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excuse-moi, je t'aime, c'était imprévu 

Le cœur humain est une bien étrange machine. Les scientifiques disent qu'il lui suffirait de 0.2 seconde seulement pour tomber amoureux. 

 William se demandait quand est-ce qu'il avait vécu ce cinquième de seconde. Était-ce durant la nuit qu'ils avaient passé ensemble ? En voyant Cleo dans sa robe blanche ? Ou lorsqu'elle s'était effondrée devant lui, désireuse d'en finir une fois pour toutes ? Il n'en savait rien. 

Tout ce dont il était sûr, c'était qu'il avait envie de la sortir de là. Cet amour qu'il ressentait pour elle le surprenait, d'autant plus qu'il n'avait absolument rien de bienveillant. Son but n'était pas de l'aider à prendre un nouveau départ, de guérir, ou d'apaiser son cœur gangréné au risque de gâter le sien. Non, il voulait l'observer de plus près. De bien plus près. Elle était comme un parfait objet d'étude pour un sociopathe avancé.

Et là, dans ses bras et inanimée, elle était bien assez près. Mais il fallait avouer qu'il n'y a jamais grand-chose à observer chez une morte. 

 « Lawrence, vite, donne-moi l'antidote. » 

 Le dénommé Lawrence était un beau jeune homme aux airs studieux. Ses lunettes à fine monture accentuaient cet aspect sérieux chez lui, et ça lui valait immédiatement le respect des gens. Il était apprenti pharmacien et meilleur ami avec William. 

Une petite mallette sous le bras, il se pressa entre les invités jusqu'à l'autel où les deux amants se tenaient. William prit alors la situation en main. Vérifiant le pouls de sa belle, il se saisit de la seringue tendue par Lawrence qui l'avait soigneusement remplie d'antidote au préalable. 

 « Vous trouvez donc si affreux le fait de m'épouser ? pour vouloir nous quitter ainsi sans même passer au buffet. » Lui souffla-t-il bien qu'elle ne put l'entendre.

Et il lui injecta le remède dans le bras. 

 « — Les toxines devraient être neutralisées d'ici une heure, assura Lawrence. 

 — Pas si on lui laisse cette chose au doigt. » 

 L'anneau fut retiré. Et William fixa son regard sur l'autrice de toute cette histoire. La belle-mère était blême, presque au bord du malaise. 

 « Arrêtez cette femme ! » cria un homme en uniforme à l'entrée de la pièce. 

 William et Lawrence avaient déjà tout anticipé ; on ne pouvait tromper la vigilance d'un inspecteur de police aguerri et de son meilleur ami à l'intelligence surdéveloppée. La concernée paniqua. Ses yeux paraissaient plus vitreux que jamais et ses paupières plus tombantes qu'à l'accoutumée. Déboussolée, elle se mit à jouer des coudes jusqu'à ce qu'elle ait atteint le rebord de la fenêtre. 

Alors qu'un des policiers fondait sur elle à la manière d'un vautour, elle trébucha sur sa robe et tomba, ou sauta, on ne sut pas vraiment. L'assemblée cria. L'agent stoppa sa course. Ils étaient au troisième étage. On entendit un bref cri, puis un bruit de chute, et puis plus rien. 

On se baissa à la fenêtre. Elle était tombée sur la tête ; son sang s'étalait doucement autour d'elle en une mare noirâtre qui reflétait les rayons du soleil. 

 William redirigea quant à lui son attention sur son épouse. Elle grimaçait sous l'effet de la fièvre, inconsciente. 

 « Voilà un scénario qui me plaît bien mieux que celui auquel tu voulais nous mener, Cleo. »

-héroïneWo Geschichten leben. Entdecke jetzt