Dimanche 24 mars 2019
Monaco, 11h15
PDV de Charles
Julia: Oui, enfin globalement. Je fais de l'anxiété chronique, il prend des notes sur son clavier, j'ai un traitement. Et ça serait la combinaison de ce traitement, donc avec un stress assez haut, et l'alcool
Docteur: Vous auriez le nom de votre traitement ?
Julia: Oui, elle sort une boite de son sac, c'est ça, il prend la boite entre ses mains et fait les gros yeux
Docteur: Ah oui d'accord, il repose la boite. Bon autant vous dire que vous ne reprendrez jamais ce médicament. Vous avez des antécédents médicaux ? Vous avez déjà eu des problèmes cardiaques ou autre ? Des évènements dépressifs qui ont demandé des anti dépresseurs ?
Julia: Euh, elle baisse la tête et commence à jouer avec ses doigts. Oui, j'ai été un moment sous anti dépresseurs, ça me fait mal de l'entendre dire ça
Docteur: Combien de temps environ ? Et vous saviez quel était votre médicament ?
Julia: Effexor et environ 2 ans et demi 3 ans, je ne sais plus exactement
Julia n'a toujours pas relevé la tête, je sens que ça la touche de parler de ça. Elle ne m'en avait jamais parlé. Elle ne m'a jamais rien dit de sa vie personnelle, à part qu'elle a un frère. Je pense qu'elle a beaucoup plus souffert que ce que j'avais imaginé. Je ne me serai pas douté qu'elle a fait une dépression de plus de 3 ans. Ça se voit que quelque chose est brisée chez elle, mais je ne pensais pas à ce point là.
Docteur: Très bien, vous allez mieux maintenant ? il lui dit avec un petit sourire
Julia: Je commence à remonter la pente oui, elle hoche timidement la tête
Docteur: Bravo, il lui fait un grand sourire. Je vous laisse vous installer sur la table d'examen, pas besoin d'enlever votre soutien gorge, enlevez juste votre pull
Moi: Je vais sortir, je reviens après, je dis à Julia
Julia: Non c'est bon, c'est un soutien gorge, c'est comme si j'étais en maillot de bain, je m'en fou, elle rigole un peu
Moi: Comme tu veux, j'hausse les épaules
Julia se lève et rejoint la table d'examen sur le coté de la salle. Elle enlève son pull et s'allonge sur le fauteuil. Le médecin lui pose les patches pour lui faire un électrocardiogramme. Pendant ce temps là, il sort son échographe et commence à réaliser des images du coeur de Julia. Elle ne voit pas le visage du docteur mais moi je le vois et j'aurai préféré de ne pas le voir non plus. Son visage est très fermé, ça ne lui arrive jamais. Sa tête s'est complètement décomposée.
Docteur: Bon, il retire la sonde de la poitrine de Julia, j'ai les images qu'il me faut. Je peux vous libérer de tout ça, il enlève les patchs. Vous pouvez vous habiller
Julia renfile son pull avant de se rassoir sur le siège à ma gauche. Je sens qu'elle même n'est pas rassuré. Elle n'ose pas me regarder dans les yeux, son regard est fermé. Ça me déchire tellement le coeur de la voir comme ça.
Docteur: Alors, il s'assoit sur son fauteuil et soupire légèrement, j'ai pu effectuer un diagnostic. Mais avant, j'aimerai connaitre vos antécédents familiaux, ça me permettrait de confirmer
Julia: C... C... Comment ça ? elle semble paniquée
Docteur: Est ce des personnes de votre famille que ce soit vos parents, vos frères et soeurs, tantes, ont eu des problèmes cardiaques ?
