses et déprimantes. Ils n'avaient pas assez d'argent pour se payer une chambre au Mirage de toute façon. Ils étaient arrivés dans l'après-midi mais ils avaient tant marché que la nuit commençait à tomber. Derrière eux, du côté du Strip, les lumières en tous genres s'allumaient, embrasant le crépuscule.


♦♣♥♠


Le jeune homme poussa la porte de l'hôtel. Ils se retrouvèrent dans une salle de réception au parquet grinçant, où résonnait une musique lancinante aux accents vaguement italiens. Il n'y avait personne derrière le comptoir, ils se tournèrent alors vers des fauteuils rapiécés un peu à l'écart où ils s'assirent en attendant. Nero cala les pieds sur son sac qui reposait à terre ; les deux filles restaient droites dans leurs sièges, scrutant les alentours sans le moindre commentaire.


— Baisse le son de cette foutue musique...


L'Italien corpulent qui venait d'entrer en criant dans sa langue natale s'arrêta net quand il vit les arrivants. Il alla baisser le son de la sono en bougonnant avant de se tourner vers Nero avec un sourire hésitant.


— Bonsoir, monsieur !
Buonasera.


Le visage du gérant s'éclaircit.


— Ah, italien ? reprit-il dans leur langue. Je n'étais pas sûr. Que puis-je pour vous ?
— Je voudrais une chambre pour la nuit...
— Bien, bien, ça fera...
— ... alors Ciro m'a recommandé de venir ici.


Le sourire de l'homme devint plus affirmé.


— Ah ! Tiens, petit, la clé pour toi et tes deux jolies demoiselles. Votre chambre est au second. Comme c'est Ciro qui t'envoie, je te fais moitié prix.


Toujours aussi peu bavard, Nero prit la clé avec un hochement de tête, son sac, et s'engagea dans l'escalier, ses sœurs sur les talons. Chambre 15. Il introduisit la clé dans la serrure, poussa la porte.

La pièce était assez petite, avec un lit double, un canapé de cuir râpé et un lavabo dans un coin. Tout sentait le vieux et l'usé, le parquet grinçait aussi fort qu'en bas ou peut-être plus. Dans un coin de la chambre, un tapis épais était enroulé et posé contre le mur. Patrizia le déroula, révélant de nombreux trous aux bordures brûlées et noircies. Elle l'étala tout de même au sol, afin de les protéger du mieux possible des craquements du bois. Cinzia s'assit sur le rebord du lit. Elle était éreintée mais pour rien au monde elle n'aurait ajouté des soucis à son frère adoré en se plaignant.

Patrizia alla se passer de l'eau sur le visage tandis que Nero s'asseyait, lui, sur le canapé. Il se tenait ainsi face à sa plus jeune sœur mais ne la regardait pas, fixant ses pieds de ses yeux terriblement sombres. Lorsqu'il releva enfin la tête, Cinzia lui adressa un de ces tendres sourires dont elle avait le secret. Il hocha vaguement la tête, se demandant au fond de lui laquelle de ses sœurs il préférait.

Mais c'était impossible de savoir. Tout ce qu'il n'aimait pas chez l'une, il l'aimait chez l'autre et vice et versa. Elles étaient pratiquement opposées. Autant Patrizia était forte, confiante, un rien arrogante et manipulatrice à ses heures, autant Cinzia était simple, douce, timide et docile. Nero songea à ses parents, décédés à quelques années d'intervalle alors qu'il sortait à peine de l'adolescence, faisant de lui le seul tuteur de ces deux filles. Bien sûr, Patrizia était plus âgée que lui mais il était le seul homme de la famille, donc il considérait que veiller sur ses sœurs était de son devoir exclusif.

La voix rauque et chaude de Patrizia, justement, s'éleva enfin, depuis le coin de la pièce où elle faisait couler l'eau du robinet.


— Tu as trouvé pour ton job ?
— Oui.
Bene.


Cinzia parla à son tour, de sa voix de petite fille, hésitante, comme si elle culpabilisait d'ouvrir la bouche tant qu'on ne l'avait pas autorisée à le faire.


— Tu pourras travailler quand ?
— Demain. Demain, si tout va bien. Il faut dormir maintenant.
— Nero, tu es sûr que tu ne veux pas le lit ?
— Oui, le canapé ça va.


C'était un mensonge, mais il était impensable pour lui qu'une de ses deux sœurs dorme dans un divan si vieux et inconfortable. Il sentait un ressort, sous le tissu, s'enfoncer dans sa jambe. Patrizia esquissa une grimace lorsqu'elle entendit le grincement du lit à l'instant où elle s'asseyait dessus. Elle se tourna vers sa sœur.


