Le chemin de l'Eldorado

By diakite6

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Douta est un jeune sénégalais qui a été rapatrié de France. Son retour au pays à été mal pris par sa mère qui... More

*chapitre 1*
*chapitre 2*
*chapitre 3*
*chapitre 4*
*chapitre 5*
*chapitre 6*
*chapitre 7*
*chapitre 8*
*chapitre 9*
*chapitre 10*
*chapitre 11*
*chapitre 12*
*chapitre 14*
*chapitre 15*
*chapitre 16*
*chapitre 17*
*chapitre 18 (fin)*
Postface

*chapitre 13*

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By diakite6

Contrairement à l'aller, le bus dans lequel Douta est monté est beaucoup plus bruyant. Par chance, il a pu obtenir une place car il y'avait une absence. A côté de lui était assis une femme de la trentaine environ avec un bébé. Quand la mère voulait faire ou chercher quelque chose, elle n'hésite pas à déposer son bébé sur les jambes de Douta sans même demander sa permission. Il ne disait rien, mais pensait que c'était pas poli d'agir de la sorte. Il tenait le bébé pendant ces moments et jouait un peu avec lui. Derrière là où il était assis se tenaient deux vieilles femmes qui élevaient la voix quand elles se parlaient. Aucun moyen qu'elles parlent doucement, sûrement elles ont des problèmes d'ouïe. Devant lui étaient assis deux enfants, un garçon et une fille qui se chamaillaient sans cesse. Ils se dénonçaient toujours auprès de leur mère qui était assisse de l'autre rangée. Celle-ci n'hésitait pas à montrer sa main en signe de gifles si on la pousse à bout. Un peu plus devant, on entendait un groupe d'hommes discuter et rire bruyamment, des vieillards parlaient au téléphone à haute voix ainsi que la radio du bus qui émettait du "mbalax" auxquels certaines femmes gesticulaient et tapaient des mains. Douta posa sa tête sur la fenêtre et observa les endroits qu'il traversait au fur et à mesure que le bus avançait. Le voyage risque d'être long et bruyant.

Ce séjour au village sera un très beau souvenir. Grâce à ses cousins, il a pu connaître davantage de monde et a réussi à gagner la sympathie des concessions. Il était bien accueilli partout où il allait. Il n'hésitait pas à se rendre disponible pour quiconque a besoin de quelque chose ou pour faire un travail. Il a assisté à certaines événements du village : Les "navetanes" (tournois de foot pendant l'hivernage), les soirées organisés par les jeunes, les "simb gaïndé" (faux lion), et pleins d'autres loisirs. Il s'était bien amusé et avait oublié pour un temps ses problèmes à la ville. La veille de son départ on avait organisé une danse autour d'un feu en son honneur dans sa concession. Il était vraiment ému par la gentillesse de sa famille. L'oncle Arfang lui avait dit que le dernier sejour de son père s'était déroulé ainsi. En effet son père les a beaucoup aidés en matériel pour l'agriculture et en reconstruisant leurs logements. Lui aussi, a eu droit à une danse autour du feu pour lui faire honneur. Le fils aussi doit avoir droit à cela, pour son honneur et pour rendre fier le père car lui aussi a été là pour eux. Douta a réussi à convaincre son oncle de venir a Dakar pour se soigner et qu'il fera tout pour l'aider financièrement. Il ne reste qu'à attendre la fin de la récolte pour qu'il puisse venir. Il était content de la nouvelle et s'était promis de tout donner pour que son oncle soit dans de  bonnes conditions quand il viendra. Sa mére n'aura aucun problème à l'accueillir, elle respecte beaucoup l'oncle Arfang.

