Le chemin de l'Eldorado

By diakite6

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Douta est un jeune sénégalais qui a été rapatrié de France. Son retour au pays à été mal pris par sa mère qui... More

*chapitre 1*
*chapitre 2*
*chapitre 3*
*chapitre 4*
*chapitre 5*
*chapitre 6*
*chapitre 7*
*chapitre 8*
*chapitre 9*
*chapitre 10*
*chapitre 11*
*chapitre 13*
*chapitre 14*
*chapitre 15*
*chapitre 16*
*chapitre 17*
*chapitre 18 (fin)*
Postface

*chapitre 12*

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By diakite6

Le coq venait de lancer son deuxième cocorico. Douta avait déjà les yeux ouverts. Il avait fait la prière de l'aube et était assis dans la cour. Hormis quelques enfants, les habitants de la concession étaient encore dans les cases. La concession était silencieuse et on entendait que le bruits des animaux domestiques : les bêlements de quelques moutons, les gémissements des ânes, et le chien qui aboie quand il voit des chats passés devant ses yeux. Un chevreau se mit près de Douta et renifla ses pieds. Ce dernier le prit dans ses bras et commença à le caresser. Le cabri avait un mélange de marron et de blanc, il était très joli. Quand il aperçut sa génitrice il bondit d'un coup et alla s'allaiter. Il donnait des coups avec sa tête aux mamelles pour mieux se nourrir.
Quelques minutes plus tard les femmes commencérent à sortir. Certains ont pour tâche de nettoyer la maison, d'autres pour préparer le petit déjeuner. L'oncle Arfang sortit de la case et vit Douta assis. Son neveu se leva et lui serra la main. Après les salutations matinales, l'oncle lui demanda :
- fiston, as-tu bien dormi ?
- pas vraiment, mais "Alhamdoulilah" (Dieu merci), repondit Douta
- c'est normal, la première nuit dans un nouveau endroit est difficile pour avoir sommeil. Mais tu auras bientôt l'habitude.
- oui, tu as raison.
Une femme apporta un bol rempli de "fondé" (boullie de mil). Elle deposa sur le sol et alla chercher deux petits bancs pour l'oncle et le neveu.
- installe toi, Douta. Je vais prendre le lait caillé a l'intérieur.
Il revient avec un gros sachet. L'oncle Arfang versa le lait caillé sur la bouillie. Puis il melanga les deux avec la cuillère. Il prononça "Bismillah" ( au nom d'Allah ) et commença à manger. Douta fit de même après son oncle.
- j'espère que c'est assez sucré ? Demanda l'oncle.
- oui, c'est vraiment délicieux, ce genre de bouillie m'ont beaucoup manqué, répondit Douta.
- ah le citadin, tu vois qu'ici on vit bien ?
Puis il ajouta :
- nous avons un peu de problème pour se ravitailler en sucre. L'argent ne suffit pas.
Douta ne sut que dire et continua à manger. Puis il entendit les pleurs d'un enfant d'environ trois ans. Il se retourna et vit la mère de l'enfant tenter lui donner des cuillerées de la boullie. A chaque fois que sa mère tentait, il criait davantage, il se coucha au sol.
- c'est mon petit fils, Mbaye. Il est très capricieux. Il est un roi ici. Il veut manger coûte que coûte du pain et pas de la bouillie.
Douta était vraiment amusé par le petit.

Après le petit déjeuner, l'oncle Arfang dit à Douta qu'il partait aux champs et que le soir ils iront à l'arbre à palabres pour rencontrer les anciens du village. Son neveu voulut l'aider aux champs mais l'oncle refusa car il devait se reposer.
- quand tu te seras assez reposé, tu viendras aux champs. Ne t'inquiètes pas, je suis peut-être vieux mais je suis robuste. Mes enfants aussi sont là, du plus grand au plus petit. Je vais pas trop fatiguer un citadin de toutes façons, ils ne sont pas fait pour les travaux champêtres, dit-il en riant.
- hum oncle, tu me défies ? Je peux t'assurer que je suis plus endurant que tes fils. Répondit Douta avec un air provocateur.
- Ah ! Ils auraient dû être là pour t'entendre. Mais on verra bien.