— Tu crois que j'ai tant grossi, Cinzia ?


Celle-ci laissa échapper un petit rire devant le regard complice de la jeune femme, longue et fine comme une anguille. Il n'y avait que Patrizia qui pouvait redonner le sourire à Cinzia, ce n'était sûrement pas lui qui risquait d'y arriver. Il ne trouvait jamais les mots. Encore moins ceux du réconfort.

Il s'étendit sur le canapé, rabattit sur lui la couverture qu'il avait trouvée dans un petit placard. Avant de s'allonger, Patrizia lui lança :


— Bonne nuit, Nero.
— Bonne nuit.


La jeune femme éteignit la lampe de chevet.


♦♣♥♠


Nero attendait à la terrasse d'un restaurant donnant sur une rue piétonne très fréquentée. Il profitait du soleil en observant la foule, détaillant les gens de son regard étrange. Ça lui faisait bizarre de retrouver une ambiance légère comme celle-ci après la journée de la veille, entre le bus déglingué, le drive-in désolant et l'hôtel miteux, ainsi que la très longue marche qui l'avait épuisé.

Il jeta un coup d'œil à sa montre. Le type qu'il avait eu au téléphone après bien des attentes lui avait donné rendez-vous à quatorze heures. Il ne devrait plus tarder. Justement, il aperçut un homme grand et élégant avec une veste vert bouteille, de larges lunettes noires et une fine moustache, les cheveux plaqués sur le crâne à la gomme. Quelle caricature. Le type réajusta sa cravate avec des gestes maniérés avant de s'arrêter devant lui.


— C'est toi, Nero ?


Le garçon hocha juste la tête. L'autre tira la chaise en face de lui pour s'installer à son aise. Il sortit un paquet de cigarettes de sa poche, qu'il tendit à Nero avec une moue interrogative. C'étaient ces petits machins tout fins qui se fumaient juste pour le style, pratiquement.


— C'est bon, j'ai les miennes.


Le rital haussa les épaules tandis que Nero sortait l'une des siennes et l'allumait. Il en tira une bouffée en attendant la suite. Il regardait l'autre droit dans les yeux, sans ciller, comme à son habitude. Et, toujours comme d'habitude, il était impossible de comprendre ces yeux là, de savoir ce qui se tramait derrière.

Au bout d'un très long moment, le gommeux prit enfin la parole.


— Bon. Je suis Ricotta, et l'un des premiers lieutenants d'un homme très puissant. Je ne sais pas comment t'as eu ce numéro et je ne veux pas le savoir. Tu veux du boulot, hein ?
— Oui.
— T'en as envie ou t'en as besoin ?
— Les deux.
— Je vois.


Il laissa échapper un nuage de fumée de sa bouche avant de reprendre.


— Donc, Nero, tu viens d'où ?
— De France. J'ai dû partir d'Italie, alors j'ai été dans plusieurs pays d'Europe avant de venir ici.
— T'as dû partir ? Pourquoi ? Police ?
— Exactement.
— Tu bossais avec qui à l'époque ?
— Pour Placido et l'Ermite... mais ils se sont fait serrer.
— Tu bossais avec Placido ! Oui, c'était un mec efficace mais pas assez prudent. Ça m'étonne pas trop qu'il soit tombé. Est-ce que quelqu'un qui bossait avec toi à l'époque et qui n'est pas en taule pourrait confirmer tes dires ?
— Il y a Vinolo, et puis Regatti qui m'a envoyé ici...
— Bien. Attends deux secondes.


Il sortit son portable, composa un numéro. Il parla un long moment en italien. De toute façon, Nero était totalement réglo, il n'avait rien à craindre. Ricotta raccrocha.


— On n'a plus qu'à attendre. Mes gars vérifient ton passif. En attendant, parle-moi de toi, Nero. T'as quel âge ? Tu fais vraiment jeune pour le boulot.
— Tu ne me crois pas capable de tuer quelqu'un ?


La vivacité de sa répartie prit Ricotta de court. Il esquissa un sourire amusé.


— Qu'est-ce que je peux en savoir, moi, mon mignon? J'attends de te voir faire. Mais ne te vexe pas, on est susceptible dis donc. Je ne t'ai pas remis en question, t'es peut-être un dur, qui sait ?


La mâchoire de Nero se crispa légèrement. Bien sûr qu'il était un dur. Il n'avait pas des manières raffinées de tapette et il ne portait certainement pas des vestes vertes, lui, au moins. Le téléphone sonna. Ricotta décrocha et écouta un petit moment avant de raccrocher. Un large sourire apparut sur son visage à l'intention du garçon.


Benvenuto a Las Vegas.

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