— Tu es prêt ?
— Ouais, ouais, j'arrive.
— Oh, bah t'as l'air sacrément motivé.
— C'est la même chose chaque semaine. Ils ont tout changé pour que ça ne le soit pas et ça l'est encore plus qu'avant.
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— On y va, ça va être l'heure.
— Oui. Tu sais que les qualifs commencent à être plus longues que les courses ? Quinze minutes de conduite ! Sans drapeau rouge ! Le rêve quand on pense que c'est notre métier.
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— C'est l'heure des qualifs.
— Mais qui t'as permis d'entrer ?!
— Personne, mais...
— On frappe, avant d'entrer quelque part, non ?!
— Je repars. Je ferme la porte derrière moi.
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— On va être en retard.
— Oh non, je vais peut-être me retrouver quatrième, quelle place difficile à avoir.
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"J'en ai marre de tout ça. De cette ambiance. De ce mélange de peur et de suspicion tout le temps. De ne plus conduire ou presque. De devoir me méfier des autres pilotes. La vraie ambiance du sport me manque. Et je vais très probablement mourir sans la revivre."
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"Je voudrais bien aller leur parler... Leur dire que moi aussi, j'ai plus envie de faire ce métier parce qu'il est devenu un spectacle et uniquement un spectacle. Mais si ce n'est pas moi le tueur, c'est l'un d'eux."
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"Je m'en fiche des autres. Je veux gagner le championnat."
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"J'ai hâte que ça soit mon tour d'être tué."
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— Et c'est la fin des qualifications à Austin ! Max Verstappen s'élancera de la pole position, suivi par Charles Leclerc, deuxième, de son coéquipier Ferrari, Carlos Sainz, qui sera troisième. George Russell termine quatrième et donc dernier.
— Il ne semble pas dans son assiette, George Russell... Peu de tours effectués, et pas de très bons chronos...
— Oui, c'est vrai qu'il nous a habitués à mieux. Peut-être une baisse de moral.
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"C'est très difficile de savoir qu'on va mourir. Ça fait plusieurs mois que je le sais, pourtant. On meurt tous un par un. C'est la nouvelle règle. Pourtant, tant qu'on n'est pas dernier, ça nous passe un peu au-dessus. On n'est pas concerné. Je ne me suis pas senti concerné jusqu'à la mort de Lewis. Là, je me suis dit que, quand même, c'était réel. Les pilotes ne partaient pas simplement. Je n'imaginais pas Lewis mourir. Je n'imaginais pas un pilote Mercedes mourir. Et maintenant, c'est mon tour. Demain, c'est moi qui vais mourir. Peut-être avant même que le tueur ne sévisse. Peut-être que c'est moi, le tueur."
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— J'ai reçu un message de George.
— Russell ? Pour te dire quoi ?
— Il demande à ce qu'on vienne le voir juste avant de monter dans nos monoplaces sur la grille pour se dire au revoir.
— Et tu vas y aller ?
— J'ai pas encore décidé.
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— N'y va pas. C'est dangereux.
— Il veut nous dire au revoir !
— Et si c'est lui, le tueur ? Il fait quoi, il vous tue tous les trois et c'est réglé ?
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— Moi, je me mets à sa place... On ne se parle plus mais on s'est côtoyés longtemps et je comprends qu'il veuille nous dire au revoir.
— Donc, tu es d'accord pour te retrouver seul avec les trois autres. L'un de vous quatre étant le tueur.
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La tension est palpable sur la grille de départ. Les quatre monoplaces sont là, mais un seul pilote attend devant la sienne : c'est George.
Il regarde autour de lui, à la recherche des autres pilotes qu'il a convié pour quelques minutes.
Peut-être qu'ils ne viendront pas.
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Charles arrive sur la grille d'un pas déterminé. Il veut être là.
Derrière lui, Carlos arrive timidement.
Plus loin, Max s'approche, ne laissant transparaître aucune émotion.
Quelques secondes plus tard, ils sont tous là. Les quatre pilotes, réunis, après plusieurs semaines sans s'adresser la parole.
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"J'ai envie de demander. J'ai envie de demander s'il est le tueur, mais en réalité, je connais déjà la réponse."
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"On va mourir. Je suis venu ici pour mourir, clairement."
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"Je crois que ça va devenir intéressant dans quelques minutes."
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— Ne bougez plus.
Les trois pilotes le prennent au mot. Tout le monde se fige. Charles n'ose même plus respirer. Max est stupéfait de voir une arme pointée sur lui. Carlos a envie de se mettre à pleurer.
Ils s'en doutaient tous. Pourtant, devant George qui a un pistolet à la main, ils ne peuvent plus rien faire d'autre que regretter d'être venu.
— C'est ça, les au-revoirs que tu demandais, lâche Charles soudainement, et Max lui lance un regard l'invitant à se taire.
— Je veux pas mourir, s'exclame George. Qui est le tueur, qui ?
Il pointe son arme vers Carlos, puis vers Charles.
— Bah, je crois bien que c'est toi, marmonne Carlos.
— Je ne suis pas le tueur ! C'est faux ! Qui d'autre ? Qui d'autre à une arme ? Qui est venu avec l'idée en tête de buter l'un d'entre nous ?
Charles est perplexe. Carlos se demande s'il délire. Max en est sûr.
— Écoute, George, on est venu se dire au revoir...
— On n'est pas obligé ! Si le tueur ne me tue pas pendant la course, on n'est pas obligés de se dire au revoir ! C'est qui ? C'est qui, le tueur, c'est toi ?
Il pointe Carlos de ton arme, qui secoue la tête, levant les bras en l'air en signe d'innocence.
— C'est pas moi. Je le jure. J'ai jamais tué personne.
— Toi, demande-t-il, pointant Charles.
— C'est pas moi, George.
— Alors, c'est toi !
Max secoue la tête.
— Non. Je ne suis pas un tueur.
— Alors, il avait raison, c'est moi, demande-t-il, et les trois autres pilotes se consultent du regard. La communication silencieuse est brisée lorsqu'ils entendent un bruit sourd. Charles réalise que George a tiré et regarde son corps, à la recherche d'une possible blessure. Carlos se jette au sol, sans vraiment savoir pourquoi, et Max ferme les yeux, comme pour se protéger.
— Oh, putain, lâche le monégasque en voyant George tomber au sol, couvert de sang.
— Il s'est tiré dessus, demande Carlos, et Max ouvre les yeux. Il ne réagit pas. Il quitte simplement les lieux. Il part en courant. Tant pis pour sa monoplace, tant pis pour la course. Il veut se mettre à l'abri. Oublier ce qu'il vient de voir. Oublier qu'il a failli mourir. Tout oublier.
Carlos et Charles échangent un regard, et partent chacun de leur côté. Personne ne veut rester en compagnie des autres.
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"Est-ce que c'était lui ? Est-ce que c'était lui tout ce temps ? Ou était-ce un acte de panique ?"
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"Il vient de... Il vient de... Pourquoi est-ce que j'y suis allé ?"
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"Je ne comprends rien."
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Une fois chacun à l'abri de leur côté, les trois pilotes réalisent en même temps : George n'a même pas pris le temps de leur dire au revoir.
ILS ÉTAIENT VINGT, ILS NE SONT PLUS QUE TROIS.