Puis Douta regagna sa case. Il aurait voulu appeler Fatou, car il lui manquait beaucoup et avait besoin de lui parler. Mais sa batterie est faible et la concession n'as pas accès à l'électricité. De ce fait, c'est un des fils de l'oncle Arfang qui amène son téléphone dans les concessions voisines pour charger sa batterie. Dans ce village, seules quelques concessions ont de l'électricité. Douta devra patienter avant de reprendre son téléphone. Il pourra pas trop l'utiliser pour éviter une baisse rapide de la charge. Il opta pour la lecture du Coran et des livres. Ceci servira à occuper son esprit. Le petit Mbaye entra dans sa case. Douta assis sur une chaise le mit sur ses jambes. Il posa des questions à Mbaye qui s'efforça à répondre malgré qu'il ait encore du mal a parler. Puis Douta le prit pour le jeter en l'air et le capter. Il répéta ce geste plusieurs fois, ce qui amusait Mbaye qui riait de tout ses dents. Puis l'enfant lui dit qu'il a faim. Douta appela un adolescent pour qu'il aille acheter du pain. L'adolescent revient avec le pain, mais accompagné de la mère de Mbaye.
- hé Douta ! S'exclama la mère, il faut pas trop le gâter, ce gamin est capricieux
- ne t'inquiètes pas Adji, ce n'est rien, c'est un enfant.
Puis il donna le pain a Mbaye qui était vraiment heureux d'avoir obtenu ce qu'il réclamait.

Le soir, l'oncle Arfang appela Douta pour aller à l'arbre à palabres. Il trouva son oncle couché. Il semblait très fatigué. La tante Satou lui avait déjà dit que son mari avait le diabète.
- oncle as-tu mal aux articulations ? Demanda Douta
- oui, j'ai surtout mal aux poignets. Parfois je me sens lourd. Répondit l'oncle. Mais ce n'est rien de grave, c'est juste les travaux.
- Non ! Je sais que tu es vraiment malade mais tu tiens bon pour ne pas inquiéter les autres. Tu devrais venir à Dakar pour te soigner.
- tu sais Douta, on a pas les moyens de se soigner a Dakar. Le poste de santé le plus proche est dans une petite ville qui est un peu loin d'ici. On se déplace en charette ou en moto. Certains gravement malades peuvent mourir en chemin, les femmes sont obligés d'accoucher ici, les médecins et infirmiers réchignent à se déplacer pour venir nous voir. Pour guérir on a recours a la médecine traditionnelle.  Dis-moi Douta, pourquoi c'est si compliqué ? Certains disent que nos problèmes sont causés par le détournement de fonds qui étaient destinés dans le domaine de la santé par des personnes malhonnêtes. Pourquoi font-ils cela ? Ils ne craignent pas Dieu ? Comment peuvent-ils voler de l'argent alors que certains n'ont pas de quoi se soigner ? C'est vraiment scandaleux que quelqu'un puisse voler de l'argent qui était destiné à la santé, pour une meilleure condition de vie...
- c'est vraiment triste, oncle, dit Douta. Les vrais bandits sont a la tête de l'Etat. Voilà pourquoi notre continent est si en retard...
Puis le silence remplaça la discussion. Chacun suivait sa pensée. Douta ressentais une profonde tristesse en
réfléchissant sur le retard de son cher pays.
Puis les deux hommes se dirigérent vers l'arbre à palabres. En chemin, les jeunes et les femmes s'arrêtaient pour saluer l'oncle Arfang. Il saluait ceux qu'ils trouvaient assis devant leurs concessions ou boutiques, et ceux-ci répondaient vivement à ses salutations. En voyant tout ça, Douta compris que son oncle est très respecté au village. "Le respect n'est pas une question d'âge, mais de mérite" se dit-il. Arrivé devant la place, l'oncle Arfang salua ses compagnons et Douta partit a l'encontre de chacun pour leur serrer la main.
- ah Arfang, ton neveu a grandi ! Lança quelqu'un
- A voir ses habits, il est devenu un patron, dit quelqu'un d'autre
- alors jeune homme, tu nous apportes quoi de la capitale ? Demanda un vieillard assis près de Douta.
