Deux semaines après le réveil de Diaz, il peut enfin sortir de sa chambre d'hôpital. Pour faire plaisir à Evie et pour ne pas me mettre Diaz sur le dos, j'ai proposé d'accueillir Diaz à la villa. Je compte totalement l'avoir à l'œil pour qu'il ne touche pas Kenna.
Leurs parents n'ont pas pu venir avant, parce qu'ils n'ont pas obtenu de permission, mais c'est dans deux heures qu'ils seront là. Deux heures avant de faire face aux parents d'Evie, des militaires.
J'ai décidé de fuir de la villa après avoir déposé Diaz, pour aller faire un trafic avec Rio. Alejandro est occupé avec je ne sais qui, probablement avec ma sœur, mais je ne m'en préoccupe pas vraiment. Ils sont bizarre en ce moment ces deux-là, et je crois qu'elle a vraiment un faible pour Diaz, mais ça reste à prouver.
J'attends mon client dans une des rues de Mexico City et vérifie l'heure sur ma montre. S'il n'est pas là dans cinq minutes, je me casse. Soit ils sont ponctuels, soit j'abandonne.
Le client arrive une minute avant que je ne monte dans ma voiture en me présentant des excuses. Mes acheteurs savent pertinemment que je hais attendre.
Rio sort la marchandise du coffre et la montre à l'acheteur, qui sort un sac de sa voiture sans discuter. On échange les sacs et je demande à Rio de compter les liasses. Il sait que je lui demande aussi de vérifier si les billets sont des vrais.
Il lève le pouce en l'air et je salue le jeune dealer. Enfin un échange sans encombres, sans un acheteur qui veut absolument tester la drogue. Ça m'aurait arrangé que ça dure longtemps, je dois rentrer et vérifier que Diaz est bien installé maintenant.
Je retourne à la villa après avoir déposé Rio chez Selena et frappe à la porte de Diaz. Il m'autorise à entrer et je le trouve en compagnie de Evie et Kenna. Heureusement que Evie est là, j'aurais paniqué si elle n'avait pas été avec eux, parce qu'il a beau être estropié, pas sûr qu'on lui ait retiré sa troisième jambe.
-Tu es bien installé ici ? Lui demandé-je en le voyant ranger des affaires dans les tiroirs.
-Ouais, c'est génial ici. Merci d'avoir accepté de m'accueillir. Je partirai dès que j'aurais appris à me servir de mes prothèses.
-Reste autant de temps que tu le souhaite.
J'avais une chambre au rez-de-chaussée, ce qui était plutôt un avantage pour lui. Et il y a un très bon avantage pour moi : il ne pourra pas monter rejoindre Kenna à l'étage en fauteuil. Je sais que je suis riche avec un très gros programme de sécurité, mais je n'ai pas d'ascenseur à la villa.
-Nos parents ont un peu d'avance, ils ne devraient pas tarder à arriver.
-On se retrouve au restaurant dans une heure.
Evie me regarde fixement avec un léger sourire et éclate de rire. Je ne m'en préoccupe pas et sors de la villa pour aller directement au restaurant avec prétexte de les laisser se retrouver.
Pour m'occuper, je me rends al Paraiso de Lina et me sers un verre. Je ne sais pas pourquoi, mais je suis sûr que je vais en avoir besoin pour cette soirée. Je bois un second verre et salue Diego qui vient d'arriver.
-La patronne ne vient pas ce soir ? M'interroge-t-il en enfilant son tablier.
-Non, dîner de famille. Elle viendra probablement demain soir.
-Je peux vous remettre un verre ?
-Non, merci, c'est gentil. Je ne pense pas que ça fasse bonne figure d'arriver bourré devant ma belle-famille.
Il ricane et confirme en me disant avoir déjà testé. Il ne recommande pas, alors je vais totalement l'écouter. Je discute un peu avec lui et les danseuses qui arrivent petit à petit, avant de partir au restaurant. Au moment où j'arrive, je vois Evie sauter d'une voiture, vêtue d'une magnifique robe courte blanche à paillettes, avec une longue traine de la même couleur.
Elle sourit en me voyant avancer vers elle, et j'aperçois un homme descendre de la voiture de l'autre côté pour aider Diaz à descendre à son tour. Une femme avec de longs cheveux noirs descend de la voiture à son tour. Evie a ses yeux, et probablement son teint, mais il n'y a pas grande ressemblance.
-Bonjour madame, je suis ravi de faire votre connaissance, je suis Lazaro.
-Enchantée Lazaro, sourit-elle en me serrant la main. Tu peux m'appeler Leticia, ce sera plus simple. Je te présente mon mari James.
Je me tourne dans la direction son mari qui avance vers moi en poussant le siège de Diaz. Je m'apprête à lui tendre la main, mais son regard froid m'en dissuade. Il fronce les sourcils et sert très fort les manches du siège.
-Qu'est-ce qu'il fait là celui-là ?
Bordel, ne me dîtes pas qu'elle a oublié de prévenir son père. Ne me dîtes pas qu'elle a oublié de dire à un militaire que sa fille sort avec l'un des hommes à abattre à Mexico.
