La dernière fois que j'ai vu Evie, c'était dans cette ruelle sombre. Ça m'a vraiment énervé de la voir seule dans ce quartier assez dangereux, surtout lorsqu'il fait noir. Elle était avec une robe, et n'importe quelle homme aurait eu envie de lui sauter dessus dans cette rue, moi le premier. Merde, elle était tellement sexy avec cette robe en satin rouge. J'ai tellement aimé porter son corps dans mes bras, sentir sa peau douce contre la mienne. Ça a été de courte durée, mais ça a mit assez de temps pour que je me dise que j'aimerais l'avoir dans mes bras pour toujours.
Je l'avais reconnue de loin, mais j'avais arrêté la voiture, attendant qu'elle arrive devant celle-ci pour descendre la rejoindre. J'avais compris que les paroles de mon acheteur lui étaient destinées, et j'ai dû me forcer de ne pas lui coller une balle entre les deux yeux, parce que je ne supporte pas qu'on dise du mal d'Evie, mais j'ai préféré lui laisser un avertissement. Il en parlera a ses amis, au moins, et ils seront également prévenus.
J'ai beaucoup regretté de ne pas avoir pu venir voir Evie, la semaine dernière. Ce sont Alejandro et Rio qui se sont chargés d'y aller à ma place, pour discuter avec la jeune femme unijambiste. Elle a accepté de boire un verre avec eux, et c'était une véritable victoire pour Rio. La victoire de plus, c'est qu'elle s'est un peu ouverte pour leur parler. Selena, l'amie d'Evie, avait laissé entendre à Rio quelques jours plus tôt que Evie est une femme qui a beaucoup de mal à s'ouvrir, surtout aux hommes. Elle ne parlerait que très peu en dehors des gens qu'elle connaît, et j'avais déjà remarqué moi-même qu'elle est très brève lorsqu'elle me parle. Elle ne s'attarde pas sur le sujet, mais comme elle sait que je suis celui qui dirige désormais son contrat, elle tente tout de même de me parler un peu.
Avant que les filles et les clients n'arrivent, je me suis chargé de rendre une petite visite à Juan, pour lui dire que j'avais entendu qu'il claquait le cul des danseuses avant de les envoyer en salle. Je lui ai bien fait comprendre qu'il 'avait pas à traiter ses danseuses de cette manière, et je me suis chargé que cela ne se reproduise plus. Je crois qu'à ce rythme-là, je vais lui casser la gueule avant la fin de l'année. Il abhorre désormais un énorme bleu sur la joue, mais c'est son problème et pas le mien. Je fais la loi, et j'imposerai mes règles à Juan maintenant que j'ai signé pour avoir des parts dans son bar.
Lorsque Evie arrive, son visage est fermé comme à son habitude, mais je crois discerner une pointe de colère au vu de ses sourcils froncés. Pour une fois, ses longs cheveux blond foncé sont lâchés et tombent en cascade dans son dos. Sa peau reluit en raison de la poudre pailletée qu'elle et ses collègues mettent avant d'entrer en scène. Ses lèvres sont colorées d'un rose framboise, me donnant follement envie de les embrasser.
-Qu'est-ce que je vous sers ? M'interroge froidement Evie.
-Bonsoir à toi aussi, Evie.
Elle croise les bras sur sa poitrine et me dévisage sans aucune gêne.
-Deux Matadors, si tu peux et désire boire un verre avec moi, bien entendu.
Elle semble me juger du regard, comme étonnée que je lui propose en lui laissant le choix. Elle fait finalement son éternel hochement de tête et sort du carré V.I.P pour se rendre au bar. Pendant ce temps, je sors la copie de son contrat et la pose sur la table basse.
Je suppose qu'elle a tendance à croire que mes intentions sont mauvaises, parce que je suis le parrain de la mafia mexicaine, mais j'ai une part d'humanité en moi, même si je suis capable d'achever mes ennemis en les regardant dans les yeux. Concernant les femmes, je suis bien différent. J'ai énormément de respect pour elles, et je pourrais littéralement me prosterner face à Evie si elle n'était pas aussi coriace avec moi.
Evie revient finalement avec les deux verres et en pose un devant moi, en gardant le deuxième avec elle. Je lui désigne le siège face à moi de la main et attrape mon verre pour boire une gorgée en la regardant dans les yeux. Son regard se baisse et dévie sur les documents sur la table face à elle, qu'elle regarde avec un sourcil levé, comme interrogation. Elle sait que je voulais parler de son contrat, je l'avais prévenue. Je devais le faire il y a deux semaines, mais par respect pour sa santé fragile, j'ai accepté de reculer la discussion.
À mon grand étonnement, c'est elle qui lance la discussion.
-Pourquoi vous souhaitez tant parler de mon contrat ? Je suis en droit de reparler des détails, vous avez dû le lire là-dedans.
-Je l'ai lu, bien sûr, mais je me pose beaucoup de questions sur ce contrat. Cette idée de la cage, elle vient de toi, ou de lui ?
-De lui, il pensait que ça rentabiliserait au maximum ma présence.
-Explique-moi comment tu as atterri là-dedans. Juan m'a dit que c'est parce que les hommes te sautaient dessus. Est-ce que c'est vrai ?
