-Et toi Nath? Tu es gay n'est-ce pas?
-Oui...
Bright est toujours allongé auprès de moi la tête surélevée par son bras. Je sens qu'il me regarde, mais je n'ose pas poser mes yeux sur lui. Je sais parfaitement l'effet que son visage et que son corps ont sur moi. J'ai beau essayer de combattre cette attirance physique que j'ai pour lui, elle n'a fait que se renforcer au cours de ces huit derniers jours. Et maintenant que nous commençons à bien nous entendre, l'envie de le toucher devient presque irrépressible.
-Et Julia?
-Julia est ma fiancée. Elle est très importante pour moi...
-Est-ce que tu l'aimes?
-Oui... À ma façon... Quand je l'ai rencontrée j'allais vraiment mal... Tellement mal que je me suis mis à la fréquenter avec comme objectifs de me servir d'elle et de la blesser. Mais finalement, elle m'a littéralement sauvé la vie et m'a aidé à avancer. Aujourd'hui, même si je sais que notre relation est en grande partie un mensonge, je veux être là pour elle et j'ai besoin d'elle auprès de moi.
- Elle t'a sauvé? Tu veux bien me raconter?
Est-ce que j'en ai envie? Cette partie de mon histoire est encore tellement douloureuse... Pourtant oui, j'ai envie de lui parler et de me confier. Je n'ai encore jamais raconté ça à personne mais ici, avec lui, je sens que je suis prêt.
-Nous n'étions ensemble que depuis quelques semaines. Un soir, elle est arrivée paniquée chez moi, parce qu'elle avait un mauvais présentiment et que je ne répondais pas au téléphone. Faut dire qu'à l'époque, dans ma sphère privée, j'avais vraiment beaucoup de mal à cacher mon mal-être. Son inquiétude a convaincu le gardien de la laisser entrer. Elle m'a trouvé inconscient, quasiment mort dans la salle de bain. Ce jour là, j'avais un peu trop bu et la dépression m'avait entièrement submergé. Je ne me rappelle pas de tout mais ce dont je me souviens c'est que je ne voulais plus sentir cette douleur, ce manque au creux de ma poitrine. C'était devenu insupportable. Pour arrêter ça, j'ai eu l'idée d'avaler ma boite d'anxiolytiques. J'avais conscience que ça me tuerait. C'était ce que je voulais...
-Merde, Nath!
-Je me suis réveillé après quelques jours de coma. Julia était là, avec ma mère. Elle s'occupait d'elle, la rassurait... Pas un seul moment avant d'avaler ces putains de pilules je n'avais pensé à ma mère et au chagrin et à la solitude qu'elle allait ressentir si je mourrais. Cette femme qui avait absolument tout donné et tout fait pour moi, j'allais la faire souffrir terriblement par pur égoïsme. J'ai regretté immédiatement mon geste et quand j'ai appris ce que Julia avait fait pour moi, je me suis promis de ne jamais la laisser tomber.
Sans que je ne la vois arriver, je sens la main de Bright se poser sur ma joue. Délicatement, sans prononcer un mot, il essuie une larme qui coule sur celle-ci. Son geste d'une infinie tendresse, je ne le mérite tellement pas! Je le repousse doucement...
-Tu sais, notre couple ne tient pas qu'à ça... J'y trouve mon compte moi aussi. Julia me permet d'afficher une vie respectable et rangée aux yeux du monde. Grâce à elle, ma vie est plus simple.
-Mmm... Est-ce qu'elle sait?
-Quoi?
-Que tu aimes les hommes?
-Noon! Evidemment non... Je ne lui ai jamais laissé voir cette partie de moi. Ni à elle, ni à personne d'ailleurs. Les seuls au courant sont mes amants. mais je me débrouille pour en trouver qui n'ont pas non plus envie d'exposer leur vie intime.
-Toutes ces années à vivre caché, sans pouvoir être toi même. Ça doit être tellement difficile. C'est ça qui t'a fait vriller et passer à l'acte?
-Oui et non. La vérité c'est que j'ai été amoureux une seule fois dans ma vie et malgré tous les efforts que j'ai fait pour l'oublier, je n'y suis jamais parvenu.
-Raconte moi...
-Il s'appelait Will. Il était coiffeur lui aussi, comme ton Liam! On dirait que les clichés sur les gays ne sont pas près de s'arrêter...
Ma réflexion déclenche le rire de Bright. Je tourne légèrement la tête vers lui et le regarde. Mon dieu, ses fossettes sont juste incroyables et son visage est tellement beau...
-Comment vous-vous êtes rencontrés?
