- C'est moi qui devrais te poser la question Alexandre. Tu es dans la section des tueurs ici au cas où tu l'aurais oublié, répondis-je en essayant de garder mon calme et de ne pas paniquer.
Bon sang mais qu'est ce qui m'arrivait dernièrement ? J'avais pourtant de grosses facilités à détecter les auras en temps normal. C'est d'ailleurs grâce à ça que j'étais toujours vivante à l'heure actuelle. Je ne comptais plus le nombre de fois où ce talent m'avait permis d'échapper aux chasseurs de primes et autres ennemis en tout genre de ma mère. Mais là, depuis que j'étais ici et que je côtoyais d'autres surnaturels 24h sur 24 j'avais perdu tout discernement. Je baissais beaucoup trop mes gardes. J'en avais déjà conscience pour être honnête, mais là c'était pire que ce que je pensais. Il fallait que je fasse gaffe, j'étais quand même en territoire ennemie. Je ne pouvais pas me permettre de l'oublier. Je m'avançais d'un pas essayant tant bien que mal de cacher derrière moi les runes. Je doutais qu'il puisse les voir en réalité, mais comme il était un Sakai le sous-estimer pourrait aisément être une très grosse erreur. Surtout qu'en plus ce n'était pas comme si je pouvais me payer ce luxe. Dans quelques dizaines de secondes la magie se serait évaporée et je n'aurais plus aucun souci à me faire de toute façon. Je devais seulement gagner un peu de temps. Comme à chaque fois que l'on se croisait, je résistais à l'envie de déployer ma magie. Il avait beau être à quelques mètres de distance, son aura, elle, était en train de s'agiter autour de moi glissant le long de mon corps et provoquant des picotements sur ma peau tel un gamin de 5 ans qui serait en train de me chercher. Je n'avais vraiment qu'une envie, déployer ma puissance pour lui faire peur et voir son aura se recroqueviller en lui. Je ne comprenais toujours pas comment il arrivait à avoir un tel contrôle sur son aura, mais cette histoire commençait vraiment à m'énerver. Pourquoi ne me laissait-il donc jamais en paix ?
- Le gymnase ne vous appartient pas. J'ai autant le droit d'y être que toi, répondit-il.
Il revenait d'une promenade dans les bois, ça se voyait comme le nez au milieu de la figure. Et pour cause, il avait les joues légèrement rosées en raison de l'effort et son t-shirt bleu avait une teinte plus foncée au niveau de son torse signe qu'il avait transpiré. En plus, il sentait la transformation et la sueur à des kilomètres. Je remarquais rapidement qu'il me cherchait des yeux, mais j'évitais prestement son regard. Je n'étais pas d'humeur pour une énième confrontation de ce genre. J'avais déjà ma dose à chaque cours d'histoire et c'était bien suffisant. Je soupirais puis tournais les talons. De toute façon, j'avais fini tout ce que j'avais à faire ici. Je doutais réussir à me rappeler d'autres détails ou encore à percevoir d'autres traces de magie. Et puis comme me l'avait conseillé Victoria, la panthère garou que j'avais rencontré sur la piste d'athlétisme et à qui j'avais à peine eu le temps de lui demander son prénom avant qu'elle disparaisse dans un nuage de fumée tellement elle courait vite, je devais me faire petite. Surtout aux yeux des têtes fortes des autres races surnaturels. Et Alexandre en faisait indéniablement parti....
- Viens.
Je m'arrêtais et me retournais juste pour être sûre de bien avoir entendu. A son air totalement sérieux et serein je compris que oui. Je rêvais ou il me prenait vraiment pour un de ses toutous personnels ? Il avait beau être l'Alpha des loups-garous de l'école, moi, je ne faisais pas partie de cette race. Et il était hors de question que je le laisse m'embêter plus que ce qu'il faisait déjà, ces petits copains loup-garou n'attendant qu'un geste de sa part pour venir me chercher des noises. Je ne comptais plus le nombre de fois où j'avais compris à leur regard que j'avais de la chance d'avoir du monde autour de moi. Même si bon la chance n'avait aucune incidence vu que je changeais toujours prestement de chemin dès que je sentais un de leur groupe s'approcher de moi.
- Non, répondis-je d'une voix forte et claire.
Il cligna des yeux interloqués par mon refus avant de se passer la main dans les cheveux. A ce même moment l'expression de son visage changea de tout au tout et ma colère retomba dans un gros flop. Pour la première fois depuis que je le connaissais il n'avait plus son regard hautain et distant. Non, bizarrement il paraissait juste géné et maladroit avec son regard rivé vers le sol. Et cette vision de lui me troubla énormément. Mais à quoi il jouait le loulou ?
