Dimanche 19 juin
Castellet, 21h35
PDV de Julia
Pierre: Madame Pastor, il toque à ma porte, est ce que vous pourriez vous dépêcher s'il vous plait ?
Moi: Oui bah 2 minutes
Le français rentre dans ma chambre d'hôtel puis s'assoit sur le canapé dans le coin de la pièce. Il croise les jambes, les bras, puis me fixe. Je tente de faire abstraction de son regard qui tente d'être sérieux.
Moi: Tu comptes me regarder comme ça combien de temps ? je dis entre 2 couches de mascara
Pierre: Mais t'es toujours pas prête t'abuses
Moi: Oui bah ça va, il est quoi ? je regarde ma montre. Ah, 21h30, roh bah ça va, t'as qu'à y aller sans moi
Pierre: Non
Moi: Bah, faut savoir hein
Pierre: Ton frère me tuerait si je te laisse encore une dois toute seule, je rigole. Non mais je rigole pas, j'ai encore une carrière à vivre
Moi: Il ne ferait pas de mal à une mouche
Pierre: Sauf si la mouche s'appelle Pierre et qu'il arrive quelque chose à sa soeur. Il me l'a fait jurer avec le petit doigt !
Moi: Oulah oui donc ça ne se brise pas ça
Pierre: Exactement !
Il se renfonce dans son siège pour se mettre sur son téléphone pendant que je continue de me préparer. Je rebouche mon mascara mais du coin de l'oeil j'aperçois une partie de mon pansement dépasser de ma robe.
Un long soupire s'échappe de mes lèvres. La cicatrice est plutôt bien faite, mais c'est à un endroit assez voyant, on l'apercevra surement tout le temps quand je serai en maillot de bain. Mais bon, ce sont mes derniers jours avec ce pansement.
Alors je replace les bretelles de ma robe afin de le cacher, avant de revenir à ma préparation. J'essaye de jamais trop penser à cette soirée. En réalité, je n'ai pas énormément de souvenirs, tout est assez flou.
Pierre: Ça va ? il me dit à l'autre bout de la pièce
Moi: Oui pourquoi ?
Pierre: Je sais pas, tu fais une de ces gueules, encore pire que d'habitude
Je lui lance un coussin que j'ai attrapé sur le bord du lit ce qui le fait rire. Nous ne perdons pas de temps à rejoindre l'hotel voisin pour la soirée. La plupart des pilotes réside dans l'autre hôtel, surtout les top team, mais bon, j'ai suivi Pierre cette fois.
23h30
Barman: Et voilà pour vous, il fait glisser un verre de limonade sur le comptoir
Moi: Merci
Je n'ai pas le droit à l'alcool avant un long moment, et j'aurai toujours besoin de faire attention maintenant. J'ai du mal à réaliser tout ce qu'il s'est passé, les lourdes opérations que j'ai dû supporter à cause de tout ça. Mais j'imagine que ça ira mieux avec le temps.
Mes amis, dont Katerina et Luisa, sont entrain de se défouler sur la piste de danse. Un sourire s'affiche sur mon visage mais j'ai aussi un petit pincement au coeur quand je me dis que je ne peux pas les rejoindre.
À travers les baies vitrées, j'aperçois quelqu'un assis, seul, en face de la balustrade. Mais bien-sûr, je reconnaitrai cette silhouette entre mille. Alors étant donné que tout le monde est éparpillé dans la pièce, je décide d'aller prendre l'air avec lui.
Arrivé à l'extérieur, l'air légèrement plus frais me fait du bien, même si la chaleur est toujours lourde à cette heure ci. Je me pose à côté de lui, puis je ne dis rien. Son visage est fermé. Je suis sûre qu'il ressasse encore la course de tout à l'heure. Nous n'en avons pas parlé, je m'étais contentée de m'assoir à coté de lui.
Moi: C'était les pneus ? Je dis pour briser le silence. J'ai vu l'état des tiens en passant devant le garage
Charles: Ouais, je pouvais rien en faire, la voiture les a bouffés
Moi: Spielberg la semaine prochaine sera plus à votre avantage, tu pouvais rien y faire, tu le dis toi même
Charles: Ouais, il dit les yeux posés sur moi
Il se contente de laisser ses yeux posés sur moi, il ne dit rien. Je finis donc par tourner la tête et fixer l'horizon, légèrement troublée par ses yeux verts. Pourtant, même si je sens encore son regard sur moi, il ne dit rien. Par manque d'arguments surement.
