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l'amour est une drogue ; ça donne des ailes pour nous faire tomber de plus haut ❞

Le médecin disait lui avoir administré un peu d'opium pour lui éviter les symptômes de l'empoisonnement. 

 — Docteur... Doublez la dose s'il vous plaît. 

 Il leva la tête de sa mallette et lui jeta un regard comme si elle était folle avant de partir sans même lui répondre. Quelle enflure. 

Elle était en manque. Au fond de la pièce il y avait William. Il fixait un point invisible depuis la fenêtre. Les ternes rayons du soleil donnaient une teinte grisâtre à ses cheveux blonds. Ses mains étaient grandes. Des mains de pianiste. Entre ses longs doigts osseux fumait une cigarette à peine calcinée.

Il la portait à intervalles réguliers jusqu'à ses lèvres roses, et c'était comme une mélodie pour le regard. Son air soucieux et ses yeux dans le vague semblaient le rendre plus beau que jamais.

Cleo réajusta les draps sur son corps et s'enfonça dans le lit, recroquevillée. 

— Tiens.

Elle releva la tête. Il lui tendait son joint le plus naturellement du monde. Elle l'accepta, non sans un regard de travers, et aspira d'un coup. Ça lui faisait déjà du bien.

Lui s'installa sur le sofa, dans la ruelle du lit. Il commença à la fixer de ces yeux qu'elle ne connaissait pas encore par cœur, mais dont il lui arrivait — souvent — de rêver durant ses nuits agitées.

— Ta mère est morte hier.

Silence. Il fallait une réponse.

— Ah ?

Elle trouva difficilement une réaction à présenter. Puis elle ajouta :

— C'est malheureux.

Le calme reprit son envol et se mit à tourner dans la pièce, lentement, comme un pélican monochrome. Elle voulut lui rendre le joint. Il lui fit signe de le garder, alors elle l'écrasa dans le cendrier posé sur la table de chevet.

— Pourquoi suis-je là ?

William croyait qu'elle ne lui poserait jamais cette question, pourtant fondamentale. Mais c'était le sergent Edwards, il commençait à assez la connaître pour pouvoir dire qu'elle n'agissait jamais comme on s'y attendait.

— Tu es chez nous.

C'est vrai qu'ils étaient mariés à présent. Cleo analysa la pièce. Cet appartement était plutôt luxueux. Ça ne l'étonnait guère, William venait d'une famille aisée après tout.

Elle jeta un œil à sa main gauche. À la place de l'alliance qu'elle avait enfilée, une trace violacée entourait son annulaire. 

— Ah oui, j'oubliais, dit William.

Il plongea la main dans la poche de sa veste et en sortit un écrin. Puis il s'agenouilla au pied du lit et l'ouvrit. Un anneau d'argent tout simple y siégeait. Cleo ricana.

— Vous comptez me refaire votre demande ?

— Et pourquoi pas ? Notre union était bien trop catastrophique pour pouvoir nous considérer comme vraiment mariés.

Ils fixèrent l'écrin un moment tous les deux. Puis au bout de quelques secondes, William le referma en secouant la tête.

— Tout bien réfléchi, je referai ma demande plus tard. Assure-toi d'y répondre sincèrement lorsque je me lancerai.

Cleo le considéra avec curiosité.

— Pourquoi ne pas le faire maintenant ?

Il sourit et rangea la bague à sa place.

— Parce que tu n'es pas encore amoureuse de moi, Cleo. Ça ne va pas tarder, fais-moi confiance.

Sur ces mots, il déposa un tendre baiser sur le front de la jeune femme, puis sortit de la chambre en refermant derrière lui.

-héroïneWhere stories live. Discover now