Entre temps, la plupart des passagers se sont endormis. De l'autre côté des sièges, on apercevait un homme, bouche ouverte, entrain de ronfler doucement. Un jeune homme qui était a côté de lui prit son téléphone et le filma en cachette. Puis il se mit à rire en mettant sa main sur la bouche. La nuit était apparu et l'absence de soleil avait favorisé le sommeil. Il faut noter aussi qu'après tant de bruit, les passagers se sentaient extenués. Quant à Douta, il avait les jambes lourdes et s'empressait pour rejoindre sa demeure au plus vite. Malgré le calme, il n'arrivait pas à dormir et penser sans cesse à son avenir. Quelques petites villes traversés, un court arrêt, et sa joie quand il aperçut les lumières de Dakar et qu'il va bien pouvoir se reposer.

La lumière du soleil s'infiltra par la fenêtre dans la chambre de Douta, pile où ses yeux étaient situés. Il eût du mal à ouvrir ses yeux et se voilà la face avec la main à cause de cette lumière éblouissante. Il se tourna du côté opposé et fixa pendant un moment le ventilateur. Il se leva, s'étira et partit prendre une douche. A sa sortie, il vit Amary assis sur le salon, le visage baissé, les poings serrés.
- Amary, pourquoi tu es rentré de l'école sitôt ?
Amary hésita à répondre, puis décida finalement de le faire.
- on m'a renvoyé, dit-il lentement
- renvoyé ? Demanda Douta, et pourquoi ?
Amary est un peu turbulent mais jamais il n'a été renvoyé. Douta s'assis sur le fauteuil en face en attendant une réponse.
- je suis assis derrière avec un groupe de garçons qui passent tout le temps à bavarder ou à jouer a des jeux vidéos. Mais moi je suis plutôt du genre à me concentrer donc je ne suis pas vraiment leurs délires car j'estime que c'est une perte de temps. Cependant, quand les professeurs en ont assez, ils nous renvoient tous, moi y compris, ou nous donnes de tas d'exercices. J'acceptais la punition sans broncher. Mais là je n'en peux plus, et j'ai commencé à contester les décisions des professeurs, surtout celui qui était le plus sévère d'entre nous, le professeur de français. Il m'a traité d'impoli, et que  si je continue je risque d'être exclu de l'école. Je lui ai dit que ça serait injuste de faire ça puisque j'ai rien fait de mal. Là il était vraiment énervé et à dit que mes parents ne m'ont pas éduqués et que mon impolitesse doit rester à la maison et ne pas l'amener ici. En ce moment j'étais humilié devant mes camarades et j'ai craqué. Je lui ai dit que lui il était pire car son fils je le connaissais et je lui ai dit toutes les bêtises qu'il faisait. A ce moment la classe était dans la stupeur et tout le monde se lançait des regards. Mr Sarr (le professeur) était à bout. Il a ôté ses lunettes et voulait en découdre avec moi. Mes camarades renvoyés m'ont entraîné dehors pendant qu'il me lançait des menaces. Puis le directeur m'a appelé, et m'annonça que si je n'appelle pas un parent, je ne serais plus le bienvenu dans cet établissement.
Douta comprit la situation, mais lui reprocha le manque de respect qu'il a eu envers le professeur.
- quoiqu'il en soit, t'aurais pas dû dire ceci à M.Sarr, tu devrais te plaindre à la direction. Écoute Amary, ne rentre plus jamais dans ce genre de choses, ton avenir en dépend. C'est compris ?
Amary hocha la tête. Douta poursuivit.
- bon attends que maman revienne, tu lui expliquera la situation et vous irez ensemble.
- non Douta, je ne veux pas qu'elle sache, elle ne va pas comprendre. Elle sera là à tout me reprocher, tu sais qu'elle sera pas de mon côté, quoique je dise.
Il hésita. Il voulait pas cacher ceci à sa mère.
- bon d'accord allons à l'école, mais je lui dirais à notre retour.
- non Douta, insista Amary, je veux pas non plus qu'elle sache après. Je veux que ça reste notre secret, entre frères, s'il te plaît.
Douta se résigna finalement.