Charles: Ça me fait chier pour mon père et mon parrain surtout, je fronce les sourcils et tourne instantanément la tête vers lui
Moi: Comment ça ?
Charles: Ça me fait chier qu'ils voient ça d'en haut
Moi: Non non, je me retourne sur moi même pour lui faire face. Tu as eu une course compliquée, ok. Bah et alors ? Ça arrive. Ils sont plus fières de toi que de n'importe qui d'autre, c'est sur
Charles: De toute façon, ça sert à rien que je continue de te contredire tu vas jamais lâcher, un petit sourire s'est dessiné sur le coin de ses lèvres
Moi: Ah bah tu vois, t'es quand même vachement moins vilain quand tu souris que quand tu fais la gueule
Le monégasque pousse ma tête avec sa main ce qui nous fait rire. Charles a tendance à beaucoup trop se dévaloriser quand quelque chose ne se passe pas comme prévu, même quand ce n'est pas de sa faute. Il n'est pas du genre à le montrer en public, mais il a ses petits moments de faiblesse dans son coin.
Charles: C'est cool que tu sois revenue
Moi: Ouais, bah globalement, c'est cool que je sois en vie, je rigole pendant que le monegasque n'a pas l'air du même avis. Bah quoi ? je dis en me stoppant net
Charles: C'est vraiment très peu drôle ton humour noir Julia
Moi: Rooohhhhh, mais je suis pas morte, regarde je suis encore là pour venir te faire chier quand t'as envie d'être tout seul
Charles: C'est vrai, heureusement
Je tourne la tête, ne relevant pas son dernier mot. Je me contente de regarder le paysage face à nous. Nous n'avons pas la mer malheureusement ici, mais nous avons une vue sur une petite forêt. La lune laisse apercevoir le tracé de celle ci sous sa lumière tamisée.
Moi: Tu veux y aller ? Je fais un signe vers la salle
Charles: Non, je préfère rester là encore un peu
Moi: Tu veux que j'appelle Charlotte ? Elle doit être à l'intérieur
Charles: Pourquoi ? Tu t'en vas ?
Mon premier réflexe est de lever les sourcils. J'avoue être assez surprise. Il n'a pas à devoir attendre que je parte pour la voir, je ne sais pas trop à quoi il joue. Mais je ne suis pas sure que Charlotte apprécie ce genre de comportements.
Moi: Mais tu joues à quoi en fait Charles ? il semble visiblement de ne pas comprendre à quoi je veux en venir. Tu joues à quoi avec Charlotte ?
Charles: Pourquoi tu dis ça ?
Moi: Arrête de faire l'innocent, je me relève et il fait de même
Charles: Mais de quoi tu parles ? il dit en attrapant mon bras afin de me retenir
Moi: Charlotte est une perle. T'as pas le droit de la faire souffrir, elle t'aime vraiment
Charles: Mais je le sais, je suis avec elle pour une raison
Moi: C'est pas l'impression que tu donnes. Elle va finir par partir si tu continues à la traiter comme la dernière de tes préoccupations
Charles: Je comprends pas pourquoi tu me dis ça d'un coup
Moi: Mais parce que tu agis comme si elle était ton second choix, tout le temps, pour tout
Charles: Mais non, c'est juste que j'avais besoin d'être seul
Moi: Si t'avais envie d'être seul pourquoi tu ne m'as pas dis de partir alors ?
Charles: Parce que c'est pas pareil
Moi: Arrête de jouer avec elle, s'il te plait
Charles: Mais je joue pas avec elle
Moi: Bah alors arrête de donner cette impression. Elle t'aime, elle est parfaite pour toi, tu veux quoi de plus ? C'est quoi ton soucis ?
Charles: Mais putain mais c'est toi mon problème ! ma respiration se coupe et je ne suis plus capable de surenchérir. Tu me rends complètement malade, j'arrive pas à la regarder sans te voir toi ! Tes cheveux, ton odeur, tes yeux, tu m'obsèdes putain. Pourquoi il a fallut que tu reviennes ? Je pensais que je t'avais oublié. Mais j'arrive pas à chercher autre chose que quelqu'un comme toi
Je ne réponds rien bien trop choquée pour le faire. Mon coeur est déchiré, plutôt divisé. Ses paroles me font mal, il parle comme si il avait voulu que je ne revienne jamais. Ça me fait aussi mal pour lui, pour Charlotte. J'ai l'impression d'être un obstacle à leur relation.