Julia: Euh, elle ravale sa salive. Oui
Docteur: Lesquelles ? il voit lui-même qu'elle n'est pas à l'aise avec ces questions. Julia, regardez moi, elle relève timidement la tête. Je suis là pour vous soignez, je ne vous jugerai pas, vous pouvez tout me dire, vous ne devez pas avoir peur, elle hoche la tête pendant que je prends sa main dans la mienne pour la soutenir
Julia: Euh, elle prend une grande inspiration. Mon cousin a fait un AVC, le docteur hoche la tête, il y a 5 ans. Je ne connais pas ma mère donc je ne sais pas si elle a des problèmes de santé, mon coeur se brise une première fois dans ma poitrine. Et euh, elle fait une pause comme pour retenir ses larmes, mon père est mort d'un infarctus il y a 5 ans, mon coeur se brise encore une fois. Waw, elle rit un peu nerveusement, c'est la première fois que je le dis à haute voix depuis 5 ans
Julia baisse sa tête et j'aperçois une petite larme s'échapper de son oeil. Je me sens impuissant, je ne sais pas quoi faire c'est horrible. Alors je caresse le dos de sa main avec mon pouce pour lui montrer que je suis là. Je comprends sa douleur, mon père aussi est décédé, il y a 2 ans, mais j'avais mes frères et ma mère. Je commence à comprendre pourquoi elle est aussi proche de son frère, c'est elle qui s'est occupée de lui. Au plus j'apprends des choses sur Julia au plus je l'admire. Elle est incroyable.
Docteur: Je suis désolé, il lui dit droit dans les yeux. Est ce que vous saviez si il était atteint d'une maladie cardiaque ?
Julia: J'en ai aucune idée, il me semble. Mais je ne connais pas le nom
Docteur: Vous viviez à Monaco, elle hoche la tête. Est ce que vous pourriez me donner son nom ? Je vais très certainement pouvoir le retrouver ainsi
Julia: Oui, elle rabaisse la tête et joue avec ses doigts. Michel Pastor
Je tourne brusquement ma tête dans sa direction, elle ne me regarde pas. Mais ça y est, j'ai compris enfaite. Qu'est ce que je peux être con. Comment j'ai pu ne pas voir ça ? À ce moment là, c'est comme si toutes les pièces d'un gigantesque puzzle s'étaient réunies. La famille Pastor faisait la une de tous les journaux, ce sont les plus riches de Monaco. Je me souviens très bien de la mort de Michel mais surtout de l'assassinat d'Hélène, sa tante du coup.
Mon coeur se compresse dans ma poitrine. Quelle horreur. Je ne me serai jamais doutée que Julia avait pu vivre autant de choses. Je comprends tout maintenant, sa phobie de perdre les gens, son anxiété, son amour pour son frère, sa peur de se faire des amis,... Tout. Je comprends tout. J'ai vraiment mal au coeur. C'est une sensation horrible, je me sens tellement mal pour elle.
Quand je jette un coup d'oeil dans sa direction, elle tourne la tête au même moment. Son regard est vide, comme la première fois que je l'ai rencontré. Je crois aussi y lire de l'inquiétude. Elle n'avait jamais voulu parler à quiconque de son passé, elle devait avoir peur de la réaction des gens. Je suis surtout choquée de ce qui lui est arrivé, je n'arrive même pas à m'imaginer sa douleur
Docteur: Votre père était déjà venu dans mon cabinet, elle relève la tête
Julia: Ah bon ?
Docteur: Oui, il était atteint d'un syndrome qu'on appelle le QT court, c'est aussi le syndrome que je vous ai diagnostiqué. Pour faire simple, votre coeur a tendance à se remplir trop rapidement. Ça peut engendre des arythmie, donc soit de la tachycardie ou de la bradycardie
Moi: Ça se soigne ? je demande directement
Docteur: Alors non, ça ne se soigne pas. par contre, on peut le contrôler. On commence par des traitements médicamenteux et si réellement ça ne fonctionne pas, on peut envisager la pose d'un défibrillateur automatique. Mais je ne pense pas que ça sera nécessaire, vous avez toutes les indications pour bien réagir aux médicaments, un poids disparaît de mes épaules
Julia: Est ce que je vais devoir arrêter le sport ?
Docteur: Pas de sport de haut niveau, ça c'est sur. Mais non y a pas de soucis. C'est justement conseillé. Vous pouvez continuer de vivre normalement, vraiment il n'y a aucun soucis, il fait un sourire rassurant à Julia. Tout va bien, votre arrêt cardiaque d'hier soir était dû au mélange de médicaments que vous preniez. Ça n'arrivera plus, je vais vous prescrire de nouveaux médicaments pour votre anxiété qui sont compatibles avec vos traitements.