Il ne sût quoi répondre et se contenta de sourire. Tous les yeux étaient rivés vers lui. Un autre vieux, posa ses mains tremblantes sur Douta.
- dis-moi mon petit, as-tu des nouvelles de mon fils a la capitale ?
Puis beaucoup demandérent comment vont leurs enfants a Dakar. A cet instant, Douta confirma ses doutes. Beaucoup de jeunes ont quitté le village. Il y'avait des femmes, des vieux, des enfants mais peu de jeunes. L'exode rural se fait beaucoup ressentir ici. Mais il ne savait pas quoi répondre aux anciens. Il connaissait la situation de la plupart de ces jeunes. Certains mendiaient, d'autres étaient dans la délinquance et quelques uns travaillaient avec des salaires misérables. Aux questions qu'on lui posaient, Douta disait simplement qu'il ne savait pas ou qu'ils allaient bien. Un autre vieillard s'adresse à lui :
- quand tu repartiras, tu diras a mon fils que je suis ici et que je souffre. Je ne lui demande pas grand chose, juste de quoi m'acheter des médicaments, je suis très malade depuis des mois. Il n'appelle plus, et je sais plus où il est, ni dans quelle situation il se trouve.
Douta ne sut quoi dire mais lui promis de lui transmettre son message. Puis la discussion tourna vers d'autres sujets : les travaux champêtres, le bétail, le climat...
Puis un autre vieux arriva, il marchait lentement et portait une canne. Il salua l'assemblée et s'assit. Puis il se mit à parler des jeunes du village et de leur comportement.
- Ces jeunes sont devenus très rebelles. Ils ne nous écoutent plus. Ils veulent faire ce qu'ils veulent alors que nous sommes là pour les guider vers le bon chemin. Quand nous avions leur âge, nous écoutons toujours les aînés et suivaient leurs pas. Aujourd'hui ils veulent prendre leur propre voie.
- les temps ont changé, répondit l'oncle Arfang. C'est l'appel des temps nouveaux, la vue vers de nouveaux horizons. Avec le mode de vie des occidentaux qui les influence, ils changent et se dressent en hommes nouveaux. Nous devions les comprendre et les surveiller pour qu'ils ne tournent pas à la dérive. On assiste a un mélange hybride entre influence occidentale, moderne et influence africaine, traditionnelle. On y peut pas grand chose si ce n'est que leur enseigner la valeur du respect des traditions et le rappeler constamment. Ces jeunes sont intelligents, avec une bonne communication ils nous écouteront. Mais ne leurs pas imposons pas notre volonté et nos idées, car on commencera alors un conflit de génération qui nous éloignera davantage. Ceci pourrait marquer une rupture définitive entre nous, et eux. Optons plutôt pour un rapprochement par la compréhension et la communication. Ce sont nos fils après tout, et chaque jour qu'ils vivent est une journée d'enseignement et d'expériences. Ils sont en pleine croissance et je remarque beaucoup de maturité chez certains.
Douta écoutait avec admiration son oncle. Il était brave et sage. Pour lui, il était un modèle à suivre. Voilà pourquoi il est très respecté ici. Chacun commença a parler de quelques problèmes dans leurs foyers avec les jeunes. Certains de leurs enfants refusaient de se marier avec le ou la partenaire qu'ils leur proposent, d'autres ne veulent pas faire le métier que leurs pères leurs recommandent, certains trouvent que leurs enfants sont irrespecteux car ils contestent toujours les ordres... mais chacun conseillait l'autre de trouver des solutions par la discussion au lieu d'aller au bras de fer avec eux.
Puis Douta sentit que quelque chose était tombé sur son épaule et sur sa tête. Il jeta un regard sur son épaule et vit que c'était l'éxcrement d'un oiseau. Il était un peu dégouté. L'ancien qui était a côté lui dit que c'était bon signe. Douta était content d'entendre ceci. Si c'est un signe de bonheur, grand bien lui fasse.

Une moustique piqua le bras de Douta qui l'écrasa contre sa peau. L'aube apparaissait mais l'intérieur de la case était sombre. Il alluma la petite lampe torche et regarde son bras. Il vit une petite tâche de sang et un petit bouton qui s'y est formé. Il se leva et alla prendre une douche. Ensuite il fit ses ablutions et pria. Il sortit de sa case et vit l'oncle Arfang avec ses enfants déjà prêts assis sur leurs charettes. Il monta dans celui où son oncle y était assis.
