Chap 45 : Comment faire une mise au point avec sa mère ?

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Contrairement aux deux dernières réunions que nous avions eu avec ma mère, afin de discuter de mes avancées, j'arrivais grandement en retard cette fois ci. Et pour cause, en sortant du bureau de Miss Amélia tout à l'heure, j'avais décidé de prendre mon temps pour une fois et d'aller diner à la cantine. J'avais faim et je ne me sentais pas d'humeur pour louper un repas. En plus, je devais réfléchir. J'avais beau retourner la question dans tous les sens je ne voulais pas partir d'ici. Je ne voulais pas tourner le dos à ces quelques personnes qui avait confiance en moi et qui me voyait pour la première fois de ma vie comme un être bien distinct de ma mère. Alors même que j'étais en train de combler les quelques mètres qui nous séparait l'une de l'autre je n'avais toujours pas pris ma décision. Mais ce que je savais, c'était que pour la prendre je devais savoir certaines choses. J'entrais et les mots franchirent ma bouche avant même que la porte derrière moi ne se referme. Assise derrière son bureau, ma mère leva les yeux vers moi. A côté d'elle, je voyais déjà la pile de devoir qu'elle m'avait mis de côté et qu'elle voulait que je corrige.

- Pourquoi tu as besoin de l'Umbra vitae ? répétais-je de nouveau.

Elle avait profité d'un jour où tous les élèves restant de l'établissement se trouvaient en même temps à la cantine pour déclarer qu'elle avait besoin d'aide et que comme aucunes sorcières n'était resté pour les vacances, elle pouvait choisir une autre race. Et sans surprise, c'était sur moi que c'était tombé. Au moins comme ça, les élèves ne se posaient pas trop de questions face à mes aller-retours incessants.

- Je ne vois pas en quoi ça te concerne, déclara ma mère.

- Je suis bien ici. Je ne veux pas partir uniquement parce que tu veux compléter ta collection d'artefacts qui prend la poussière au grenier. Si c'est ça tu as déjà suffisamment de joujou.

Ma mère passait sa vie à voler des objets de toutes sortes : des grimoires, des artefacts ou même des armes. Mais d'aussi loin que je m'en rappelle, elle n'en avait jamais utilisé aucun. Elle se contentait juste de les stocker en lieu sur et ça s'arrêtait là. Après, elle se concentrait sur un autre objectif. Elle ne retournait même jamais dans son grenier pour faire autre chose que déposer une de ses nouvelles acquisitions. J'avais toujours trouvé ça bizarre mais bon, elle faisait ce qu'elle voulait. Le problème c'était que là elle m'impliquait directement.

- J'ai besoin de savoir, repris-je.

- On en reparlera quand tu auras trouvé un moyen de me rapporter la bague.

- Et si c'est déjà le cas ?

Ma mère posa son stylo et se pencha en arrière. Avec une mine étonnée, elle me somma de lui expliquer mon idée ce que je fis. C'était la seule manière de déjouer les protections magiques, j'en étais sûre. Et l'absence de commentaire de ma mère m'indiqua que j'avais raison et que mon plan, bien que risqué, tenez la route.

- Alors. Ça te convient ? Tu veux qu'on fasse ça quand ?

Un silence s'installa tandis que ma mère me fixait des yeux. Son regard était très étrange. Jamais elle ne m'avait regardé de cette façon.

- On est le combien aujourd'hui ? finit-elle par dire avec une voix roque.

- Le lundi 5 mars.

- 3 semaines. Tu as mis 3 semaines pour trouver un moyen de voler cet artefact.

- C'est mon premier coup d'essai et tu ne m'as pas donné la tâche la plus facile, me défendais-je. Toutefois ça ne change rien à ce que je t'ai dit tout à l'heure. Je veux des réponses.

- Tu n'es pas prête.

C'était ça le problème. A ses yeux je n'étais jamais prête pour rien. Mais comment se préparer à être prête à quelque chose qu'on ignorait ? J'en avais vraiment marre de ces réponses floues et de ces zones d'ombres. J'aimais ma mère mais je ne voulais plus la suivre dans la direction qu'elle emprunter.

- Sans réponse je ne ferais rien. Et tu sais que pour mettre en place ce plan tu as indéniablement besoin de moi.

- Pourquoi maintenant ? me demanda-t-elle.

- Parce que j'ai enfin un semblant de vie.

J'avais enfin ce que j'avais toujours souhaité. Un semblant de vie normal. J'allais à l'école, je sociabilisais avec des gens de mon âge et je me faisais embêter par d'autre.

- Tu te plais ici ?

- Oui. Je crois.

- Et tu veux rester ?

- Oui, affirmais-je cette fois ci d'une voix claire et posée, ça j'en étais sûre.

Ma mère soupira. Pourtant elle ne semblait pas si contrariée que ça. Pas du tout en fait. Elle reprit son stylo en main et tourna la feuille sur laquelle elle était en train d'écrire pour en prendre une autre encore vierge de toutes corrections.

- Très bien. Reste. Je trouverais un autre moyen où tu n'auras pas besoin d'agir et comme ça tu pourras rester.

Je restais quelques instants ébahis. Venait-elle vraiment d'accepter mon choix ? De toute ma vie, je crois que c'était bien la première fois qu'elle me laissait le choix et qu'elle ne m'obligeait pas à la suivre dans ses combines.

- Et toi ? m'enquis-je alors qu'elle avait déjà fini de relire la copie et qu'elle dessinait un énorme 6, entouré en rouge.

- J'ai autres choses à faire que de m'occuper de petites ingrates sans respect pour la Déesse.

- Tu vas me laisser seule ici ?

- N'est ce pas ce que tu voulais ? Rester, rétorqua -t-elle tandis que mon cœur s'était mis à accélérer.

- Oui mais pas tout seule. Et s'il découvre qui je suis ?

- J'espère pour toi alors qu'ils sont à la hauteur de l'affection que tu leur portes et qu'ils ne se serviront pas de toi pour essayer de m'attirer. Parce que je ne viendrais pas.


Surnaturelle, tome 1: SAVOIROù les histoires vivent. Découvrez maintenant