Karou
Mes larmes coulèrent incessamment, je ne pouvais le croire.
Quelle trahison ! Alors, depuis le temps où j'étais là à souffrir de son absence, Khalil m'avait déjà oublié, il se la coulait douce avec une autre.
Je ne savais pas où j'étais, ni comment je me suis retrouvée là devant la mer.
Je me suis assise sur le sable tiède et commençais à chialer comme une folle. Les gens me regardaient, étonnés.
La douleur de ça, seules les personnes ayant vécu la même situation peuvent comprendre.
Eprouver des sentiments non réciproques est très durs certes, mais le pire est d'être dans le déni sans s'en rendre compte.
Depuis trois années, je n'ai cessé de penser à lui mais, à ce qui paraît il ne m'avait jamais aimé.
J'ai pleuré toutes les larmes de mon corps, rien n'avait plus de sens pour moi.
Et je me demandais sans cesse pourquoi Khalil m'avait fait cela.
Alors durant toutes ces années, j'étais dans le déni.
Ma tête me faisait mal mais j'ai ignoré cette douleur et j'espérais que tout cela soit juste une mauvaise blague.
Une petite fille de 3 ou 4 ans vint me prendre la main, puis avec ses minuscules petites mains, m'essuya le visage.
En voyant son magnifique et innocent petit visage je ne pus m'empêcher de sourire avant de recommencer à chialer mais cette fois ci, d'émotions positives.
Sa mère accourut vers elle, la récupérer. ''Ma chérie, ne fatigues pas la tata, ne vois-tu pas, elle a mal''Disais-t-elle. ''Tataaa-Tataaa'' Disais la petite fille en tapant ses petites mains.
Je fis un sourire.
La maman : Soyez forte madame et sachez que tout finira par rentrer dans l'ordre. Suffit juste d'être patiente
Après ces mots, je me sentis beaucoup mieux.
C'est fou comme la dame et sa fille m'ont redonné le sourire, à croire que ce sont ce genre de petites choses simples et gratuites qui peuvent remettre de la lumière à la journée de quelqu'un.
Je me relevai et m'apprêtai à rentrer chez moi.
Dès que mon taxi vint, j'entendis la voix de Rokya qui se dirigeait à toute allure vers moi.
Rokya : Mais que fais-tu ici Karou ? Je suis passée au poste et ils m'ont dit que t'étais libérée. Et je t'ai cherché partout. Que fais-tu ici ? Mon Dieu ! Tu pleurais là ?
Je la regardai fixement pendant une seconde.
Moi (d'un ton ferme) : Entres dans le taxi, faut qu'on parle
Elle fit ce que je lui ai demandé sans dire un mot.
Arrivées dans mon appartement, je pris le soin de bien verrouillé la porte avant d'entamer une discussion sérieuse avec Rokya.
Rokya : Qu'y a-t-il Karou ? Tu me fais peur là
Moi : Assis-toi
Rokya : Q...quoi ?
Moi : J'ai dit assieds-toi, dis-je en criant
Elle s'assit alors instantanément.
Je fis quelques pas d'aller et de retour et mettant mes mains sur mes hanches.
Moi : Comment se fait-il que je sois arrêtée pour un crime que je n'ai pas commis ?
Rokya : J...je...
Moi : M'as-tu collé ce meurtre sur le dos ? Et réfléchis bien à ce que tu diras Rokya
Rokya : Comment peux tu penser cela Karou ? Je ne suis pas un traitre
Moi : Pourtant tu m'as bien trahi pour te liguer avec Alfred
Rokya : Je te jure que je n'y suis pour rien Karou, crois moi
Moi : Qu'as-tu dit à Joe, lorsqu'il t'interrogeait ?
Rokya : Je lui ai juste dit ce qu'on s'était convenu de dire, j'ai juste suivi le plan
Moi : Alors comment se fait-il qu'il soit au courant de l'animosité qu'il y'avait entre Alfred et moi ? Dis-moi
Rokya : Je l'ignore Karou, je l'ignore. Joe est un inspecteur, il a surement fait des recherches sur nous tous. S'il te plaît crois-moi Karou, je n'y suis pour rien
Je fis la sourde oreille en ce moment-là.
Rokya : Comment puis-je te trahir, en sachant que si tu tombes, je tomberais aussi ?