- Viens. Je... Je vais te montrer un truc. Je ne te ferai pas de mal, je te le promets
Sans vraiment savoir pourquoi je revins sur mes pas et m'approchais, plus pour pouvoir étudier ce rapide changement d'attitude que par volonté de répondre à sa demande.
- Donne-moi tes mains, me dit-il une fois que je ne fus plus qu'à quelques centimètres de lui.
Je m'exécutais sans le lâcher du regard, trop obnubilée par l'expression inédite de son visage. Maintenant c'était lui qui n'osait plus me regarder en face. Même quand sa peau effleura la mienne pour venir saisir mon poignet, il garda les yeux baissés. Je sentis ses doigts caresser tout doucement le bout de mon poing à l'endroit exact de la jointure entre mes doigts et ma main. Je ne pus m'empêcher de noter que son contact était étrangement doux et précautionneux comme s'il avait peur que je me brise en 1000 morceaux au moindre juste brusque.
- C'est avec ça que tu dois frapper et le pouce toujours à l'extérieur. Et pour les pieds regarde, reprit-il, tu dois faire comme ça.
Il lâcha mon poignet et recula d'un autre pas avant de sautiller sur lui-même et d'asséner un coup de poing dans le vide. Il répéta plusieurs fois le mouvement exagérant son jeu de jambes. Je le regardais faire sans rien comprendre de ce qui était en train de se passer. Pourquoi Déesse me disait-il ça ? Je le savais déjà, c'est une des premières choses que monsieur De Belloy m'avait montrées. Et puis comment pouvait-il me conseiller sachant qu'il ne m'avait jamais vu me battre ? J'étais perdue.
- T'as compris ? me demanda-t-il en se redressant.
- Qu'est-ce que tu fais là Alexandre ? Pourquoi tu m'aides ? lui demandais-je en lui laissant à peine le temps de finir de me poser sa question.
A cet instant-là, il osa enfin me regarder de nouveau dans les yeux. Son regard noisette semblait totalement désarmé par ma question. Je n'avais jamais parlé à Alexandre avant aujourd'hui pourtant, à ce moment, j'eus l'impression de discuter avec une tout autre personne que celle qui me provoquait à chaque cours d'histoire en me fixant pendant des heures. Avec un tout autre Alexandre. Moins distant, moins hautain, moins froid et surtout plus sensible voire même vulnérable.
- Pourquoi pas ? répondit-il au bout d'un long moment.
- J'ignore pourquoi tu fais une telle fixette sur moi, mais sache que je n'ai jamais voulu m'attirer tes foudres. Alors laisse-moi tranquille Alexandre. Je suis sérieuse. Je ne veux pas avoir de problème.
A la base, son comportement ouvertement hostile et injustifié envers moi me tapait sérieusement sur le système. Et pour cause, en tant qu'Alpha, c'était un peu comme s'il disait à sa meute que je l'embêtais. Néanmoins quand j'ouvris la bouche pour lui demander d'arrêter mon ton fut très posé.
- Je ne veux pas que tu aies de problèmes, bégaya-t-il.
- Alors pourquoi tu me fixes du regard du début à la fin de chaque cours d'histoire ? pourquoi tu m'agresses avec ton aura à chaque fois que je suis dans les parages ? pourquoi tes petits copains loups semblent vouloir m'étrangler à chaque fin de cours qu'on a en commun ? Explique-moi, je ne comprends rien là.
J'avais beau reformuler la question un milliard de fois dans ma tête j'étais littéralement paumé. Pourquoi Déesse me fixait-il s'il n'avait aucun problème avec moi ? Pire, si en plus il ne voulait pas que j'aie de problème ! Je savais bien que les garçons avaient une logique bien à eux, mais là c'était à s'en arracher les cheveux.
- Ils ne te feront rien je peux te l'assurer, dit-il d'un ton soudain très menaçant.
- Vraiment ? Alexandre est-ce qu'il t'arrive de me lâcher du regard plus de 1 minute quand on est dans la même pièce ? Si oui je pense que tu devrais regarder les gens de ta meute.
Il cligna des yeux comme s'il avait enfin compris là où je voulais en venir. Déesse c'était pas trop tôt !
- Tu ne sais vraiment pas pourquoi je fais ça ? me demanda-t-il avec un sérieux qui me désarçonna de nouveau.
- Non.
Il ouvra la bouche avant de la refermer précipitamment. Comme tout à l'heure son expression faciale changea de tout au tout en quelques secondes. Le Alexandre de d'habitude était revenu et bizarrement je compris de suite, par l'expérience que j'avais avec ma mère, que c'était fini et que je n'aurais pas de réponse à tous ses sous-entendus qu'il avait fait et dont la signification m'échappait totalement.
- Bonne nuit Artémis, me dit-il avant de partir.