- as-tu dormi en paix mon fils ?
- Dieu merci, et vous ?
- un peu de fièvre, mais j'ai bu de la tisane. Je me sens bien. Alors le citadin, prêt pour une dure journée de travaux ?
- je suis beaucoup plus prêt que tu ne le penses. Allons y.
Puis ils se mirent en route.
Le convoi de charettes fit quelques détours avant de sortir du village. Puis il commença à prendre la route menant aux champs. Certains villageois étaient déjà dans les leurs et quand ils passaient près de leurs champs, l'oncle Arfang et sa Famille les saluaient. Les concernés levaient leurs dabas en guise de réponse. Puis ils arrivérent dans leur propriété. C'était un vaste champ qui s'étendait à perte de vue. Il est clair que c'est la plus grande richesse de la concession. Le champ était beau, l'air était bon et les arachides plantées ont commencé à germer. Aujourd'hui ils devaient enlever les mauvaises herbes qui risquent de pourrir la récolte. Chacun, armé de sa daba, prit une longue rangée et commença le sarclage. Douta fit de même, le dos courbé, il faisait de son mieux pour être au même niveau que les autres. Mais il n'y était pas habitué donc il avait un peu de mal à suivre leur rythme, ce qui attira les moqueries de son oncle et de ses cousins qui étaient déjà derrière. Sa fierté à prit un sacré coup et il redoubla d'efforts. Il coupe avec force, arrache, et met de côté. Les heures passaient, il avait toujours le dos courbé. Entre temps il se levait un peu pour s'étirer mais il avait déjà mal au dos. Il suait a grosses gouttes ce qui parfois troublait ses yeux. Il prenait alors son vêtement pour essuyer son visage. Il se retourna et vit que ses cousins étaient encore en avance, parcontre il était pas loin de rattraper l'oncle Arfang. Ce dernier était entrain de s'étirer et masser un peu ses articulations. Douta alla a son encontre.
-Oncle, vous devez vous reposer un peu, dit Douta
- ah mon fils, il faut qu'on fasse le maximum, le champ est vaste et on à fait que très peu, répondit son oncle
- oui mais ta santé est beaucoup plus importante, c'est mieux que tu ailles boire et te reposer au pied de l'arbre.
- d'accord, mais attends que je finisse ma rangée...
- non ne t'inquiètes pas, je vais le faire.
L'oncle Arfang observa Douta avec un sourire.
- d'accord je te laisse faire, dit-il en fin de compte.
Puis il s'en alla. Douta reprit le travail avec plus de rythme. Son travail ici ne sera que pour un temps alors que les autres feront pendant toute la saison ce travail pénible. Il ressentait de l'empathie pour eux, c'est pour ça qu'il faisait de son mieux pour ne pas se laisser distancer.
A l'heure de la pause, tous se mirent au pied du baobab. Douta s'assis du côté de son oncle. Son habit était trempé de sueur.
- Douta enleve ton vêtement et met le sur une branche pour que ça sèche un peu. C'est pas bon pour la santé d'avoir sur soi des vêtements mouillés.
Le neveu s'exécuta. Puis les femmes apportèrent à manger. C'était du bon "mafé", le plan préféré de son oncle. On amena 5 grands bols et ils s'assirent par 7. Douta était du côté de son oncle et de sa tante. Cette dernière était chargé de la distribution de la viande. Les autres utilisaient la cuillère pendant qu'elle utilisait sa main pour pouvoir mieux la couper.
-alors Douta, dit sa tante Satou, as-tu déjà pensé à te marier ? Où as-tu déjà une jolie femme en tête ?
Sa tante le regarda avec un air moqueur, les sourcils levés. Douta arrêta de manger, car il était gêné par les questions.
- non, pas encore, répondit-il simplement
- A ton âge ! S'exclama sa tante. Il est temps de te marier. En tout cas j'ai une jolie fille à te présenter. Elle vaut mieux que toutes vos citadines réunies. Là-bas les femmes commencent à perdre de la valeur, elles ne se comportent plus comme de bonnes épouses et se sont souvent rebelles. Tandis qu'ici chez nous, tu trouveras des femmes auxquelles on reconnaîtra toutes les qualités requises pour avoir un mariage réussi...
