|| Chapitre 4

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"Nothing's gonna change my love for you
You oughta know by now how much I love you
The world may change my whole life through
But nothing's gonna change my love for you"

Fredonne t-elle en montant le son de la radio. Ian sourit et la guette du coin de l'œil, tenant le volant d'une main pour enlacer la sienne.

- Depuis quand t'écoutes du George Benson ?
- Hm... bonne question.

Remarque t-elle en retroussant son menton.

- Tu sais quoi ? La dernière fois que j'ai écouté cette chanson, c'était à l'anniversaire de Noah.
- Noah... Noah Kim ?
- Ouais, ton junior de l'université.

Précise Nayara en posant un œil insistant sur le visage d'Ian qui se veut concentré sur sa conduite. Elle sait très bien où peut mener cette conversation, et elle compte y arriver.

- Kim Noah... ça remonte à longtemps, l'université... tout ça.

« Tout ça »

Naya devine qu'en résumant ses longues années d'université à « tout ça », Ian espère éviter le sujet sur lequel elle souhaite, justement, poser le doigt depuis longtemps : Liyah Izis Ali.

- Moi, je m'en souviens comme si c'était hier, toutes ces fois où je l'ai chantée avec Liyah. C'était sa préféré, cette chanson.
- Oh, je vois.

Déclare Ian en plissant les yeux, d'ors et déjà mis à mal par cette conversation. Naya ne fait pas attention à son expression et poursuit.

- Est-ce que... parfois... tu penses encore à Liyah ?

Geste technique.

- Liyah... Liyah Ali ?

Ce prénom lui fait froncer les sourcils et accélère les battements de son cœur, sans raison apparente.

- Hm. Liyah Ali.
- Ça fait quoi... quatre ans qu'elle est rentrée à Singapour ? Je crois que... j'ai presque plus aucun souvenir de... nous deux.

Hésite t-il en relâchant la main de Nayara pour frotter nerveusement sa nuque.

- Oh... vraiment ?
- Ouais. Et de toute façon, la seule chose dont je veux me souvenir de l'université, c'est de toi.

Déclare t-il en manœuvrant pour garer sa voiture devant une petite maison moderne et symétrique.

- Arrête.

Ordonne t-elle en lui donnant une tape sur l'épaule en riant. Ian ronronne en détachant sa ceinture. Il sort de la voiture et libère un énorme soupire, le cœur encore noué d'angoisse par cette discussion. Pourquoi est-ce que son corps réagit toujours de la même manière lorsque le prénom « Liyah Ali » se fait entendre ? Et pourquoi est ce que... ce prénom le met tout aussi en colère ?

- Bae.

L'interpelle soudainement Nayara. Il reprend rapidement ses esprits et contourne la voiture pour lui ouvrir la portière. Alors que Naya sort à son tour, une voix grave les surprend.

- Alors les futurs mariés, c'était comment cette visite ?

Ian se retourne sur son grand frère, et passe une main dans le bas du dos de Nayara.

- Je pense qu'on a trouvé l'endroit parfait, n'est-ce pas Naya ?

Elle hoche la tête en se blottissant contre son torse.

- 'Eurk.

Plaisante t-il en se couvrant les yeux. Ian se met à rire puis remarque le casque qu'il tient dans sa main.

- Tu vas quelque part ?
- Hm, à une expo'.
- Ah, okay. Tu veux que je t'accompagne ?
- Nan merci.

Refuse t-il en détournant le regard. Ian sait qu'il déteste le fait de se sentir comme le « petit frère » du haut de ses vingt-huit ans. Mais il ne peut s'empêcher de s'inquiéter pour lui depuis l'incident survenu il y a quelques mois.

- Bonne expo' alors.

Lui souhaite Naya en faisant un signe de la main, le visage fermé. Il sourit, puis s'éloigne en enfilant son casque de moto. Ian jette un œil à Nayara qui se dirige seule vers la maison. Il se doute déjà des reproches qu'il s'apprête à recevoir, mais décide de se taire pour profiter de ce dernier instant de calme avant que la tempête Naya ne frappe.

clac.

Aussitôt que la porte se referme, Naya jette son sac à l'entrée et se dirige vers la cuisine. Elle prend un verre d'eau en posant une main sur sa hanche, et se retourne vivement vers Ian, qui baisse d'ors et déjà la tête.

- Tu peux pas continuer à être aussi laxiste avec ton grand frère ! Je sais que récemment il a eu des problèmes et que c'était compliqué pour lui. Mais Blue est un grand garçon, tu ne penses pas ? Tu trouves ça normal qu'il soit encore ici alors qu'on va se marier ?
- Naya, du calme.
- Non je vais pas me calmer ! J'ai rien dit pendant les deux ans où il a vécu avec nous, mais là, Ian. Je ne sais pas si tu réalises. On a passé une super journée, chaque jour notre mariage devient de plus en plus réel à mes yeux, mais dès qu'on rentre dans notre maison... je me souviens qu'on est plus seul comme on l'était avant.

Ian passe une main dans ses cheveux et ferme les yeux en soufflant lourdement.

- Qu'est ce que tu veux que je fasse, Naya ? C'est mon frère.
- Et alors ? Je suis rien pour toi ? Tu ne peux pas lui dire d'aller vivre ailleurs, pour moi ? Nan, pour nous ?
- Ce n'est pas ça. Tu sais que ce n'est pas ça. Je t'aime et ça ne changera pas. Mais c'est... compliqué, Naya.
- Pourquoi tu ne lui proposes pas d'habiter chez ta mère ?
- Je t'ai déjà expliquée pourquoi.

Naya esquisse un sourire. Ce genre de sourire qu'Ian connaît plus que bien. Ce genre de sourire cynique qui annonce un ultimatum.

- Tu me dis toujours que tu veux fonder une famille avec moi. Que tu m'aimes et que c'est pour ça que tu voudrais qu'on ait un enfant. Si c'est vraiment ce que tu veux, débrouille toi pour qu'on ait un vrai foyer pour notre famille.

Et c'est ainsi qu'elle cogne bruyamment son verre d'eau encore plein sur le comptoir, et bouscule Ian pour quitter la cuisine. La lourde atmosphère retombe brusquement sur Ian qui peine à essuyer cette pluie de reproches. Il attrape le verre et le jette violemment sur le sol.

cling.

Ian contemple un instant les morceaux de verre éparpillés sur les carreaux nacrés, et esquisse un triste sourire. Ces morceaux de verre, c'est un peu son histoire avec Nayara. Une magnifique sculpture en verre qui peut à tout moment se briser en des milliers de petits cristaux, et rester tout de même magnifique.

Et cette sculpture, c'était eux. Hong Ian et Nayara Moraes.

Ils auront beau se déchirer, leur amour restera pure à leurs yeux. Ian se contentera chaque fois de penser son cœur avec de petits pansements. Donner encore plus d'amour à Naya est le seul remède qu'il a trouvé. Sa seule crainte, chaque jour, est que ce remède s'épuise.

- Tiens.

Souffle t-il soudainement en se souvenant d'une chose. Il glisse une main dans sa poche et se tape le front en réalisant qu'il a oublié de rendre le pendentif à la propriétaire de la salle de mariage. Il l'extrait de sa poche et l'élève devant ses yeux, la contemplant une nouvelle fois.

« 2014.11 »

Lit-il sur la plaque militaire abîmée. Sa main se met brusquement à trembler, et son esprit s'échauffe.

Non, ça ne peut pas être elle, se dit-il.

Non, ça ne doit pas être elle, rectifie t-il.

- Liyah... Ali ?

KAMI || DPR LIVEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant