Maman message envoyé à 16h42
Coucou mon bébé, j'espère que tu vas bien. Je me languis de tes nouvelles, tu ne réponds jamais à mes textos. Tu me manques terriblement. Je pense qu'il est temps que tu reviennes à la maison, mon chéri. Ce qui s'est passé en juillet, c'est du passé. On oublie tout, d'accord ? Sache qu'à aucun moment je ne t'en ai voulu, et James non plus. Nous sommes tous les deux conscients que la discussion a dérapé. James réalise qu'il n'aurait pas dû être aussi dur avec toi, employer de tels propos, remuer de tels souvenirs. Asher, je t'aime et ça ne changera jamais. S'il te plaît, reviens à la maison le week-end prochain. Je sais que tu t'en voudras si tu rates la cérémonie en l'hommage de ton père. Avec tout mon amour. Maman.
Assis sur le rebord de mon lit, les coudes appuyés sur mes cuisses, je lâche un énorme soupir rempli de désolation.
Les trois derniers jours ont été une putain de torture. Depuis ma discussion avec Brooke, je me sens terriblement mal, apathique. Je n'arrive pas à me l'enlever de l'esprit, à passer à autre chose. Elle a été très claire après tout, pas vrai ?
Pourtant, je ne cesse de revoir son regard, ses yeux se remplir de larmes et ces dernières dévaler ses joues. J'ignore ce par quoi elle est passé, mais je m'en fais une idée assez précise. La mise en ligne de cette saloperie de vidéo n'a pas dû être une partie de plaisir. Emporté par la curiosité – et la connerie surtout –, j'ai enfreint une règle que je me suis imposé pas plus tard que la semaine précédente : j'ai cherché ses réseaux. Cependant, j'ai vite remarqué qu'elle ne se trouvait nulle part. A-t-elle été forcée de s'en retirer ? Les gens lui ont-ils fait la misère ? C'est fort probable, et à cette simple idée, j'ai des envies de meurtre.
Aaron Bennett... putain, j'aurais dû le cogner encore plus fort en mars dernier. Quel genre de merde fait une chose pareille ? Ta copine, tu es censé la respecter, pas la traiter comme une vulgaire putain.
J'ai vu la terreur, puis la honte, arborer le visage de Wolfy au fur et à mesure que je lui expliquais ce que j'avais découvert. Elle n'a rien confirmé, mais je suis certain que sa venue à Oak Ridge est due à cet ignoble enregistrement. Elle a dû en baver.
D'ailleurs, je suis tombé sur un article sportif qui parlait de sa chute qui lui a coûté sa carrière dans le patinage artistique. Une vilaine fracture sur une ancienne blessure. Je ne connais pas un dixième de l'histoire de Brooke, pourtant, je sais qu'il s'agit d'une battante. Malgré toutes ces épreuves auxquelles elle a dû faire face, elle a continué de l'avant.
C'est indéniable, j'admire cette fille. À sa place, je crois que je me serais effondré et mes pensées sombres m'auraient tiré vers le bas. Elle porte encore mieux son surnom que ce que j'aurais cru. C'est une putain de warrior et... je ne la mérite pas.
J'ignore ce qui m'arrive, ce sentiment étrange qui me parcourt le corps entier. Jusqu'à présent, cette sensation m'était étrangère, mais lorsque je pense à elle... c'est comme si le monde s'arrêtait de tourner. Ou plutôt, qu'il se résumait à elle.
Voilà pourquoi je suis d'une humeur massacrante depuis trois longues journées. Cass et Ian évitent de m'approcher de trop près, tout comme les gars de l'équipe. Ils sentent la tempête sur le point d'éclater. Ils savent que je peux exploser à tout moment.
En ce qui concerne ce connard de Miles, il fait profil bas. Il a plutôt intérêt, parce que la prochaine fois, ce ne sera pas un mur que j'exploserai, mais sa sale gueule. Je me ferai un plaisir de me défouler sur sa tronche jusqu'à ce que l'on croit qu'un essaim d'abeilles s'est acharné sur lui.
À bout, je relis le message de ma mère en boucle. Il me crève le cœur, me fait sentir atrocement coupable. Elle me pardonne pour mon pétage de plombs, mais puis-je passer l'éponge dessus ?
Fatigué, je me laisse retomber sur le matelas. Dans moins d'une heure, je devrai être à la patinoire de la fac, le match commence à 19h. Pendant ce temps, je réfléchis aux paroles de la femme qui m'a donné la vie.
Samedi prochain aura lieu la cérémonie religieuse en hommage à mon père. Il s'agit de l'anniversaire de sa mort. Ou plutôt, de son suicide. Chaque année, il y en a une, ma mère ne l'oublie jamais. Un poil ironique, n'est-ce pas ? Après lui avoir planté un couteau dans le dos pendant des années avec son meilleur ami, voilà qu'après son décès, elle a décidé de se racheter une conscience.
Honnêtement, j'aurais préféré tout ignorer de la liaison qu'ils entretenaient de son vivant. Ne dit-on pas que les ignorants sont les plus heureux sur cette Terre ? Ce n'est pas pour rien.
J'ai toujours eu un soupçon, sans jamais avoir confirmation. Le doute planait, et ça me rassurait. Je détestais penser que ma mère avait trahi mon paternel. Pourtant, au fond, je l'ai toujours su.
Le canon de sa carabine placé sous son menton, je revois le regard de Michael Kingston braqué sur moi, un pauvre gosse de huit ans qui ignorait que sa vie allait être chamboulée à tout jamais. Il s'est fait exploser la cervelle sous mes yeux. Le doigt sur la détente, il n'a pas pu arrêter l'échéance lorsque j'ai déboulé dans la pièce. C'était trop tard. La dernière chose qu'il ait vu, c'est moi.
Le sang a éclaboussé les cloisons, les rideaux, les fenêtres. Son corps s'est échoué de sa chaise, jonchant le sol. Une énorme mare écarlate l'a bientôt inondé. L'hémoglobine a coulé jusqu'à mes pieds pendant que je demeurais immobile sous l'encadrement de la porte.
La suite demeure très floue, parfois il m'arrive d'avoir des flashs. Je crois que ma mère est arrivée quelques minutes après le drame, alors que son mari gisait mort et que son fils, en état catatonique, observait la scène sans ciller.
Ce jour-là, quelque chose s'est éteint au fond de moi. Je n'ai jamais parlé de sa mort à qui que ce soit, néanmoins, la plupart des gens sont au courant. Après tout, le suicide d'un entrepreneur à succès ne passe pas inaperçu. L'entreprise qu'il a bâtie avec mon parrain est mon héritage, un dont je ne souhaite pas m'en occuper. James a pris le contrôle à son décès, loin d'être affecté par la perte de son meilleur ami. Non, je n'exagère pas. Pas moins d'un an plus tard, il demandait ma mère en mariage, prétextant qu'il avait promis à mon père de s'occuper de nous si jamais il lui arrivait quelque chose. Puis j'ai découvert cet été à quel point il s'était fichu de moi pendant toutes ces années.
James a traité mon père de lâche, de couille molle. Il m'a clairement fait comprendre que lors de la crise de 2008, l'entreprise était au plus mal et qu'ils avaient dû virer plus de huit mille employés. Il a proféré le mot « lâche » je ne sais combien de fois, excédant de plus en plus ma patience. Je bouillonnais, je me retenais de lui tomber dessus par respect à ma mère. Cependant, j'ai entendu une conversation par inadvertance et j'ai alors compris qu'en plus de cette horrible crise, la trahison de sa femme et de son meilleur ami lui avait porté le coup de grâce. Et là... j'ai perdu les pédales.
Derechef, je lâche un long soupir empli d'anxiété. Je n'aime pas ce sentiment qui grandi en moi. Cette haine qui me prend aux tripes et qui me consume.
Je préfère de loin de que j'éprouve lorsque je suis en compagnie de Wolfy. À ses côtés, je me sens bien, à l'aise et je peux être facilement moi-même. Les masques tombent, je ne suis plus King, mais simplement Ash. Près d'elle, j'ai l'impression d'être en paix. La serrer dans mes bras me détend, l'embrasser me transporte au paradis et la caresser me permet de toucher les étoiles du bout des doigts.
Elle m'a demandé de la laisser tranquille, mais après trois jours d'une longue et intense réflexion, je ne peux m'y résoudre. Non, j'ai... besoin d'elle. De son caractère farouche, taquin et dévergondé. Comment pourrais-je me passer d'elle à présent alors que je l'ai goûtée ? Je désire davantage, aussi étrange que cela puisse paraître venant de moi.
Il y a une première fois à tout, et j'aime croire que c'est ce qui m'arrive avec Brooke : elle est la première femme à m'intéresser au-delà du plan sexuel. Et honnêtement, moi qui n'ai connu que ça, je suis le premier dérouté.
Elle me manque. Terriblement.
La belle patineuse a raté les cours jeudi et vendredi. Je suis même allé demander à Poppy si elle avait de ses nouvelles, je n'ai pas osé lui écrire. Malheureusement, la belle-fille du coach Miller ne m'a pas été d'une très grande aide. Apparemment, Wolfy ne répond à aucun appel ou message. En tout cas, son amie semblait inquiète.
Nerveux, je décide qu'il est grand temps pour moi de partir. J'attrape mon sac de sport et quitte ma chambre tout en tentant d'y laisser Brooke afin qu'elle ne pollue pas mes pensées pendant le match. Je ne peux me permettre la moindre erreur, je m'en voudrais trop si l'on perdait par ma faute.
Une fois dans le salon, je retrouve Cass et Ian. Le premier nettoie avec une précision déconcertante le salon tandis que le deuxième salit la cuisine en préparant des pancakes... ou en tout cas, ça y ressemble. Je ne suis pas vraiment étonné, Ian est totalement barré. Il lui arrive de manger des dîners au petit déjeuner et vice-versa. Oh ! Et sa plus grande lubie : dévorer le dessert en premier. Pour quelle raison ? Je n'en ai aucune idée, il aime être original, je dirais.
— Tu pars déjà ? Le match n'est pas à 19h ? me demande-t-il, habillé de son tablier rose bonbon où il est écrit « Kiss the cook ».
Pourquoi l'a-t-il acheté ? Franchement, je n'en ai aucune idée, et ça fait un bail que j'ai arrêté de me poser des questions en ce qui le concerne.
— Ouais, j'ai besoin de me dégager l'esprit, ronchonné-je en me dirigeant vers la porte d'entrée.
— Tu agis bizarrement depuis quelques jours, remarque Cass, qui a cessé de frotter la table basse comme un malade.
— Oui, il n'a pas tort. Tu sais que tu peux nous parler, hein ?
Bon sang, pourquoi dois-je me coltiner deux mères poules chez moi ? J'ai l'impression d'avoir à faire à mes parents !
Quand bien même je voudrais me confier, je ne le pourrais pas. J'ai fait une promesse à Brooke, je compte bien la tenir. Je leur fais confiance, là n'est pas le problème, mais je pense sincèrement qu'elle n'apprécierait pas que j'étale sa vie devant mes potes.
— J'y vais, me contenté-je de répondre.
— Nous viendrons te soutenir ! lance Ian au moment où je claque la porte derrière moi.
Mon humeur massacrante prend le dessus malgré la bonne volonté de mes meilleurs amis. Dans de telles circonstances, il vaut mieux me foutre la paix.
La tête remplie de questions, je marche tranquillement jusqu'à l'université. Le soleil commence déjà à se coucher, j'ai presque oublié que ce soir, c'est Halloween. Comme d'habitude, il y aura une fête chez les DEZ, mais pour ma part, je passe mon tour.
Puis, je ne pourrais pas m'empêcher de me repasser en boucle l'épisode de la chambre. Brooke, à deux doigts de faire une crise de panique, et moi, qui sans trop savoir quoi faire, la détourne de ses sombres pensées. Je prends de plus en plus conscience que sa réaction ce soir-là n'était pas anodine. Je la soupçonne d'être liée à cette fichue vidéo.
Putain ! Cesse de penser à elle ! Du moins, pour le moment, mec ! Tu joues un match dans moins de deux heures. Concentre-toi !
Je me donnerais des claques pour me remette les idées en place, cependant je me trouve en plein milieu de la rue et je passerais pour un fou. Non, je crois que la meilleure façon de passer à autre chose, c'est de déballer ce que j'ai sur le cœur. J'ai longuement réfléchi ces derniers jours à tout ce que j'aurais dû dire à Brooke mais que j'ai été incapable de prononcer. Au lieu de m'exprimer, je l'ai embrassée. Je suis plutôt nul pour mettre des mots sur ce que je ressens. J'ai sans doute merdé, toutefois, j'espère pouvoir rattraper le coup.
Instinctivement, ma main plonge dans la poche de mon sweat et saisit mon portable. Je me pose un moment sur un banc qui se trouve sur mon chemin, puis parcours ma liste de contacts. Le nom de « Wolfy » apparaît, j'appuie sur « appeler ». Les chances qu'elle réponde sont minces, pour ne pas dire inexistantes, mais ça ne fait rien. Ça ne m'empêchera pas de lui confier une fois pour toutes ce qui me turlupine depuis des journées entières.
Sans grande surprise, je tombe sur sa messagerie. Lorsque la voix robotique m'incite à laisser mon message après le « vip », je prends une longue inspiration.
— Salut, Brooke, commencé-je, la voix peu assurée. J'espère que tu vas bien.
Oui, elle va vachement bien, pauvre con, me fustige ma conscience.
Je serre les mâchoires, me traite de tous les noms mentalement. Bordel, ça ne peut pas être aussi compliqué, pas vrai ?
— Écoute, je suis vraiment nul pour ça. Je ne sais pas comment m'y prendre, et je m'excuse d'avance si je dis quelque chose qui te déplaira.
Bien, bouffon, t'as pas trouvé mieux ?
— Je veux que tu saches que... Putain, je ne sais pas comment le dire sans que tu ne flippes.
J'avale ma salive. Les mains tremblantes d'appréhension, je me pince l'arête du nez. Je crois que je n'ai jamais fait quelque chose d'aussi dur. J'espère qu'elle se rendra compte que je me mets à nu devant elle. Et advienne que pourra !
— Je ne veux pas te laisser tranquille, exhalé-je. Si tu crois que cette vidéo te définit, tu te trompes. Elle ne signifie rien du tout. Je suis navré que ça te soit arrivé, tu ne méritais pas ça. Personne ne le mérite, d'ailleurs, remarqué-je. Wolfy, sache que tu peux compter sur moi. Je ne te laisserai pas tomber, jamais je ne te ferais du mal. Crois-moi, je m'y connais comme un manche en relations amoureuses, je ne sais pas comment les gérer. Mais il y a une chose dont je suis certain : je ne pourrai pas trahir quelqu'un qui compte pour moi.
La loyauté fait partie de mon code d'honneur. Je ne comprends pas les gens qui n'ont que faire de cette conduite si précieuse. Comment faire confiance sans elle ?
— Que ça te rentre dans le crâne, Brooke : je ne vais pas disparaître. Je ne vais pas te ghoster ou qu'importe les horreurs que tu aies pu entendre à mon sujet. Je suis bien trop accro pour ça, soupiré-je.
Vas-y, crétin, donne-lui toutes les données dont elle a besoin pour te pulvériser, rabâche cette sale petite voix au fond de moi.
— Je... je pense qu'on devrait se voir, parler calmement. Je conçois que je n'ai pas été au top l'autre jour. Tout ceci est nouveau pour moi, j'ignore comment exprimer ce que j'éprouve. Ce que tu me fais ressentir.
Mon cœur bat la chamade, mes paumes transpirent atrocement. Cette fille me fascine, m'intimide. Elle fait en sorte, sans même le vouloir, que je remette tout en question.
— S'il te plaît, viens au match de ce soir. J'aimerais beaucoup voir ta magnifique bouille dans les gradins lorsque l'équipe gagnera.
Oui, je suis confiant. Nous allons remporter cette rencontre, je n'en doute pas une seconde.
— On pourra ensuite faire ce que tu voudras. Si tu as envie de parler, parfait. Si tu souhaites simplement qu'on se pose quelque part et demeurer dans le silence, c'est tout aussi bien. Tu décides, Brooke.
Tu remets ton cœur entre les mains d'une fille qui t'a dit qu'il n'y aurait jamais un « vous », me rappelle ma conscience.
— Et je veux que tu saches que tu te trompes. Toi et moi, c'est bien réel. Ça l'a été dès le moment où j'ai atterri dans ton jardin.
Un petit rire m'échappe en me remémorant cet épisode, très cocasse avec le recul. Les gars ont bien eu raison de se moquer de moi.
— J'espère que tu écouteras ce message et que tu me rejoindras ce soir.
S'il te plaît, ne refuse pas cette main que je te tends.
Le risque de me prendre un énorme râteau est élevé, mais je mets ma fierté de côté. Je préfère tenter que regretter. Je ne bluffe pas, et elle doit le comprendre.
— Wolfy, je...
— Messagerie pleine, m'informe la même voix robotique de tout-à-l'heure.
Un nœud à la gorge, j'exhale, toujours aussi anxieux.
Ce n'est peut-être pas plus mal. Cette phrase que je m'apprêtais à prononcer était sans doute trop précipitée. Oui, je déconne. Ça l'aurait fait fuir plus qu'autre chose. Je ne sais vraiment pas ce qui me prend. Je n'ai jamais proféré de telles paroles, pourtant, elles ne demandaient qu'à s'échapper de ma bouche.
À présent, c'est à elle de prendre une décision.
Oh Wolfy, tu t'es déjà emparée de mon esprit ainsi que d'une partie de mon âme. Je t'en prie, ait pitié de mon pauvre cœur.
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Comment ne pas tomber amoureuse?
King laisse de côté son égo et saute à pieds joints dans un endroit inconnu, mais il n'est pas prêt à abandonner sans se battre un minimum. Afin de démontrer à Brooke qu'il tient à elle. Malgré ses mots parfois maladroits, et le fait d'ignorer comment extérioriser ses émotions, reussira-t-il à toucher notre héroïne?
N'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé, ça fait toujours plaisir ^^
On se retrouve demain pour le chapitre 26 à 20h 💕