Ce qui me fait le plus mal est qu'il semble avoir dit ça comme si il le retenait depuis des mois. Je ne le regarde pas, je n'ai pas envie de croiser son regard. Je n'ai pas envie de savoir si il regrette ce qu'il vient de dire ou non. C'était tellement spontané.
Moi: Bah écoute désolé pour toi, mais je suis revenue. Et même si tu aurais préféré que ça ne soit pas le cas, j'y peux rien si je suis encore ici. Je sais même plus quoi te dire, je finis par dire après de longues secondes de silence
Charlotte: Moi non plus
Nous nous retournons brusquement pour tomber sur Charlotte, le visage complètement décomposé, qui a certainement dû assister à toute la scène. Charles se lève immédiatement pour se rapprocher d'elle alors que je remarque que Pierre est juste derrière elle.
Son visage est plutôt fermé, son regard paraît désolé, comme si il avait tenté d'éviter cette situation. Charles tente de retenir Charlotte alors qu'elle repart à l'intérieur. Mais qu'est ce que je suis censée faire ?
Pierre: Désolé, il me dit en s'asseyant à côté de moi, j'ai essayé de lui parler pour ne pas qu'elle sorte mais
Moi: T'avais pas à faire ça, je le coupe. C'est lui qui s'amuse avec les gens
Pierre: Dit pas ça, il finit par me dire. Tu sais très bien qu'il n'est pas comme ça
Je ne réponds rien. En réalité, je ne sais même plus qui il est. Je ne sais même plus qui je suis en fait. Nos discussions n'ont plus aucun sens. C'est comme si à chaque fois qu'on discutait, l'univers s'alliait contre nous pour empirer encore une fois la situation.
Pierre: Ça va aller, il pose sa main sur la mienne. T'as besoin de temps toi aussi
Comme unique réponse, j'hoche la tête, forçant une dernière fois un rictus sur le coin de mes lèvres. Puis je tourne la tête, comme pour tenter de me persuader que ce qu'il vient de se passer n'était qu'une illusion.
Mais très rapidement, la culpabilité m'envahit. Je me sens coupable de ce qui vient de se passer, alors que les torts sont bien évidemment partagés. J'aime beaucoup Charlotte, je pense qu'elle est bien pour Charles. Mais j'ai l'impression de ne jamais être honnête avec elle, parce que quoi qu'il arrive, je n'arrive pas à détester Charles.
À l'intérieur de la pièce, juste dans le coin à l'entrée, nous pouvons entendre d'ici leur discussion houleuse. Ma raison n'arrive plus à prendre le dessus. Mon corps finit par se lever très rapidement et marcher en direction de la salle. Je n'aime pas voir les gens se disputer surtout, quand j'en suis en partie la cause.
Lorsque j'arrive dans l'encadrement de la porte, je me heurte à quelqu'un, assez violemment. Mais cette personne rattrape mon bras avant que je n'ai le droit de trébucher. Il va vraiment falloir que je reprenne mes esprits, je n'ai fait que n'importe quoi ce week end.
Moi: Je suis désolée, je réplique immédiatement. Merci
Je remercie tout de même cette personne de ne pas m'avoir laissé m'étaler sur le sol, ce qu'elle aurait pu faire. La scène se passe tellement rapidement, comme un mirage. Mais mes yeux croisent cette main sur mon bras. Mon regard glisse le long du sien, et des tatouages s'y dessinent.
Mon coeur loupe plusieurs battements, jusqu'à résonner jusque dans mes tympans. Un bruit sourd paralyse mes oreilles, mais je suis incapable de lever les yeux. Je n'ai pas envie de le voir. Sur le coup, mon réflexes est de planter mes ongles dans mes paumes, en espérant que la douleur me ramène à la réalité. Je n'ai fait qu'avoir des hallucinations.
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(Désolé pour hier soir, je n'ai pas le temps de poster le chapitre, mais le voilà ! 🫶🏻)