- j'espère que ça sera le dernière fois. Je veux pas cacher ces choses à notre mére, tu comprends ? Je ne veux non plus que tu te fasses renvoyer, plus jamais, compris ?
Douta parlait avec fermeté et Amary lui promis que plus jamais il sera à nouveau renvoyé. Au même moment, Omar passa et s'apprêtait à sortir. Il vit ses deux cousins assis, les salua et demanda a Amary.
- pourquoi tu es ici à cette heure ?
Amary serra les poings, le regarda d'un air menaçant.
- cela ne te regarde...
- Amary ! Tonna Douta
Amary se tut. Douta le fixa d'un regard avertissant. Omar ne comprenait pas la situation. Il haussa les épaules et s'en alla.
Douta comprit qu'il y'a quelque chose qui va pas avec Amary ces derniers temps. Il ne sait pas encore ce que c'est mais le sens au fond de lui. Son petit frère devra lui donner des explications.

Les deux frères étaient assis devant le directeur qui parlait au téléphone. Douta observait la pièce pendant que Amary, les poings serrés, fermait les yeux. Quand le directeur finit, lui et Douta se saluérent. Ils se connaissaient bien car il était directeur depuis que Douta était élève dans cet établissement. Le directeur était un vieux d'une soixantaines d'années mais il avait l'air un peu plus jeune que ça. Dans l'esprit de Douta, il n'avait pas vraiment changé.
- bon, dit le directeur, j'imagine que ton frère t'as expliqué la situation.
- effectivement monsieur Fall, il est conscient de son erreur et il en est profondément désolé.
- c'est lui qui m'a manqué de respect, je n'ai rien fait de mal, déclara Amary.
- tais toi Amary, ordonna Douta, tu es entrain d'aggraver la situation.
Douta commençait à s'énerver. Le directeur regarda Amary puis s'adressa à Douta
- ton frère est ainsi ces derniers temps, d'habitude il n'est pas renvoyé et aucun professeur se plaignait. Mais maintenant ils se plaignent tous de son comportement. On le traite d'ailleurs d'indiscipliné.
Après une petit pause, il reprit.
- Amary, prends exemple sur ton frère. Il était un élève modèle et apprécié par tous les professeurs. Suis ses pas et tu ne le regretteras point. S'il y'a problème avec un professeur, tu viens me voir, car je sais que les problèmes peuvent être réglés par la discussion. Attendez un instant, j'appellerais Mr Sarr.
Quand le professeur vint, Douta et Amary se levèrent. Douta lui serra la main et lui expliqua que Amary n'est pas un mauvais garçon, il a fait une erreur certes, mais qu'il ne faisait pas partie des perturbateurs. Il lui demanda de tout oublier et lui assura que cet incident ne se reproduira plus. Ensuite, le professeur parla.
- Pour toi Douta, j'accepte qu'il retourne en classe. Mais la prochaine fois, qu'il s'attend a des sanctions très lourdes. Je ne laisse aucun élève me manquer de respect aussi ouvertement. Et qu'il ne parle plus jamais de ma vie privée, je serais aussi très dur là dessus. Je suis étonné de voir a quel point vous deux vous êtes différents. Mon conseil est que tu le surveilles davantage, s'il dérape, il sera trop tard pour toi.
Douta hocha lentement tête, Amary faisait une grimace en signe de dépit. Son grand frère lui ordonna de présenter ses excuses et lui donner la main. Amary s'exécuta. Il devra revenir demain avec une lettre d'excuse pour qu'il soit accepté.
De retour à la maison, Douta lui demanda
- que ce qui ne va pas avec toi Amary ? Je n'ai guère aimé ce que tu faisais aujourd'hui.
- j'ai juste clamé mon innocence, que veux-tu que je fasse d'autre ? Demanda Amary
- que tu te taises !
Amary leva les bras en l'air.