Je pris une petite pause avant de réagir à cela.
Moi : Je suis désolée. Je suis très tendue depuis cette histoire. Je ne sais plus qui croire et, mon arrestation de ce matin, le retour de Khalil...
Rokya : attends, quoi ? K...khalil ? Quel Khalil ?
Moi : Khalil Djamil Diop, le jumeau d'Alfred
Rokya : I...il est toujours en vie ? Dit-elle d'un ton effrayé
Moi : Et oui ! Pour quelqu'un en vie, il l'est, crois-moi
Rokya me regarde étonnée.
Moi : Devines quoi ? Ce salop est revenue avec une épouse
Rokya : Q...quoi ?
Avant de rétorquer, mon téléphone se mis à sonner.
C'était Mourtalla. Oh le pauvre, je l'avais complètement oublié.
Moi : Allo, Mourtalla, j'ai complètement oublié de te dire que j'ai été relâché sous caution
Mourtalla : C'est ce que j'ai eu connaissance en arrivant au poste de police, mais ce n'est pas la raison de mon appel
Moi : Ah bon c'est quoi donc ? Dis-je toute curieuse
Mourtalla : Je voulais juste te dire que tu n'as plus à t'inquiéter, j'ai entendu une discussion entre l'inspecteur et la famille de la victime, à ce qui paraît, y'aurait des caméras de surveillance ultra discrètes qui seraient incorporées dans les murs de toute la maison d'Alfred. Tu seras bientôt disculpée ma Karou dès qu'ils mettront la main sur les enregistrements des vidéo-surveillances.
Je fis une pause à cause de l'information que je venais de recevoir.
Mourtalla : Allo, allo, Karou t'es là.....
Moi : O...oui je suis là. Ecoutes Mourtalla, je te rappelle et merci pour tout ce que tu fais pour moi
Je me retourne vers Rokya, les yeux apeurés.
Moi : On est dans la merde, dis-je la voix tremblante
Rokya : Q...quoi ? Q...qu'est-ce qu'il y'a ?
Moi : A ce qui parait, il y'avait des caméras de surveillance chez Alfred.
Rokya : Q...quoi ? Non, c'est impossible. On a vérifié et y'avait rien, on a pensé à tout.
Moi : C'est ce que je pensais. Mais j'avais complètement oublié que les caméras de surveillance pouvaient être bien incorporées dans les murs, portraits, vases etc...
Rokya : OMG
Moi : Si ça se trouve, la police est en train d'avoir les images de notre crime en direct
Rokya : Non, non, ce n'est pas possible, dit-elle en mettant ses mains sur sa tête. Qu'est-ce qu'on fait Karou, qu'est-ce qu'on fait ? Ajouta-t-elle.
Je ne répondis pas.
A cet instant, je ne savais plus quoi faire. Je me retrouvais pieds et poings liés.
Je m'assis tranquillement dans un coin en attendant que la police vienne nous arrêter. Mais, je ne cessais de fixer mon téléphone.
Devrais-je appeler Joe Khouma pour m'arranger avec lui et accepter son marché ou serait-ce déjà trop tard ?
Rokya n'arrêtait pas de pleurer et de dire du n'importe quoi.
Rokya : Qu'ai-je fait pour mériter ça ? Alfred, sale chien, tu continues de me faire du mal même dans l'au-delà, pourquoi ne m'as-tu jamais parlé de ces foutu caméras ? Pourtant tu me disais tout sale enfoiré.
Mais oui, écriai-je.
Je me relève à toute allure et allai rejoindre Rokya.
Moi : Que viens-tu de dire Rokya ?
Rokya : Q...quoi ?
Moi : N'est-ce pas qu'Alfred te disait tout sur lui, ces propriétés, le nombre de voitures qu'il possède, bref tous les détails ?
Rokya : Oui répondit-elle en voyant l'enthousiasme sur mon visage
J'éclatai de rires.
Moi : J'ai sous-estimé l'intelligence de Joe Khouma
Rokya : Quoi ? Je ne comprends rien à ce que tu racontes.
Moi : Je crois que c'est un bluff, et il n'y a jamais eu de caméras de surveillance incorporées machin quoi
Rokya : Mais qu'est-ce que tu racontes ?