- Satou, interrompit l'oncle, tu vois que Douta n'est pas prêt pour ce genre de choses. Il est libre de décider avec qui il va se marier.
Puis il s'adressa à son neveu.
- Mon fils, avance selon ton rythme. Qu'importe si tes amis ont déjà des épouses et des enfants et sont déjà stables financièrement, tu n'es pas eux. Leur vies, leurs parcours sont différents de tiennes donc concentre toi que sur toi même. Le mariage n'est pas une affaire facile, donc il n'y a pas à se précipiter. Le moment viendra, j'en doute pas.
Puis ils continuèrent à manger dans le silence.
Après la nourriture, place à un peu de repos. Douta demanda a son oncle si la vente avec la culture du riz et des arachides lui apportait quelque chose.
- très peu, répondit son oncle. Car nous avons de multiples problèmes. On manque d'engrais pour enrichir la terre car on manque d'argent pour en acheter d'autres. A force de cultiver la terre à plusieurs reprises, le sol s'appauvrit et la production baisse progressivement chaque année. On a des problèmes pour stocker la récolte et une partie pourrit au fil du temps. L'accès aux villes voisines est difficile car il n'y pas de bonnes routes autour de nous. Honnêtement, on a tellement de problèmes ici...
- J'entends souvent a la télé que le ministère vous aide en engrais et donne une somme d'argent pour l'amélioration de l'agriculture ici.
- Douta, on entend la même chose à la radio mais toujours rien, on ne voit ni vingt cinq francs. Est-ce qu'ils ne sont pas entrain de profiter de nos problèmes pour se faire de l'argent en détournant les fonds ? Nous ne demandons pas beaucoup pour vivre, on se débrouille sans eux. Mais ne peuvent-ils pas penser un peu à nous ? Voilà pourquoi beaucoup de jeunes rejoignent la ville car ils ne peuvent plus supporter cette pauvreté.
- je les comprends, c'est tellement dur, exprima Douta avec peine.
- Plus que tu ne le crois. Bon, allons travailler, le temps passe vite, dit son oncle en se levant.

Quand le soleil commença à descendre, l'oncle Arfang ordonna l'arrêt des travaux. Chacun rangea ses affaires et quelques petits étaient chargés d'aller se procurer du bois dans la forêt. L'un deux demanda a Douta de l'accompagner. Malgré qu'il ressentait beaucoup de fatigue, il se décida à l'accompagner. Il était nécessaire d'en chercher beaucoup pour que les femmes puissent cuisiner le dîner. L'enfant en question s'appelait Hamidou. Les autres voulaient les suivre quand Hamidou les interdit de ne pas le faire. Douta lui demanda :
- pourquoi tu ne veux pas qu'ils te suivent ?
- par ce que je connais les endroits où il y'a les meilleurs fagots. Mon père récompense ceux qui amène le plus et les meilleurs fagots.
- ah je vois, répondit Douta, tu es un petit malin.
Puis ils continuèrent la route, la machette à la main.

Après le dîner, Douta décida d'aller rendre visite a deux de ses anciens camarades de jeu du temps où il était venu au village. Il se rappelait pas trop de leurs visages mais c'est certain qu'ils ont grandi et changé. Il connaissait leurs noms, de ce fait il en a parlé à son oncle qui ordonna à un petit d'accompagner Douta chez ces personnes.
Il arriva chez l'un des deux et le trouva assis sur une chaise au milieu de la cour. Il portait le pantalon d'un boubou bleu mais avait ôté son vêtement au profit d'un sous-vêtement. Il tenait un éventail de la main gauche et se curait les dents avec la main droite. A la vue de Douta, il se leva. Il serra fortement sa main avant de dire :
- Douta, ça fait très longtemps !
Le visage devient familier a Douta. La faible lampe torche éclairait assez le visage de l'homme qui était en face de lui.
- Djibril ! S'exclama Douta. Tu as vraiment grandi, tu es un barbu maintenant !