- tu sais que Papa detesterait ce que tu viens de faire, il n'aime pas que ses enfants se comportent ainsi. Et moi aussi je n'aime guère cela.
- me parle pas de lui ! Il n'est pas là, et toi, tu n'es pas mon père. Je n'ai pas besoin d'entendre cela.
Amary avait le visage fermé et plein de larmes. A cet instant, Il comprit quel était le problème avec Amary : il souffrait de la mort de leur père. Douta se sentait coupable, il était tellement occupé par ses problèmes qu'il ne prêtait pas trop attention a ce que ressentait son frère. C'est lui qui en souffre le plus car il l'a très peu connu, son père était parti quand il était encore jeune. Ce manque qu'il avait, même Douta n'a pas pu le combler malgré tous ses efforts.
- dis pas ça mon boy, mon père, de là où il est, est fier de toi. N'est-ce pas tu me disais qu'il venait te voir dans tes rêves ?
Amary acquiesça.
- dans ce cas, il n'a pas vraiment parti, vois-tu, il est toujours là entrain de veiller sur nous. Ne le déçois pas dans ce cas, sais-tu que tu lui ressembles, surtout quand vous souriez ?
Amary était étonné, il n'y a jamais pensé. Douta lui montra une photo de leur famille ou son père souriait. Il tenait Amary dans ses bras.
- tu as raison, on se ressemble !s'exclama Amary
Il était vraiment ému et avait les larmes aux yeux. Il dit tout doucement :
- je te rendrais fier, papa, tu as ma parole.
Douta était soulagé de l'entendre, cette photo faisait du bien à son frère.
- Amary, je ne serais jamais notre pére, je ne pourrais jamais le remplacer, mais je serais toujours là pour toi, et sache que je ferais de mon mieux pour que tu ne manques de rien, car je t'aime. Allons jouer au basket, ça fait un moment que je joue plus, remarqua Douta
- bonne chance a ton endurance, répondit Amary
- ah, on verra bien qui tiendra le plus longtemps sur le terrain
- allons y je suis impatient
- a ton retour, tu devras écrire ta lettre d'excuse, compris ?
- d'accord, mais je devrais te le laisser, après tout tu parles bien la langue de moliére, tes mots pourront émouvoir Mr Fall.
- c'est flatteur mais je le ferais pas, je veux voit a quel point tu maîtrises la langue française.
- tu risques d'être surpris, mon frère, répondit Amary.
Ils se préparérent aussi rapidement qu'ils pouvaient et s'en allérent.

- ah Mon frère, tu es très bien habillé, lança une vendeuse d'arachides.
- merci beaucoup ma sœur, répondit Douta.
Aujourd'hui, Douta a été invité par Fatou pour qu'il vienne lui rendre visite et ainsi discuter avec ses parents. Il hésitait, car il savait que les parents de Fatou ne l'aimaient guère. Le principal problème était, à son avis, le fait qu'il soit de la caste de forgerons (tëg), considéré inférieur par la caste des nobles (gér). Il comprenait pas comment en ce 21eme siècle il existait encore ce genre de mentalités. "Ne sommes-nous pas tous des sénégalais, des noirs et des êtres humains ?" "Pourquoi cette mentalité pleine de préjugés ?" "Ne sommes-nous pas tous semblables et au même niveau devant Dieu ?". Douta n'arrivait pas à comprendre cette mentalité et ne souhaite pas de le comprendre d'ailleurs.