-J'attirais beaucoup les hommes, qui insistaient beaucoup pour que je les suive en dehors du bar, mais pas de là à ce qu'ils me sautent dessus.
-Pourquoi avoir accepté l'idée de la cage dans ce cas ?
-Parce que je n'aimais pas qu'ils me touchent autant. Les billets qu'ils glissaient dans la ficelle de mon string, c'était surtout un prétexte pour essayer de me toucher, sexuellement parlant.
-Alors la cage t'a semblé une bonne idée, pour te protéger de ces hommes.
Elle hoche la tête en buvant un peu de sa boisson.
-Mais, je reprends au bout d'un instant, tu as quand même accepté d'être libérée pour une très grosse somme d'argent.
-Parce que rares sont les hommes qui ont les moyens de me faire sortir une fois de ma cage. Je n'avais pas prévu que vous arriviez et me libériez autant de ma cage.
-Ça te dérange autant d'être hors de cette cage ?
-Je suis une danseuse, au cas où vous l'auriez oublié.
-Je ne l'ai pas oublié, et c'est même pour ça que je te demande à chaque fois de danser pour moi Evie.
-Pour faire ça, laissez-moi dans ma cage.
-Non, j'aime mieux te voir ici en ma compagnie plutôt que te savoir enfermée dans cet espace confiné avec des hommes qui te regardent.
-Mon contrat ne vous regarde pas.
-Bien au contraire, mais tu n'as pas l'air de le comprendre.
-Non, parce que je reste sur mes positions. Vous ne devriez pas autant insisté à payer pour me faire sortir.
-Pourquoi tu crois que ça me dérange autant de te voir dans cette cage ?
-C'est juste parce que vous me voulez, vous me l'avez dit. Et pour m'avoir pour vous tout seul, vous me faîtes venir ici.
-Ce premier soir, Evie, lorsque j'ai croisé ton regard, j'ai été révulsé de voir dans quel endroit tu te trouvais. Aucune femme ne mérite de se trouver en cage, tu vaux tellement mieux que ça...
-Je vaux mieux qu'une femme obligée de se faire toucher par les hommes.
-Tu ne te rends pas compte que finalement, ces hommes qui te touchent pour te glisser un billet, te considèrent bien mieux que ton propre patron.
Elle fronce les sourcils en se redressant et j'exemplifie directement.
-Ces hommes te touchent parce que tu es très séduisante et que tu danses merveilleusement bien. C'est normal que tu les rendes tous fous, et ils trouvent normal de te payer pour voir ça. En revanche, tu as un patron qui s'en fiche de ce que tu fais en salle, tant que tu es l'une de ses danseuses. Il se sert de toi en t'enfermant dans une cage, pour gagner un maximum d'argent. Il est égoïste et ne pense qu'à l'argent. Cet argent que tu gagnais à la ficelle de ton string, il était pour toi, et ça ne lui plaisait pas. Désormais, tout ce que tu perçois passe directement par lui puisqu'il faut régler la sortie de ta cage. J'ai donné bien plus que ce qu'il demande, pour voir ce qu'il ferait de cet argent, et j'en ai conclu qu'il ne te donnait qu'une toute petite partie. Tu ne peux pas être une femme soumise à un homme pareil. Tu ne dois plus être dans cette cage.
-Vous pensez que parce que vous avez des parts ici, vous pouvez tout gérer, mais vous ne pouvez pas tout gérer. Vous pensez tout aussi égoïstement que lui, parce que vous voulez que je danse uniquement pour vous, Lazaro. Vous le savez vous-même.
-Tout ce qui m'importe, c'est que tu sois hors de cette foutue cage. Et pour te le prouver, je vais continuer à payer ta sortie, mais je te laisserai en salle. Je serais là à te regarder et si tu as besoin de quoi que ce soit, je serais là pour t'aider.
-Je ne sais pas quand vous allez comprendre que je n'ai pas besoin de vous. Je travaillais ici avant que vous n'arriviez soudainement, et je serais toujours là lorsque vous déciderez de ne plus financer Juan et ses plans tordus.
-Qui a dit que je partirai un jour ?
-Vous êtes comme ça les hommes. Vous voulez changer le monde et vous commencez à le faire avant de vous raviser en voyant qu'il y a trop de choses à faire pour y parvenir.
-Evie, ce que je crois surtout, c'est que tu as une très mauvaise image de moi. Cesse de te reposer sur des clichés, nous ne sommes pas tous cantonnés à la même image.
-Et pourquoi hein ? Qu'est-ce que ça va changer à votre vie si je vous vois uniquement comme un mafieux, comme tous ces hommes qui détruisent des vies !
-Calme-toi Evie. Je saurais te montrer que je ne suis pas monsieur tout le monde.
-En me montrant que vous êtes monsieur le mafieux qui veut tout diriger ? Vous ne me dirigerez pas.
Elle se lève et sort du carré V.I.P avec une colère sans nom. Juan doit sacrément bien monter le cerveau de ses danseuses, je ne sais pas si elles sont toutes comme ça, mais Evie est très fermée lorsqu'on parle de Juan. Cette petite femme fait déjà sa propre loi, je suis sûre qu'elle saura ne pas se faire marcher sur les pieds si elle est à mes côtés.