Chapitre n°11: 1942:

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L'air de 1942 ressemblait à un étrange mélange entre celui que Chloé connaissait en 2018, et celui auquel elle s'était habituée en 1914. Il était à la fois pur et légèrement pollué. La jeune femme ne put s'empêcher de faire le parallèle entre ce moment et celui qu'elle vivait lorsqu'elle descendait du train à la gare de Toulouse quand elle se rendait à la fac : elle avait l'impression de découvrir un nouvel air, que ses poumons apprenaient à respirer autrement. Elle posa ses yeux sur l'horizon, et fut contente de voir qu'il restait encore des champs, et qu'elle pouvait voir, depuis le perron du Manoir, la pointe de l'Hôtel de Ville. Loin à l'Est reposaient fièrement les ponts surplombant la Vienne. Elle prit une grande inspiration et descendit les marches qui menait jusqu'au portail de la propriété, le passa et s'engagea dans cette nouvelle ville. Elle fut surprise de découvrir que certaines rues n'avaient pas changées et que certains bâtiments gardaient le même charme que dans l'ancien temps. Elle s'amusa à déambuler dans la ville, allant de la place Jourdan à celle de la République, passant par le parc qui longeait la rivière. Bien évidemment, elle suivait le conseil de Martial et empruntait un maximum de petites rues. Malheureusement, elle avait un doute sur sa discrétion, son unique habit étant une robe bleu clair. Cependant, elle fut surprise de découvrir parmi les autres habitants des couleurs tout aussi surprenante que la sienne, aussi jugea-t-elle qu'elle devait se fondre suffisamment dans le décor pour passer inaperçu.

Elle observa la mode vestimentaire, et vit que celle des hommes était au chapeau et au costume croisé. Les femmes portaient quant à elles des tenues plus courtes que ce à quoi Chloé s'était accoutumée en 1914, les robes arrivant au niveau des genoux. Souvent les plus élégantes arboraient des gants et des chapeaux assortis à leurs tenues.

Chloé observa aussi les quelques innovations technologiques notables, comme les voitures, beaucoup plus nombreuses et classieuses qu'en 1914. La jeune femme observa également un élément qu'il lui était arrivé de remarquer parfois en 1914 : le tramway de la ville était bien plus présent qu'auparavant. Il semblait désormais capable de transporter une trentaine de personnes. Souriant de toutes ses dents, la voyageuse arriva enfin au Nord de la ville, là où se trouvait l'usine indiquée par Martial.

Quelle ne fut pas la surprise de Chloé que de voir que ladite usine se trouvait proche de la gare des Bénédictins, exactement comme en 1914. Cependant, elle était beaucoup moins éloignée désormais, et les deux bâtiments pouvaient facilement se rejoindre à pieds en quelques minutes.

La jeune femme se présenta à l'entrée, surveillée par deux gardes. Dans un premier temps, ils refusèrent de la laisser entrer, mais quand elle mentionna le nom que lui avait donner Martial, les deux hommes laissèrent la jeune femme passer et lui donnèrent même du « mademoiselle », ce qui n'était pas pour déplaire à la jeune femme.

Lorsqu'elle pénétra dans le bâtiment, elle fut assaillie par de nombreuses odeurs qui lui étaient désormais familières, car elles ne les avaient quittées que quelque mois auparavant après tout. L'odeur de l'usine, de la poudre, du métal des obus, tout ceci lui rappela la petite usine qu'elle avait l'habitude de côtoyer en 1914.

Elle resta cependant sans voix face à l'imposante chaine de production disposée sous ses yeux. Près de quatre-vingts personnes s'attelaient alors à la fabrication, et la jeune femme eut même du mal à remarquer les trois hommes musclés comme des bœufs qui transportaient les caisses de munitions jusqu'à l'arrière d'une fourgonnette.

- Impressionnant, n'est-ce pas ?

Chloé pivota, surprise d'entendre à nouveau cette phrase, se tourna vers son interlocuteur. C'était un homme grand, aux épaules carrées. Il avait un visage émincé, aux imposantes pommettes. Il arborait un costume droit impeccable sous lequel se trouvait un gilet sur lequel pendait une petite chainette, trahissant la présence d'une montre à gousset. Sur sa main gauche, soutenue par une canne au pommeau représentant une tête de lion, se trouvait une magnifique chevalière en or gravée d'un emblème que Chloé ne parvint pas à reconnaitre. Peut-être était-ce une tête de loup dans un cercle.

L'avenir au passé, Tome 1Where stories live. Discover now