Habillé de son magnifique boubou bleu et d'un bonnet de la même couleur, il égrénait son chapelet en cours de route. Il faisait des prières pour que la rencontre se déroule sans problème. Aptes un long moment d'hésitation, il sonna à la porte. Il répondit en révélant son nom quand la mère de Douta demanda qui c'était depuis l'intérieur de la maison. Elle ouvrit la porte et le regarda de haut en bas. Il fit un geste de la bouche comme pour dire "pas mal habillé". Douta la salua et elle le laissa entrer a l'intérieur. Il s'assit dans le canapé qui était à gauche. Il observa le décor du salon et le trouvait très attirant pour une famille de classe moyenne. Puis Fatou arriva et lui fit une bise de la joue. Douta voulut la prendre dans ses bras mais laissa tomber cette idée car il trouvait cet acte incorrect. Entre temps la mère de Fatou était rentré dans sa chambre pour prévenir son mari. Les deux amoureux se donnèrent des nouvelles. Douta lui raconta son séjour au village tandis que Fatou lui parlait de son nouvel emploi de secrétaire ainsi que les mariages de certains de ses amies. Elle parlait avec envie des cérémonies, ses yeux brillaient et Douta ne savait que dire, car elle savait que sa copine ne rêvait que de cela. Puis quelqu'un se racla la gorge derrière eux. C'était son père qui annonçait sa venue. Fatou se décala un peu de Douta car elle était très proche de lui. Douta se leva et s'avança vers le le père en tendant sa main pour le saluer. Le père refusa de lui serrer la main et en signe de salutation, il porta sa main sur sa poitrine. Douta se sentait un peu humilié mais malgré tout, il se rassit tranquillement. Le père de Fatou lui posait des questions sur son métier, sa famille etc. Mais quand Douta répondit qu'il n'avait pas encore d'emploi et qu'il est entrain de chercher, le père ferma les yeux et soupira, signe qu'il était lassé de le voir et qu'il perdait son temps à lui parler. Douta ne sut que dire et se tut. Fatou essaya d'arranger la situation en disant à ses parents qu'il va bientôt trouver un emploi quelque part a Dakar et que c'est une question de temps. Mais visiblement les parents n'étaient pas satisfaits de la réponse. Le père pria à sa fille de leur laisser quelques minutes, lui et sa femme pour qu'ils puissent parler à Douta. Fatou partit rejoindre sa chambre en faisant un clin d'œil à Douta. Pendant ce temps, ce dernier était très stressé et serrait fort son chapelet entre ses deux mains.
- je vais être rapide, clair et précis avec toi, Douta, dit le père. Je veux pas perdre mon temps ni perdre la tienne. Nous sommes de la caste des nobles, notre sang ne se mélange pas avec ceux des forgerons. Je tiens ça de mon père, qui le tient de son père et que lui aussi le tient de son père et ainsi de suite. Donc ce n'est pas avec moi que cette tradition se changera. Un mélange de sang entre noble et forgeron portera malheur à notre famille et je ne veux pas de ça. Il y'a sûrement de belles filles dans ta caste, c'est mieux de voir là-dessus et ainsi chacun restera de son côté, ou plutôt, à sa place.
Douta entendait les phrases du père comme de coups de marteau dans le cœur. Il ne savait plus quoi dire, en même temps il était choqué par les propos de cet homme.
- j'ai une question, dit Douta
- je t'écoute, répondit le père
- ne sommes-nous pas tous des musulmans ?
- effectivement, mais où tu veux en venir ?
- nous y voilà, répondit Douta. En matière de mariage, l’Islam ne fait aucune distinction entre les hommes. Et le prophète Muhammad PSL disait que : "si l’homme a une foi solide et un bon cœur, et qu’il peut subvenir aux besoins de la future épouse, on doit lui accorder la main de la femme convoitée, le reste importe peu." Alors, votre tradition est-elle plus importante que la parole du prophète ?
- je ne sais pas, mais tu oublies aussi de souligner que l'islam prône le respect des parents et des traditions. En interdisant ce mariage, je respecte la parole de mes parents qui eux aussi ne veulent pas de mélange de castes. Et tu as bien dit "qu'il peut subvenir aux besoins de la future épouse". Mais toi tu n'as pas d'emploi, tu vis encore chez tes parents, donc comment tu peux assurer un bon avenir à notre fille ?