- Le temps a fait les choses mon frère, mais toi aussi tu as grandi. Mais je remarque que tu as peu de barbe, vraiment c'est pas pour me moquer mais tu ressembles à un adolescent.
Les deux eclatérent de rire.
- vu ta maturité, c'est toi qui est l'adolescent, répliqua Douta.
Ils s'assirent et mirent leurs chaises face à face. Chacun donnait de ses nouvelles : la famille, la ville, le village... Puis une femme lui apporta du jus d'orange. Elle était de teint clair et était très belle. La femme alla chercher une chaise et s'assit du côté de Djibril. Elle prit l'épouvantail des mains de Djibril et commença à l'évanter. Djibril fit un clin d'œil a Douta qui se sentait gêné.
- Je te présente ma femme, Maréme. En te voyant ainsi, je sens que tu es célibataire, dit son ami. C'est vraiment dommage, tu vois le plaisir d'être marié ? Tu dois bien te sentir seul au lit, je te plains.
Puis il fait un geste à sa femme. Celle-ci prit une tasse remplit de jus et porta la tasse vers la bouche de son mari. Quand il eût fini de boire, sa femme essuya sa bouche avec un mouchoir. Elle caressa ensuite la barbe et les cheveux de son mari. Douta était davantage gêné et détourna le regard.
- détends toi mon frère, on dirait une poule !
Lui et sa femme se mirent à se marrer. Douta porta la main à sa bouche pour ne pas rire comme eux.
On appela sa femme qui partit aussitôt car leur bébé était réveillé.
- Tu vois la vie que j'ai ? Je suis marié et j'ai trois enfants. Je possède de nombreuses terres et j'ai du bon bétail. J'ai pas besoin de quitter ici pour aller travailler en ville, contrairement à beaucoup d'entre nous. Ce que je cultive et ce que je vends me rapporte assez pour vivre pleinement. D'ailleurs tu vois, (fit-il en designant des poteaux) je suis entrain d'installer de l'électricité dans toute la concession. Mes frères,mes enfants, mes tantes et oncles et leurs enfants bénéficieront tous de cet avantage. Je rends grâce a Dieu, car ceci est un synonyme de réussite selon moi.
Douta l'écoutait attentivement. Il avait raison, son ami réussissait sa vie. Il possédait des terres, du bétail et avait fondé une famille. Que ce qui lui manquait réellement ?
- Je suis très heureux pour toi Djibril, que Dieu te bénisse, répondit Douta.
- Amine mon frère, si les choses ne vont pas bien en ville tu peux venir t'installer ici. Je te vendrais des terres et du bétail pour te lancer, déjà que ton oncle en a aussi. Tu auras tout ici pour réussir. Je serais toujours là pour toi au cas où tu en auras besoin.
- Merci pour la proposition, mais honnêtement je me vois pas m'installer ici à l'avenir. Quelque chose me dit que mon destin est ailleurs... répondit Douta
- Le citadin a-t-il honte de devenir paysan ? Questionna Djibril. Je pense que vous avez un complexe avec la vie de paysannerie. Je respecte ton choix, et je te souhaite le meilleur dans ta vie.
- Merci de comprendre. Je n'ai pas de complexe à devenir paysan, sinon tu me verras point ici au village et travailler aux champs. C'est juste une question de choix, mais je remets mon destin entre les mains de Dieu.
Puis ce fut autour de Douta de taquiner.
- A ton âge tu as déjà trois enfants. Il faudra limiter les naissances hein !
Son ami ria puis repondit :
- les enfants sont une bénédiction de Dieu, alors plus t'en a, plus c'est bénéfique.
- et si par malheur tu n'as pas les moyens de les gérer, c'est à dire bien les nourrir, bien les loger, bien les éduquer, pouvoir prendre soin de leur santé ? Demanda Douta.
- Dieu est au contrôle, répondit simplement Djibril
- vois-tu, c'est ça qui nous retarde aussi. Beaucoup de naissances alors qu'on ne peut pas tout gérer, et tu crois que c'est à Dieu de gérer ça ? Voilà pourquoi bons nombre d'enfants connaissent une enfance difficile et peut même virer à la délinquance, car leurs parents n'ont pas les moyens.
