Teddy Bear

By _CyrilVallee_

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Charlie Barnes est l’une des personnes les plus cartésiennes que vous pourriez croiser sur Graham Street. L’i... More

1 : Charlie ne sait pas rêver
2 : Charlie sauve une vie
4 : Charlie veut rentrer
5 : Charlie arrive trop tard
6 : Charlie dans un nanar
7 : Charlie aimait les happy ends

3 : Charlie, témoin gênant

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By _CyrilVallee_

Charlie courait à toute allure pour retrouver l'ourson. Il négocia le virage dans la ruelle étroite pour éviter les poubelles métalliques qui décoraient l'angle avec l'avenue. La situation incongrue le faisait sourire, tout en courant. Il s'amusait ! Il n'en revenait pas, mais toute cette histoire l'amusait beaucoup.

En moins de deux minutes, il était sous le lampadaire précis où il avait eu les flashs prémonitoires.

Il stoppa net, posa les mains sur ses genoux, comme le font les basketteurs entre deux allers-retours sur le terrain, et prit quelques secondes pour calmer son souffle.

- Je ferais mieux de reprendre un peu le sport, se dit-il pour lui-même.

Une fois qu'il eut récupéré un peu, il commença à examiner la rue à la recherche de l'ourson. Il se rappelait avoir lancé la peluche en face de lui, entre deux gros containers métalliques. Charlie se précipita. L'endroit était dans la pénombre ; la luminosité qui venait du seul lampadaire était masquée par son ombre.

Il chercha à tâtons, mais l'odeur nauséabonde qui s'échappait des containers lui rappela qu'il fouillait des poubelles à mains nues, ce qui l'incita à être prudent. Il pouvait tomber sur des bouts de verre cassé ou des seringues usagées. Il s'accroupit, laissant ses yeux s'habituer à l'obscurité, essayant de distinguer un peu plus de détails de l'endroit.

Tout à coup, une lumière blanche tomba sur lui. Il repéra immédiatement une patte de l'ourson, qui semblait coincé sous une des poubelles.

Charlie jeta un œil en l'air et comprit que la clarté venait d'une fenêtre située juste au-dessus de lui. C'était celle qu'il avait vue un peu plus tôt lorsqu'il avait trouvé l'ourson, la seule qui était ouverte.

Tant mieux, au moins pouvait-il en profiter pour dégager la peluche. Il tendit le bras, coincé entre un gros carton et un tas de parpaings qui bloquaient le passage. Comment l'ourson qu'il avait jeté quelques minutes plus tôt avait-il pu glisser aussi loin ?

En s'étendant au maximum, il arrivait à peine à effleurer une patte de la peluche. Mais ce n'était pas assez pour pouvoir la saisir. Charlie dut forcer sur les parpaings, son torse s'appuyant fortement contre le béton, à la limite de la douleur, pour avoir un peu plus de préhension.

Enfin, du bout des doigts, il réussit à attraper un fil de peluche et il tira tout doucement l'ourson du dessous du container, le glissant sur un carton gondolé à l'aide de sa prise précaire. Une fois la peluche dégagée, il put la saisir et la ramener vers lui.

Juste à ce moment-là, un énorme bruit retentit, le faisant sursauter. Un bruit qui ressemblait furieusement à un coup de feu et qui venait d'en haut.

Charlie recula et observa la façade : la seule fenêtre allumée - et ouverte - était celle du premier étage, celle-là même qui lui avait laissé assez d'éclairage pour qu'il puisse repérer la peluche.

Un nouveau claquement sec accompagné d'un éclair lumineux qui illumina la pièce confirma ses soupçons : c'étaient bien des coups de feu !

Charlie n'aimait pas cette situation. Il recula tout doucement en prenant garde de ne pas faire de bruit, mais heurta au passage une boite de conserve qui trainait derrière lui. Il eut la même impression que lorsque l'on dit une grosse bêtise en pensant être couvert par la rumeur de la foule, juste au moment, justement, où cette rumeur cesse.

Il prit peur, peut-être y avait-il un règlement de comptes au premier étage, ou un assassinat ! Il ne voulait pas le savoir, ce n'était certainement pas le moment d'être mêlé à cela. Personne ne voulait être mêlé à ce genre d'histoire. Il commença à courir vers la grande avenue, avant de se rendre compte que l'ourson était tombé.

Il revint rapidement sur ses pas et attrapa la peluche qu'il fourra dans son sac.

- Eh ! Toi, là ! cria une voix grave.

Un homme apparut à la fenêtre. Grand, massif. Et surtout, Charlie aperçut l'arme que celui-ci tenait dans sa main gauche. Pistolet ou revolver, c'était le genre de détail qu'il ne voulait pas connaitre. Il se précipita en direction de l'avenue.

- Eh ! hurla la voix. Reviens ici, bordel de merde !

Charlie courut le plus vite qu'il put. En quelques dizaines de secondes, il avait rejoint la grande avenue. Pour semer une fausse piste, il se précipita à gauche, courut encore une trentaine de mètres en regardant la circulation et, dès qu'il vit un creux dans le flux de voitures, il traversa la route jusqu'à l'autre trottoir, qu'il prit à contresens.

Croisant à nouveau la ruelle sombre, il aperçut du coin de l'œil une silhouette qui était en train de rejoindre l'avenue en courant. Charlie redoubla d'effort pour atteindre un autre croisement, bifurqua, accéléra encore, changeant de trottoir, tournant au hasard des rues, sans réfléchir. Il voulait juste s'éloigner le plus possible. Au bout de cinq minutes de course effrénée, il dut s'arrêter, épuisé.