Mais de toutes façons, je reste catégorique, je refuse de te donner ma fille en mariage. Hors de question qu'on souille la pureté de notre lignée !
Le père voulut continuer mais sa femme posa sa main sur sa cuisse pour qu'il s'arrêta. Elle avait compris qu'il s'était énervé a cause des paroles de Douta.
- Si c'est une question d'argent, tôt ou tard Allah m'aidera à trouver un emploi convenable. Je suis diplômé et le seul problème qui se pose ici est le chômage, sinon j'ai de quoi réussir. Je ne suis ni un voyou ni une personne à qui on ne peut pas se fier. Et ceci, vous ne pouvez pas me le rapprocher car je ne suis pas ce genre de personnes. Donc si c'est une question de subvenir aux besoins de votre fille, attendez un peu que je trouve un emploi et on verra si c'est faisable, car nous devons suivre la religion plutôt que de suivre une tradition plein de préjugés...
- Douta, ça suffit, ordonna la mère de Fatou
Il y eut un silence pesant, chacun construisant dans sa tête des arguments solides pour déstabiliser l'autre. Puis le père souffla un coup et lui dit
- quoique tu fasses, je resterais inflexible. Ma fille fera ce que je dit et si tu l'aimes réellement, ne lui cause pas du tort en te mettant entre nous et elle. Tu sais où se trouve la porte.
Il comprit que la discussion était terminé et se leva. La mère appela Fatou qui l'accompagna dehors. Quand elle ferma la porte, elle lui demanda.
- alors comment s'est déroulé la conversation ?
Douta la regarda un instant avec tristesse.
- c'est très compliqué actuellement, répondit Douta, je ne sais plus quoi faire...
- ne t'inquiètes pas, nous finirons par trouver une solution, moi aussi je leur parlerais, ils finiront par céder.
- Peut-être, soupira Douta d'un air resigné
Fatou le fixa droit dans les yeux et lui demanda
- tu vas abandonner ?
Douta aussi la fixa droit dans les yeux, pris ses mains entre les siennes et lui répondit :
- abandonner ? Jamais. Tu sais que je t'aime et que je ne vois pas la vie sans toi. Je me battrais pour toi, je ferais tout ce qui seras possible pour que tu deviennes mon épouse. Mais seulement si toi aussi tu joins tes forces aux miennes. Quand les deux veulent, les deux peuvent, et les deux réussiront. Alors toi aussi, si tu m'aimes vraiment et que tu veux devenir ma femme devant Dieu et les hommes, bats toi pour le rendre possible car au fond, ça ne dépend que de toi. J'ai espoir que nous serons unis un jour et que rien ni personne pourra nous séparer. Que Dieu réalise notre union et qu'il nous protège.
- amine, répondit Fatou
Elle sauta dans ses bras les larmes aux yeux. Ils restérent ainsi durant un bon moment.

En rentrant, Douta entra dans une boutique pour acheter de l'eau à boire. En sortant il vit un homme venir vers lui en courant, il avait un sac à main. Il entendit loin devant lui "au voleur ! Hé attrape le". En effet derrière cet homme le poursuivaient une immense foule qui tenait de gourdins, de bâtons et même des matraques. Le voleur venait vers Douta mais il ne savait que faire. Doit-il le laisser s'enfuir ? Car si on l'attrape il est un homme mort. Mais en même temps, la victime de ce vol en souffrira puisqu'il emportera ses bagages. Quand le voleur passa près de lui, il ne fit rien pour l'arrêter. Douta se retourna et vit qu'au même moment un marchand ambulant avait jeté ses marchandises pour le plaquer au sol. La foula arriva et certains se précipitaient tellement vers le voleur qu'ils poussérent Douta qui tomba. Ce dernier se releva et vit que les hommes étaient entrain de battre le voleur de manière très dure. Le voleur criait, appelait au pardon, mais rien ne fit. On lui assenait de gros de bâtons partout sur son corps, on lui donnait de douloureux coups de poings au visage, on distribuait des coups de pieds dans son ventre et dans ses parties intimes. Douta était choqué et détourna le regard pour ne pas voir cette triste scène. Mais il decida d'intervenir, et se mit devant le voleur en priant aux autres de le pardonner.