- Douta, chacun à son destin. Et moi, je peux rassurer que mes enfants connaîtront une vie stable et seront bien éduqués. Je ferais tout mon possible pour qu'ils ne manquent de rien et deviennent des hommes utiles à notre société.
- hum, fit Douta, en tout cas il faut pas gâcher la beauté de ta femme avec ces multiples grossesses.
Ils se donnèrent la main en riant. Puis Douta estima qu'il était temps de partir. Il avait dit à son ami qu'il allait voir Pape, lui aussi un de leurs anciens camarades de jeux. Quand il entendit le nom de Pape, le visage de Djibril s'assombrit. Il dit simplement a Douta.
- fais attention à lui, il est devenu quelqu'un de dangereux. Il vend des choses illicites.
Douta fut très surpris par la révélation de son ami. Mais qu'importe ce qu'il était devenu, fallait qu'il aille le voir. Il quitta son ami en souhaitant les meilleurs vœux pour chacun d'entre eux.

Le lendemain, il partit voir Pape. Sa demeure était la plus isolée du village, et avec les dires de Djibril, il comprenait déjà pourquoi. Il le trouva adossé au mur, fumant un joint. Quand il vit Douta, Pape écarquilla les yeux.
- Yo bro, te voilà ! Le revenant !
Ils se prirent dans les bras. Ça dérangeait un peu à Douta car Pape avait l'odeur de Marijuana sur lui.
- quoi de nouveau en ville ? Demanda Pape
- rien de spécial, et de ton côté ? Demanda a son tour Douta
- c'est toujours la galère mon gars, mais on fait avec ce qu'on a.
Puis il tendit son joint a Douta qui refusa en françant les sourcils.
- oh ! S'exclama Pape, tu es trop pur pour toucher a ce genre de choses ?
- c'est juste nocif a la santé. Regarde comment tu es maigre mon frère
A cela Pape lui répondit qu'il ne devait pas se fier aux apparences et qu'il pouvait le battre. Il prit son joint et tenta de le mettre dans la bouche de Douta. Il le provoquait ! Douta le repoussa calmement tandis que Pape continua a le provoquer. A un moment donné Pape réussi à le mettre dans sa bouche. Douta etant surpris fuma un coup sans faire exprès. Il se mit a tousser très fort et se précipita pour boire de l'eau dans le récipient qui est à côté. Pendant ce temps, Pape riait aux eclats et se tenait les côtes. Douta ne pouvait plus supporter et bondit sur lui. Les deux s'aggripérent fortement en se tenant la taille. On aurait dit des gamins. Quelques enfants passaient et ils s'arrêtérent pour observer cette drôle de lutte. Ils ont commencé à parier sur le vainqueur. Certains pariaient pour des biscuits, d'autres pour quelques pièces, quelques uns pour des jouets...Mais le combat s'éternisait. Douta et Pape essayaient chacun des techniques pour faire tomber l'autre mais qui échouait. Les deux continuèrent à se tenir la taille. Le corps ruisselant de sueur sous un soleil ardent. Puis Douta sentit que Pape commençait à s'épuiser. Il l'attira vers lui, saisit ses jambes et le souleva. Douta l'écrasa avec force sur le sol, ce qui fit pousser un cri a Pape. Les enfants qui avaient parié sur Douta criaient de joie pendant que les perdants poussaient un grognements. Puis ils s'en allérent. Douta tendit la main a son ami.
- tu vois, mon petit maigrichon, ce que le manque de sport et fumer causent ? Demanda Douta
- c'est juste la chance, répondit Pape, ça s'est joué à très peu de choses.
Il l'aida à se relever. Douta est quelqu'un de calme, mais Pape fait partie des rares gens qui arrivent à le sortir de ses gonds. Il se rappella qu'il s'était battu avec lui il y'a quelques années car Pape l'avait insulté au cour d'un débat. Après un dur échange de coups de poings, les autres étaient venu les séparer, mais au moment de les retenir, Pape en profita pour lui donner un dernier coup a l'œil. Ce coup fit verser des larmes a Douta, pas a cause de la douleur, mais par ce qu'il a reçu le dernier coup. En effet, le dernier coup était synonyme d'humiliation et de défaite pour lui, il aimait pas quand ça lui arrivait. Il partagea ce souvenir avec Pape et se mirent aussitôt à rire. Mais tout à coup, Douta devient sérieux.