Je pris mon téléphone à toute allure et commencé à scroller dans les réseaux sociaux.
Et comme je m'y attendais, je vis une multitude d'informations concernant les ''fameuses vidéos de surveillance'' : les meurtriers le payeront bientôt, Alfred reposera enfin en paix. A ce qui paraît l'information aurait fuité.
J'éclatai de rire.
Moi : Rokya, on n'a rien à craindre. La police n'a que dalle.
Rokya : Comment tu peux en être aussi sûre Karou ?
Moi : Je crois qu'ils utilisent la technique du ''divulguer une fausse information pour semer la panique''
Rokya : Tu crois Karou, tu as bien dit tu crois. Et si au contraire ce n'était pas du bluff et qu'ils veulent nous faire croire que s'en était un
Je fis une pause. Rokya avait raison. Ce jeu est très dangereux. Et s'ils veulent semer le doute dans nos têtes, ils auront réussi.
Je pris mon sac et m'apprêtais à partir.
Rokya : Ou vas-tu ?
Moi : Je pars éclaircir cette histoire
Rokya : J...je viens avec toi
Moi : Non ! Restes ici et tiens moi au courant des dernières nouvelles concernant ces fameuses caméras
Rokya me fit un regard interrogateur mais ne dit rien. Je savais qu'à ce moment-là elle craignait que je ne la balance mais ce qu'elle pensait à cet instant était le cadet de mes soucis.
Je demandai à Bouba de me conduire, vous ne devinerez jamais où, à la résidence Diop.
Je savais que Khalil y serait, c'est pourquoi je m'y suis rendue même.
Tout le long de la route, je ne cessais de consulter mon téléphone espérant ne pas voir un message d'alerte de la part de Rokya.
Bouba n'arrêtait pas de me fixer à travers le rétro.
_Tout va bien madame Karou ? Dit-il
_Oui ça va Bouba
Jusqu'à l'arrivée, je ne recevais aucun appel, ni aucun message d'alerte de Rokya.
Et si la police l'avait déjà embarquée ? Me suis-je dit
Je pris mon téléphone sans réfléchir et l'appelai.
Ça sonnait, mais elle ne décrochait pas.
Je fus instantanément submergée par la panique.
_On est foutu, dis-je tout bas
_Vous êtes sûre que vous allez bien Ma...
_Je t'ai dit que j'allais bien Bouba, merde à la fin, ai-je crié
On a été interrompu par la sonnerie de mon téléphone que je décrochai sur le champ.
_Allo Rokyaa, c'est toi, dis-je
_Du calme c'est bien moi, j'étais au toilette, dit-elle
Sans même qu'elle puisse ajouter quelque chose, je raccroche mon téléphone et je sors précipitamment de la voiture.
Je me retrouve ainsi devant la résidence Diop.
Lorsque j'appuyais à la sonnette, une vague de souvenir m'envahissait.
L'interphone : Bonjour, en quoi puis-je vous aider ?
Moi : J'aimerai voir Mr Khalil Djamil Diop, dites-lui que Karou Mya Ndiaye demande après lui
Après quelques minutes, la grande portière s'ouvrit et je vis Khalil.
Mes yeux se remplirent de larmes alors que je le vis s'approcher de moi, tout éclatant.
Je ne peux croire que je l'ai perdu.
Que croyais-je ? Qu'il allait revenir pour moi ? Mort de rire, quelle idiote que je suis.
J'essuyai mes larmes rapidement pour pas qu'il les remarque.
Khalil : Assalamou Aleykoum Karou. Mais viens, entres, ne restes pas ici
Il me fit entrer et me conduis jusqu'au salon. Rien n'a pratiquement changé depuis la dernière fois que j'étais venue ici.
Nous nous assîmes dans le salon, en face à face.
Après quelques secondes, nous étions tous les deux silencieux, on ne pouvait même pas se regarder dans les yeux.
Je décide alors de briser le silence qui devenait pesant.
Moi : Je tenais à te remercier d'avoir payé ma caution
Khalil : C'est le moins que je puisse faire Karou
Moi : Mais pourquoi avoir payé ma caution alors que je suis le principal suspect de cette affaire
Khalil : Je te connais Karou, je te connais très bien Karou Mya Ndiaye et je sais que t'es incapable de faire du mal à une mouche.