- nous ne pardonnons pas de voleur, pousse toi, lança quelqu'un
- dans ce cas appelez la police, demanda Douta, elle fera son travail.
- La police, répondit quelqu'un d'autre, nous en avons pas besoin, c'est nous qui punirons le voleur. Il pourrait vite être relâché par la police et recommencer ces conneries.
- et si vous le tuez ?
Un homme en rastas avança vers Douta.
- s'il meurt, dit-il, personne ne risque rien, car personne ne parlera.
Il prit Douta par le bras et l'envoya d'une telle force que Douta s'écrasa au loin. La foule recommenca à battre le voleur qui cria de plus belle. Au bout d'un moment, le voleur ne criait plus alors que les coups continuaient. Douta bouscula tout le monde et partit prendre le voleur dans ses bras. Il cria avec fermeté.
- battez moi avec lui, comme ça il ne mourra pas seul. Tapez moi si vous voulez, mais je ne vais bouger.
Les hommes hesitérent, puis ils acceptérent de laisser le voleur tranquille. Ils étaient quand même satisfaits de leurs actes. La femme a qui on a volé le sac a main s'avança vers le voleur, lui tapa avec le sac et cracha sur lui. Il était à moitié inconscient. Il vomissait du sang. Ses yeux étaient tellement enflés que Douta ne pouvait les fixer. Sa bouche aussi était gonflé et du sang découlait de ses narines. Une partie de sa tête avait une blessure et il avait une bosse sur le front. Douta appela un taxi. Le chauffeur réchignait à transporter le voleur mais finalement accepta après les insistances de Douta. Arrivé à l'hôpital, on amena le voleur dans une salle où une médecin la fit soigner. Elle demanda a Douta s'il connaissait cet homme et comment il a été blessé. Il lui raconta tout et dit qu'il ne le connaissait pas. La médecin stupéfaite, déclara.
- tu es vraiment gentil de faire ça. En revanche, ces vauriens ne méritent pas une telle attention. Ils sont toujours là à voler les biens durement acquis par d'honnêtes gens. Je ne regretterais pas si on le tuait !
Douta ne répondit pas. La médecin écrit une ordonnance et le lui donna. Les deux hommes sortirent de l'hôpital. Le voleur avait du mal à marcher et Douta avait enroulé son bras autour de son cou pour le soutenir dans sa démarche. Il finit par trouver un bâton et lui donna pour qu'il puisse s'y appuyer. Du taxi jusqu'à l'hôpital, Douta et le voleur n'avaient échangé aucun mot. Ils s'assirent quelque part non loin d'une pharmacie. Douta le regarda et quand le voleur le regarda à son tour, ce dernier éclata en sanglots. Il répétait sans cesse "je le faisais pour ma famille je te jure". Douta tapa son épaule et lui questionna :
- comment tu t'appelles ? Et pourquoi tu ne cherches pas un boulot pour subvenir aux besoins de ta famille ?
- je m'appelle Ali. Je suis aide-apprenti dans un garage de cars. Ce que je gagne n'est pas assez, parfois on ne mange rien durant une journée. Mon frère, c'est vraiment dur la vie chez nous. Les enfants pleurent a longueur de journée à cause de la faim.
- je comprends mon frère, mais rien ne doit t'obliger à voler les bien d'autrui. Sais-tu que tu causes du tort en faisant cela ? Seras-tu fier devant Dieu après tes actes ? Penses y et évite ce genre d'erreurs, car ceci peut te coûter la vie et tu vas augmenter les problèmes de ta famille. Bats toi comme tu peux, débrouille toi, mais gagne ta vie dignement. Dieu t'aidera, ne baisse pas les bras.