Manquant de tomber, il s'appuya contre une façade pour reprendre son souffle. Il regarda derrière lui, puis devant, sans rien détecter d'anormal. Il fallait qu'il se calme et qu'il se repose. Il devait se cacher un moment.

Charlie entra dans un petit pub et se glissa sur une chaise à une table contre la vitrine. Il enleva son blouson et commença seulement alors à se calmer, tandis qu'un serveur s'approchait de lui.

- Un café et un grand verre d'eau, s'il vous plait, s'entendit-il demander.

Durant toute cette course, il n'avait pas eu le temps de réfléchir. Trop occupé à ne pas se faire attraper, ni même repérer par ces gens dont il ne savait rien, il avait fui le plus vite possible, le plus loin possible. Et cela avait marché : depuis cinq minutes qu'il observait la rue, il n'avait rien vu d'anormal, personne qui semblait chercher quelqu'un ou bien qui paraissait anormalement pressé, personne qui avait une tête de gangster. Encore faudrait-il que ces derniers aient une tête particulière.

Pour ce qu'il en savait, il avait dû le semer.

Subitement, Charlie réalisa une chose : son réflexe de s'enfuir avait bien été le bon. Car s'il avait pu voir le type assez clairement, ce dernier l'avait probablement aussi bien vu. Un moment de panique le saisit, ponctué de « et si ? »

Et s'il le croisait à nouveau, ce type pouvait-il le reconnaitre ? Et s'il le cherchait, et s'il remontait jusqu'à son travail, sa maison ?

Devait-il en parler à la police ? Pour dire quoi, qu'il avait entendu un bruit ? Comment expliquerait-il sa fuite, le fait qu'il avait couru comme un dératé ? Et si une procédure était entamée, son nom serait inscrit en toutes lettres, son adresse aussi, toutes ses coordonnées. Au bout d'un moment, tout cela serait rendu public, ou facile d'accès. Des souvenirs de films lui passèrent dans la tête. Des images de flics corrompus, de mafia, de criminels qui retrouvaient des innocents dont le seul tort avait été de se trouver au mauvais endroit, au mauvais moment. D'autres histoires de fuites par des journalistes en quête de scoop, dévoilant des détails sur les témoins avec le même résultat.

Peut-être regardait-il trop de films policiers.

Non, il décida qu'il ne pouvait pas en parler aux flics. Il n'en parlerait pas du tout, à qui que ce soit.

Et puis, quelle chance y avait-il que ce type le retrouve, finalement ? Maintenant que Charlie l'avait semé, il pourrait vaguement faire la description d'un homme blanc, dans la trentaine, avec un sac bandoulière et une veste en jeans. Insuffisant pour le retrouver.

Il décida de garder son sang-froid ; tout ce qu'il avait l'intention de faire, c'était reprendre le cours de son histoire, rentrer voir Mary et recoller les morceaux.

Et il lui offrirait ce joli ours en peluche marqué Teddy Bear. Les filles adoraient ce genre de petites attentions.




Dans la ruelle sombre, un homme costaud, jeans et blouson de cuir noir, maintenait ouvert le couvercle d'une des deux grosses bennes.

Le grand type que Charlie avait vu quelque temps plus tôt apparut à la fenêtre et vérifia que le container était bien positionné avant de disparaitre à nouveau.

Une paire de jambes apparut par secousses successives, et puis subitement, tout le reste de ce qu'on est en droit d'attendre au bout d'une paire de jambes passa par la fenêtre, immédiatement suivi de la tête du grand type. Il observa la chute du corps, un air satisfait sur le visage, jusqu'à ce que celui-ci atterrit dans la benne en provoquant un énorme fracas. L'homme au sol laissa retomber le couvercle, puis regarda de part et d'autre de la ruelle, peut-être pour vérifier qu'il n'y avait pas de témoin.

Puis il se positionna sous le lampadaire et alluma une cigarette, maniant son briquet Zippo d'un geste théâtral, presque comique. Il pinça le filtre entre ses lèvres puis se frotta les mains en grimaçant. Tenir le couvercle de cette benne à ordure le dégoutait.

Une minute plus tard, l'homme de la fenêtre le rejoint.

- Et le gaillard que j'ai vu tout à l'heure ? demanda-t-il sur un ton qui ne laissait pas de doutes : c'était lui le patron.

- Pas pu le suivre. Il a détalé vers là-bas, fit l'homme à la cigarette en faisant un vague geste sur sa droite. Il tira une bouffée avant de poursuivre. L'avenue est bondée, je l'ai remontée dans les deux sens sans succès. Je ne sais pas où est passé ce type.

- Il fouillait quelque chose vers les poubelles, tout à l'heure, t'as jeté un œil ? demanda l'autre.

Le fumeur secoua la tête en signe de non.

Le patron soupira et se dirigea vers les containers en marmonnant. « Faut toujours tout faire soi-même, c'est pas croyable, putain ! »

Il bougea les cartons entre les deux containers et ce faisant, il découvrit un objet insolite. Il s'accroupit en sortant un couteau de sa poche et, du bout de la lame, il glissa vers lui ce qui ressemblait à un portefeuille tout neuf.

D'un geste sec, il le retourna à l'aide de sa lame. Le portefeuille s'ouvrit sur le bitume, laissant voir une carte d'identité et une série de photos visiblement issues d'un photomaton.

- Quel con ! commenta-t-il. Il a réussi à faire tomber son larfeuille.

Le patron observa les petites photographies. La jeune femme était plutôt mignonne. Ce serait même son type.

En retournant le papier, il lut l'inscription.

« Charlie et Mary, juin 2012. »


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