_Lorsque je me suis entretenu avec Joe Khouma, il m'a fait savoir que toutes les indices montraient une tentative de suicide mais je savais que mon frère était incapable de se ôter la vie, il était thanatophobe.
_Joe partageait la même pensée que moi, alors nous savons que mon frère a été assassiné. Les enquêtes n'ont pas conduit à grand-chose et comme tu étais la seule à avoir un mobile, tu te retrouves entre les mailles du filet.
_Mais je ne pouvais cautionner cela car certes Allah est le plus savant, j'ai la certitude que tu n'as pas assassiné mon frère
Je fis une petite pause.
Moi : merci de croire en moi
Et bim silence de nouveau.
Je dois avouer que ça devenait de plus en plus gênant.
Je pris de nouveau l'engagement de briser le silence.
Moi : Ne penses-tu pas que j'ai droit au moins à des explications Khalil. Je sais que ce n'est pas le moment, tu es en deuil, mais j'ai quand même droit à quelques explications, si tu vois ce que je veux dire
Khalil : Je suis d'accord, tu as droit d'avoir une explication Karou, mais je crains que ça ne soit le moment propice. Mais s'il te plaît Karou je veux que tu n'oublies jamais que tu es la f...
Et comme par hasard, c'est à cet instant précis que sa femme vint nous servir du jus.
Elle : Assamou Aleykoum, dit-elle en déposant l'assiette de jus sur la table basse
_Habibi, dit-elle en remettant à Khalil un verre de jus
_Soeur Karou, dit-elle en me tendant un verre de jus
Mais waou, elle est tellement jolie cette Safiètou. Elle était toujours voilée mais cette fois ci elle a fait découvrir son mignon petit visage.
Je dois avouer que j'ai été super jalouse et je me suis encore plus sentie trahie. Si je n'étais pas là pour des informations concernant ces fameuses vidéos de surveillance, je crois que je me serais enfouis de colère.
Elle repart ainsi en dandinant son corps alors qu'elle portait d'amples habits.
Khalil n'a rien dit après le départ de sa femme. Il était clairement gêné.
Et, j'étais furieuse mais j'ai quand même encore une fois relancé la conversation.
Moi : Ils en sont où pour les résultats de l'autopsie ?
Khalil : Ils sortiront la semaine prochaine s'il plait à Dieu et mon frère pourra ensuite être ramené à sa dernière demeure, a-t-il dit d'une voix lourde
J'avais tellement de la peine pour lui et je ne voulais que le prendre dans mes bras.
Moi : Je suis tellement désolée Khalil. Je n'étais pas amie avec Alfred mais je sais qu'il ne méritait pas de mourir de la sorte
Khalil : C'est la volonté divine et nous ne pouvons qu'accepter
On avait transformé mon Khalil ou c'est comment ? Il est devenu un très bon musulman.
Moi : Pourquoi attendre les résultats de l'autopsie ?
Khalil : Parce que c'est la seule chance qu'à le corps de nous raconter son histoire et nous permettra ainsi de savoir ce qui s'est vraiment passé
Moi : Oui je sais, mais je veux dire pourquoi vous attendez les résultats de l'autopsie alors vous ne pouvez tout simplement regarder les fameuses caméras de surveillance du domicile
Khalil : Ah ça, ce n'est que du bluff. Il n'y a jamais eu de caméra de surveillance dans cette maison
Mon cœur serré se desserra instantanément et je criai au fond de moi : ''je le savais ''
Moi : Ah weh, c'était du bluff. C'est une très bonne technique. La police sénégalaise ne cessera dont jamais de m'impressionner.
_Bon je crois qu'il est temps pour moi de m'en aller. C'était un réel plaisir de te revoir et merci encore une fois d'avoir payer ma caution, dis-je en prenant mon sac et en me dirigeant à la sortie.
Je n'ai même pas laissé le temps à Khalil de me dire au revoir.
Dès que j'eus franchi la portière de la résidence, je vis Joe Khouma qui descendit de sa caisse toute rouillée.
Il fut apeuré de me voir sortir de chez Khalil.
Moi : Bonjour Mr Khouma, Vous êtes là pour m'arrêter de nouveau ?
Il me fit un regard interrogateur avant de se précipiter à toute allure dans la résidence...