-Sur le tournage de "Break curse" il y a environ six ans. Il était mon coiffeur attitré. J'ai eu tout de suite un énorme coup de foudre pour lui. Ses cheveux blonds, sa peau claire, ses yeux bleus, son corps mince. Il était tellement beau, drôle et charmant. Ça a été fou dès le début avec lui. Tellement passionnel! Tellement fusionnel... Il a emménagé presque aussitôt chez moi ! Au début on passait tout notre temps au lit! On était comme des animaux affamés l'un de l'autre... Vivre cet amour caché était tellement beau et excitant! Mais très vite on s'est rendus compte qu'on était extrêmement différents. On était jeunes. Lui avait envie de sortir, de faire la fête et de rencontrer des gens. Moi je n'avais qu'une idée, c'était de le garder enfermé près de moi. Pour ma part j'étais en pleine gloire et je ne pouvais pas me permettre de m'afficher en public avec mon coiffeur ouvertement gay. On a commencé à beaucoup se disputer. On se réconciliait chaque fois sur l'oreiller, mais sans vraiment trouver de solutions à nos problèmes. Après un an et demi de relation chaotique, on a eu une très sévère dispute. Une fois de plus il voulait sortir. Il voulait que je vienne avec lui. Je ne pouvais pas et je ne voulais pas non plus qu'il y aille. J'avais tellement peur qu'il rencontre quelqu'un d'autre. Quelqu'un de mieux que moi...
Bright acquiesce de la tête comme pour me signifier qu'il comprend. Je n'ai pas envie de continuer, pourtant les mots s'échappent de moi comme l'eau d'une cascade. Je ne peux plus m'arrêter de parler...
- Ce soir là, alors qu'il se préparait, je l'ai enfermé dans la salle de bain. Il tapait dans la porte et hurlait de toutes ses forces. Il m' insultait, me menaçait... Mais je n'arrivais pas à me résoudre de le laisser partir. Je ne pouvais pas. Il était à moi! Je le voulais pour moi seul!
Je peux voir le regard de Bright changer... Cette fois il ne me comprend plus... Qui pourrait comprendre en même temps! Je n'arrive pas moi même à savoir comment j'en suis arrivé à me dire que ça pourrait être une bonne idée. Peu importe... Je continue... J'ai envie qu'il sache!
-Au bout d'un long moment, il s'est calmé. On a discuté à travers la porte. Je lui ai dit à quel point je l'aimais et à quel point j'avais peur de le perdre. Il m'a rassuré. J'ai ouvert et on a fait l'amour. C'était tellement beau, tellement doux, tellement sensuel. Comme chaque soir ou presque, je me suis endormi en le serrant dans mes bras. Mais quand je me suis réveillé, le lit était vide. Je ne me suis pas inquiété tout de suite. Ses affaires étaient là...
-Il n'est jamais revenu hein?
-Non... Jamais!
Cette fois-ci, les larmes coulent sur mes joues sans retenue.
-Je l'ai cherché partout, mais je ne connaissais aucun des lieux qu'il fréquentait ni même où il travaillait! En plus d'un an, jamais je ne m'étais intéressé à ses amis, sa famille ou même à sa vie en dehors de cet appartement! J'étais tellement égoïste et centré sur moi, sur ma réussite, ma carrière! Il me l'avait reproché tellement de fois! J'ai fini par abandonner car finalement peu importe où il se trouvait, son unique but était de me fuir et il avait raison de le faire! Toi aussi tu devrais me fuir!
Le regard de Bright qui était perdu dans le vide pendant qu'il m'écoutait se réveille d'un coup. Il me regarde sans comprendre. Ses yeux noirs se posent dans les miens et une douleur intense se ravive au creux de ma poitrine. Je sais déjà que je le veux. Si je suis honnête avec moi même, je le veux depuis la seconde où les portes de l'ascenseur se sont ouvertes et qu'elles ont laissé apparaître son visage. J'ai eu beau lutter, l'imaginer être la pire ordure qui soit, je l'ai déjà dans la peau!
-Je ne suis pas quelqu'un de bien Bright... Je ne sais que faire souffrir les gens autour de moi. Tu devrais partir avant que je....
Doucement, son corps se redresse et se penche au dessus de moi. Ses yeux de félin sont plantés dans les miens. J'ai arrêté de parler et même de respirer. Le temps est comme suspendu. Et après quelques secondes qui m'ont semblé être des heures, sa main attrape délicatement l'arrière de ma tête et ses lèvres s'approchent de mon front pour y déposer un doux baiser. Son geste se veut amical et rassurant, mais à l'instant même où la douceur de sa peau entre en contact avec la mienne, je sais qu' il est déjà trop tard.
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