Ali se mit à nouveau à pleurer et remercia Douta. Il pria pour lui. Ensuite Douta partit acheter des médicaments à la pharmacie. Il le lui donna et lui offrit un billet de milles francs pour qu'il puisse rentrer chez lui.

Le soir, assis sur une chaise dans la terrasse, il appela Lamine. Les deux amis ne sont pas parlés durant une très longue période. Après avoir donné de leurs nouvelles, Douta lui expliqua ce que les parents de Fatou lui ont dit ce matin. Ce à quoi Lamine répondit :
- Ces familles archaïques avec ces traditions ridicules existent encore ? A l'extérieur on nous voit comme un pays de la téranga (hospitalité), un pays démocrate, laïque et ouvert et pourtant on pourrait appeler ceci de la discrimination, du racisme. On se plaint du racisme qu'on subit, nous les noirs, de la part des autres communautés et pourtant on le fait entre nous. Le temps est venu de laisser derrière nous ces traditions et s'unir comme un seul homme, il n'y a que comme ça que nous pourrons avancer. Je supporte pas les mots désagréables que cet homme a eu envers toi, à ta place je vais exploser de colère. Mais je sais que tu es quelqu'un de fort et de patient malgré tout. Du courage mon frère, je prie pour que tu épouses la femme de ta vie. Fatou t'aime et elle est une fille coriace, elle se battra et elle résistera devant ses parents, je lui fais confiance.
- merci mon frère, c'est triste mais voilà la réalité du pays. Moi et Fatou ferons de notre mieux pour finir notre vie ensemble. Sinon, assez parlé de moi, comment avance les choses de ton côté ?
- je vais bientôt me fiancer avec Helga, et oui j'ai commencé à en parler avec mes parents.
Helga était une métisse allemande d'un père allemand et d'une mère sénégalaise. Elle sortait avec Lamine depuis deux ans.
- félicitations mon frère, mais tu sais comment tes parents sont stricts en matière de religion et de mariage. Helga n'est pas musulmane.
- Mon frère, helga a accepté de se convertir à l'islam. Là mes parents n'auront rien à dire. Qu'elle soit noire ou pas, n'est-ce pas la religion qui était le véritable probléme ?
- en effet, je crois qu'ils devront se plier à ta volonté. Je suis vraiment heureux pour toi. Mais s'est elle converti par amour ou simplement par ce qu'elle a foi en Allah et la religion ?
- les deux, Douta, répondit Lamine
- vu ta voix, j'en doute, bien que ça soit possible. En tout cas tu viens de jouer un sacré coup à tes parents, lui dit Douta.
Les deux hommes se mirent à rire. Puis Douta changea de conversation.
- je songe à retourner en Europe.
- ah oui, c'est vrai qu'on peut être nostalgique.
- ce n'est pas une question de nostalgie, j'aime mon pays, j'aimerais rester ici et réussir, mais on doit admettre que là-bas il y'a beaucoup plus d'opportunités. Ici, on a très peu de chances.
- tu as raison mon frère, la situation est tellement dure. Si tu as besoin de moi sur quoique ce soit, n'hésite pas à m'appeler. Tu pourrais venir en Allemagne, je t'accueillerais à bras ouvert.
- j'en tiendrais compte, merci.
Puis la conversation tourna vers d'autres sujets.
Après avoir raccroché, Douta leva les yeux au ciel et observa les étoiles. Il aimait ces moments, seul sur la terrasse entrain de contempler ce ciel étoilé. Les étoiles étaient pour lui un synonyme d'espoir, car ils brillaient au milieu de l'obscurité.
Il souria et leva les bras au ciel.
"Seigneur, si tu veux tester ma foi avec tous ces difficultés, sache qu'elle restera inébranlable quoiqu'il arrive. Gloire à toi !"

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