Julia: Merci
Le médecin prescrit les médicaments à Julia sur une ordonnance. Il prescrit aussi une seringue. Si jamais ce qu'il s'est passé hier soir se reproduit, il faudra piquer cette seringue dans sa jambe pour éviter qu'elle refasse une crise cardiaque. C'est tellement étrange ce qu'il se passe. J'ai l'impression d'avoir plus peur pour elle que elle n'a peur pour elle même.
Nous sortons du cabinet du docteur. Aucun de nous ne déroche un mot pendant que nous descendons les escaliers. Nous rejoignons le parking sous terrain pour récupérer ma voiture. Quand on arrive devant celle-ci, je ne rentre pas dans la voiture et je me pose juste devant Julia qui attend devant la portière.
Elle me regarde avec un air interrogateur. Je ne cherche pas forcément à plus réfléchir et je la prends dans mes bras. J'ai vraiment besoin de sentir qu'elle va bien, j'ai eu tellement peur pour elle et je suis vraiment soulagé. Je glisse mes mains le long de son dos et je la serre contre moi. Elle semble visiblement surprise au début mais elle finit par entourer mon cou avec ses bras. Je crois entendre un petit reniflement, je pense qu'elle est entrain de pleurer.
Elle me brise le coeur. Je réalise pas que c'est la fille de la famille la plus riche de Monaco. On était dans le même lycée, on était même parfois dans les mêmes cours. C'était pas le genre de filles à aller parler aux gens, au contraire. C'était surtout parce que tout le monde la connaissait à cause de sa famille. Elle sortait avec un de mes potes de l'époque, Louis. J'arrive pas à me rendre compte que je réalise ça que maintenant, c'était juste devant mes yeux.
Je me souviens parfaitement il y a 5 ans quand la mort de son père et ensuite l'assassinat de sa tante ont fait la une pendant des semaines. J'ai tellement mal au coeur pour elle. Elle mérite tellement pas ce qui lui arrive, c'est la fille la plus simple, la plus naturelle que j'ai connu. Je me sens rarement aussi bien que quand je suis avec elle. Je pense que j'ai trouvé mon âme soeur platonique, l'amie avec qui je me sens toujours connectée. J'ai l'impression de ne même pas avoir besoin de parler pour qu'on se comprenne.
Julia: Je suis désolée de rien t'avoir dit, elle se détache un peu de moi et essuie ses larmes
Moi: On s'en fou, je prends son poignet, le plus important c'est que t'aille mieux. Je m'en fou d'où tu viens. Je suis fière de toi c'est tout
Julia: J'avais pas envie d'en parler, j'ai pas envie d'avoir la pitié des gens. J'avais pas envie qu'on me donne de privilèges parce que mon père et ma tante étaient les personnes qu'ils étaient, des larmes continuent de couler sur ses joues
Moi: Je sais, je l'attire vers moi et je la serre contre moi
Je sens mon coeur qui explose dans ma poitrine, elle me fait tellement mal au coeur. Je déteste la voir dans cet état. Je me sens si impuissant, j'aimerai pouvoir prendre toute sa peine pour la soulager mais je ne peux rien faire à part la regarder souffrir. C'est de la torture. Alors je fais la seule chose que je peux faire pour elle, être là, comme le sont toujours les meilleurs amis.
Moi: Ça va aller maintenant ok ? je caresse délicatement ses cheveux pour tenter de la calmer. Tu vas te soigner, tu vas remonter la pente comme tu es déjà entrain de le faire et dans plusieurs années, on en reparlera en souriant. Je te le promets
Julia: Non non, elle me pousse légèrement, ne fais pas de promesse, je t'en supplie
Moi: J'en fais jamais. Si je te le dis, c'est que ça sera le cas, tu peux me croire sur parole, je lui dis droit dans les yeux. Arrête d'avoir peur avec moi, je te l'ai prouvé, je suis ton ami. T'as plus aucune raison d'avoir peur avec moi ok ? T'es mon âme soeur platonique, elle fronce un peu les sourcils
Julia: C'est quoi ?
Moi: Tu regarderas, je lui fais un petit clin d'oeil. Allez, sèche moi ces larmes de crocodiles, j'essuie ses larmes avec mes pouces, je te ramène chez toi, t'as besoin de repos
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