4 : Charlie veut rentrer

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Un petit quart d'heure plus tard, Charlie était totalement rassuré. Il était maintenant sûr de ne pas avoir été suivi et il avait décidé de laisser tomber cette incartade qui ne lui apporterait que des ennuis. Il allait tout oublier.

Et puis, il avait quelque chose de bien plus important à faire.

Le fait d'être confronté à une histoire sordide remettait en quelque sorte les choses à leur place dans son univers. Après tout, il avait un travail sympa de maître-assistant à l'université du coin, avec la promesse d'une belle carrière s'il continuait à publier ses résultats de recherche au même rythme, il était bien entouré entre ses parents et ses amis proches, et il était apprécié de son entourage. Et surtout, malgré les récentes disputes, il avait la meilleure des petites amies.

Mary avait ses défauts, mais qui n'en avait pas ? Cela faisait deux ans maintenant qu'ils étaient ensemble, deux années qui avaient été un vrai bonheur. Il ne voyait aucune raison pour que cela ne continue pas et il décida que ce ne serait pas lui qui ferait se dégrader leur relation. Comme une révélation, il comprit que son couple valait bien de faire des concessions, au moins celle de se mettre à la place de Mary et d'essayer d'accepter son point de vue. Les petites claques de la vie, peut-être sont-elles là pour remettre les choses en perspective, et ce qu'il venait de vivre lui fit réaliser cela : l'amour est quelque chose de précieux. Il faut l'entretenir, préserver cette petite flamme des éléments extérieurs et si possible, s'arranger pour ne pas souffler soi-même dessus.

Il eut envie de le dire tout de suite à Mary, il voulait rentrer, là, maintenant, et faire ce qu'il fallait pour faire cesser ce stupide vent. Il était vraiment temps de retourner à la maison, de reprendre sa vie normale, et d'avancer avec ce qu'il venait de comprendre.

Sa vie normale.

Ces simples mots mirent en exergue les événements encore plus extraordinaires qui s'étaient passés avant la course poursuite. Il jeta un œil dans son sac bandoulière. Teddy Bear, l'ours en peluche, semblait le fixer avec ses deux disques de plastique censés représenter les yeux. Charlie avait beau retourner le problème dans tous les sens et essayer de mettre de côté l'extraordinaire, ce qu'il avait vécu était ancré dans sa mémoire. Il ne pouvait pas le nier aussi facilement que les bruits qui ressemblaient de plus en plus vaguement à des coups de feu.

Tous ses sens lui rappelaient les flashs visuels intenses, le son bizarre qu'il avait entendu et cette vision éthérée qu'il avait eue, se baladant comme un spectateur dans une scène qu'il avait fini par vivre en personne. Tout cela était en totale contradiction avec tout ce qu'il avait cru jusque là. Et pour l'instant, il ne pouvait le nier : il y avait une explication rationnelle, c'était juste qu'il ne la connaissait pas.

Les yeux de plastique colorés le fixaient. Il se sentait vraiment observé, comme cet objet était doté d'une vie propre, et cette idée était tellement irrationnelle qu'elle le mettait mal à l'aise.

Charlie dut faire un effort pour tourner la tête. Il regarda autour de lui. Deux personnes étaient en pleine conversation une table plus loin, le serveur était affairé à nettoyer quelques verres derrière le comptoir, et pour ce qu'il pouvait en juger, personne ne faisait attention à lui.

Mais cet ourson le fixait, lui.

N'importe quoi ! songea-t-il. Tu es un scientifique : agis comme tel. Ce n'est qu'un truc de ton cerveau, une suite de réactions chimiques complexes. Depuis quand un objet peut-il donner la sensation d'être observé ?

Et pourtant, son regard fut encore attiré vers l'ourson. Ses pastilles de plastique brillaient, elles contrastaient par rapport au reste de la peluche, dans l'ombre du sac de Charlie. Et tout d'un coup, il l'aurait juré : il vit un éclair rouge, comme dans la ruelle.

Charlie ferma la fermeture éclair d'un coup sec.

Pas le moment pour ces conneries.

Il sortit son téléphone et essaya d'appeler Mary. La jeune femme avait beau connaitre les habitudes de Charlie, il était parti plus longtemps que la normale, il était vraiment temps de la rassurer.

Au bout de quatre sonneries, il bascula sur le répondeur.

- C'est moi. Écoute, je suis allé un peu loin, j'étais perdu dans mes pensées. Tout va bien, je rentre maintenant. Ne t'inquiète pas.

Il laissa passer quelques secondes avant d'ajouter, hésitant, « ... je t'aime ».

Il raccrocha et déposa un peu de liquide sur la table pour payer son café, hésita à remettre sa veste, la fourra dans son sac par-dessus la peluche en pensant qu'il pourrait croiser ce type à nouveau et sortit du café déterminé à rejoindre sa fiancée et oublier le reste.

Teddy BearWhere stories live. Discover now