- Pape, le chemin que tu es entrain de prendre te mènera que vers deux issues : le cimetière ou la prison. Tu connais les risques, je vais pas te faire de leçons de morale.
- Qui t'en a parlé ? Ce con de Djibril c'est ça ? Je savais qu'il ne tient pas sa langue ce stupide mec.
Douta toucha son epaule.
- ceci n'a pas d'importance, moi et Djibril voulont que ton bien. Prends exemple sur lui, il est entrain de réussir sa vie.
-Me parle pas de lui. Lui n'est pas moi, moi je ne suis pas lui. Nos destins sont différents. Djibril a hérité une bonne partie de sa fortune a la mort de son père, le mien n'était qu'un pauvre handicapé qui n'avait même pas de quoi nourrir ses enfants. Ma concession se trouve de l'autre côté du village, les champs qu'on cultive appartiennent à toute la famille, donc on à que de quoi se remplir le ventre. Le chômage ici est pire qu'en ville. Douta, j'ai rien, du moins j'avais rien avant que je commence ce business. Ce business m'a permis de faire quelques économies et je voudrais ouvrir une boutique d'alimentation générale et acheter de nouvelles terres pour la famille et pour un nouveau business.
- ce sont de nobles projets, mais ce genre de choses ne doivent pas de construire avec de l'argent sale. Débrouille toi d'une autre manière, car d'autres ont réussi en ayant pas besoin de rentrer dans l'illégal.
Pape haussa les épaules et tira un coup sur son joint.
- en tout cas, dit-il, ça me ferait plaisir de te fournir de la marijuana et de la poudre à vendre à la Capitale. Je vends déjà dans les villages et villes qui sont aux alentours d'ici. Dakar est un marché intéressant, si tu vends aux bourges, on se fera un maximum de fric. T'en penses quoi ?
Douta ne répondit pas. Il se contenta de bouger la tête de gauche à droite pour montrer sa tristesse. Il comprit que ça ne servait à rien de le raisonner et préfèra se taire. Il se leva et voulut prendre congé de son ami.
- Déjà ? Demanda Pape. C'est tôt, tu devrais rester discuter un peu.
- j'aimerais bien, mais il faut que je rejoigne mon oncle pour aller quelque part.
- bon d'accord, mais j'aimerais te dire un truc.
Pape se leva et glissa entre les mains de Douta une feuille.
- en te voyant, je sais que les choses ne fonctionnent pas comme tu le souhaites en ville. Dans ce pays nous souffrons beaucoup, voilà pourquoi beaucoup préfèrent la quitter pour tenter leurs chances ailleurs. Je prévois de quitter le Sénégal pour l'Europe. Il y'a une pirogue qui partira bientôt de Dakar, je sais pas quand mais ça se prépare. Je te le dis par ce que tu es mon ami, mon frère et je veux que notre réussite. Prépare de l'argent et viens avec nous.
La respiration de Douta s'était bloqué, son cœur s'arrêta de battre un instant.
- tu es fou ! Lui répondit Douta les yeux grands ouverts. Ne le fais pas, c'est très dangereux.
- nous africains, nous souffrons tellement que le danger ne nous fait plus peur. Nous n'avons rien ici, que dalle ! Pourquoi ne pas affronter le danger et tenter sa chance ? Certains l'ont réussi.
- oui mais il y'a peu de chances d'y arriver, tu le sais bien. C'est un suicide !
- Ne sois pas si poltron, Douta. Je sais bien que tu refuserais pas de retourner en Europe en ce moment.
- tu as raison. Mais en avion, pas avec une pirogue.
- le moment viendra où tu ne vas pas te soucier du moyen que tu vas prendre. Vas y, je vais plus te retarder. On se retrouvera, tu as ma parole. Tu me rejoindras pour cette périlleuse aventure.
Douta lui tourna le dos sans rien lui dire. En chemin, il ouvrit la feuille et comprit que c'était son numéro de téléphone. Cette question de pirogue va beaucoup le faire réfléchir, c'est sûr.

Va-t-il tenter sa chance par ce chemin si risqué ?

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