-Papa, commence doucement Evie. Je sors avec Lazaro. Je sais que ça peut être difficile à...
-Et toi, pourquoi tu ne réagis pas ? Le coupe-t-il en regardant sa femme. T'étais au courant, c'est ça hein ?
-Oui, Evie me l'a dit lorsqu'elle est revenue à la maison.
-Ça c'est le pompon, tu avertis ta mère, mais ton père on s'en fiche, bien sûr !
-C'est justement parce qu'elle avait peur de ta réaction que notre fille n'a pas osé t'en parler.
-Et vous croyez tous que c'était une solution que je le découvre le soir au moment de dîner avec mon prétendu gendre ? Je refuse d'entrer dans ce restaurant et être assis à la même table que lui, s'énerve-t-il en me montrant du doigt. Comment vous pensiez tous que j'allais réagir ?!
-Papa, intervient Diaz. Evie est heureuse avec lui, c'est tout ce qui compte pour moi. Maman a visiblement su l'accepter aussi alors je pense que tu devrais faire pareil.
-Tu pense que je devrais m'installer à la table d'un meurtrier qui pourrait tuer ma fille dès qu'il le souhaite ?
-Arrête ça papa ! Poursuit Evie. Tu sais très bien que je sais me défendre. Lazaro ne me ferait pas de mal, bien au contraire. Si tu savais le nombre de fois où il a pu me sauver lorsque j'étais en danger à Mexico.
-Tu n'as qu'à revenir à la maison si tu veux te sentir en sécurité. Je me suis longuement demandé pourquoi tu avais entubé l'armée avec ton contrat, mais là voila ta raison ! Tu voulais défendre el Padrino !
-Et qu'est-ce que ça peut te faire, papa ? T'es un Américain tombé amoureux de l'ennemie Mexicaine sur la frontière mexico-américaine, t'as fait exprès de ressentir ces sentiments ?
-Je t'interdis de parler de mon passé Evie !
-Et moi je t'interdis de juger la personne avec qui je sors ! Alors si tu n'es pas d'accord, tu peux repartir. Mais moi, je vais dîner avec ma famille qui l'accepte.
Elle avance vers son père et saisit le fauteuil de son frère pour le pousser vers l'entrée. J'invite sa mère à avancer vers le restaurant, ce qu'elle fait en suivant ses enfants, et je me tourne vers James qui me regarde toujours aussi mal.
-Je ne renoncerai pas à votre fille, parce que je l'aime, que je veux la rendre heureuse et que je veux la protéger. Vous ne pensez qu'à vous, mais son bonheur devrait être primordial pour vous, comme l'ont compris votre femme et votre fils.
Je lui lance un regard insistant et avance dans le restaurant à mon tour. Le serveur nous guide à une table à l'écart des regards et retire une chaise pour placer le fauteuil de Diaz.
-Attendez ! S'exclame une voix masculine derrière nous.
Nous nous tournons tous dans la direction de la voix pour apercevoir James revenir vers nous. Tout se passe rapidement et j'ai à peine le temps de voir Evie surgir devant moi, avant de s'écrouler au sol sous le bruit d'une balle. Je relève la tête vers James et l'aperçois avec une arme pointée sur moi. Sa bouche béante laisse place à un regard de dépit. Il ne prend pas gare aux affolements autour de lui, à savoir les clients qui crient et fuient le restaurant, ainsi que Leticia qui accourt vers sa fille. Il relaisse tomber son bras, puis son arme au sol et tombe à genoux en se tenant la tête.
Je baisse le regard vers Evie, qui a la tête sur les genoux de sa mère et qui se tient l'épaule avant de m'agenouiller près d'elle. Elle grimace de douleur, et je fais directement pression sur la plaie pendant que sa mère crie d'appeler une ambulance. Sa robe pailletée est désormais immaculée de son sang, et j'aperçois Evie papillonner des yeux. Je pose ma main sur sa joue et fronce les sourcils.
-Evie, l'appelé-je. Evie, regarde-moi dans les yeux.
La douleur déformant ses traits, elle se force à ouvrir totalement les paupières pour plonger son regard dans le mien.
-Reste consciente, ne me lâche surtout pas du regard mi corazón.
Elle hoche imperceptiblement la tête et lutte pour garder ses yeux ouverts jusqu'à l'arrivée des pompiers. Je soulève son corps et la pose sur le brancard. Elle grimace avec un gémissement de douleur et se fait emmèner dans l'ambulance.
-Je te laisse aller avec elle, m'informe sa mère. Je te fais confiance. Tu pourrais nous donner des nouvelles quand tu en as ?
-J'informerai Diaz dès que j'ai des nouvelles. Vous pouvez rentrer vous reposer à la villa, l'empreinte de Diaz est enregistrée.
Elle me remercie en regardant avec peine son mari qui se fait entraîner par un policier. Je cours à l'extérieur du restaurant et grimpe dans l'ambulance qui démarre au quart de tour en direction de l'hôpital. Je serre la main ensanglantée d'Evie dans la mienne et dépose un baiser dessus en laissant les ambulanciers faire leur travail pour soigner ma femme.