Chap. 16 : Le sourire idiot de Rico

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Elle n'avait rien de ce qu'on appelle une grand-mère. Là où vous attendiez des cheveux blancs noués en chignon, ils étaient rouge feu et ébouriffés. La canne ? Elle n'en n'avait pas besoin et se déplaçait encore plus facilement qu'une ballerine, aérienne et éthérée. Ses yeux reflétaient l'intelligence d'une femme qui avait mené sa vie tambour battant, sans jamais épargner ses proches de son trop-plein d'énergie et d'insolence. Son regard pouvait se faire glacial si vous la provoquiez, mais pour moi, elle n'avait que d'immenses ressources de tendresse. J'avais de la chance: elle avait été impitoyable avec tous ses petits-enfants, sauf avec moi, sa "petite reine" disait-elle. Officiellement, je ne savais pas trop pourquoi. Officieusement, j'avais bien conscience qu'elle s'était sentie flattée de pouvoir dire à ses amies qu'elle avait une petite-fille architecte. Car elle n'avait pas fait d'études, en souffrait terriblement et projettait son complexe sur ses proches... à tel point qu'elle avait pensé déshériter ses deux autres petits enfants, qui avaient eu le malheur, à ses yeux, de ne pas obtenir leur Bac.

Dès que je l'aperçus, j'eus envie de me précipiter dans ses bras. Voir ce visage bienveillant et amical, après tout ce que j'avais vécu ces derniers temps me donna le vertige. Tout à coup, j'avais l'impression que se trouvait ici la réponse à toutes mes questions, et notamment à la principale : comment retrouver la joie de vivre. Ici, en famille, semblait la solution toute trouvée.

Elle s'avança vers moi de son pas léger et m'embrassa avec vigueur. Je me sentis comme une poupée de chiffon entre ses bras, tant j'avais perdu de forces au cours de mon burn-out. Elle me proposa un verre de thé glacé maison et nous le dégustâmes face à la mer.

- Je t'avoue que je ne comprends pas vraiment ce qu'il s'est passé ...Tu travaillais trop, c'est ça ?

- C'est ça...Je travaillais beaucoup, je n'en retirai aucune reconnaissance, bien au contraire, et mon salaire stagnait et puis tu sais Miguel...

- Ah oui, mais que devient le charmant Miguel ? Toujours aussi fou de toi ?

- Nous nous sommes séparés.

 - Ah...

Assise en face de moi sur l'un des quatre fauteuils en rotin blanc qui meublaient la vaste terrasse, elle essuya négligeamment de son index les gouttes de condensation qui perlaient sur son verre de thé. 

- Il n'était pas celui qu'il me fallait. Il était très égoïste, j'ai fini par m'en rendre compte.

- Bon, c'est ton choix ma chérie... Mais, excuse-moi si je me mèle de ta vie, tu sais que c'est pour ton bien, dis-moi : si je comprends bien tu n'as ni travail ni relation stable à l'heure où nous parlons ?

Je soupirai. Elle ne pouvait pas mieux résumer la situation. J'opinai de la tête en détournant mon regard vers le large.

- Bon eh bien, il va falloir remédier à tout ça alors ! s'exclama-t-elle avec un large sourire. Et on commence maintenant....Que dirais-tu d'aller te baigner avec Rico ? Tu vas voir, la mer est délicieuse cet été. Hier soir aux infos, il ont dit qu'elle serait à 25 °C toute la semaine... ça va te faire un bien fou. Rico ! Rico ! Rico !

Elle se mit à hurler comme je ne l'en aurai jamais cru capable. A peine quelques secondes plus tard déboula le drogué aux cheveux paille qui m'avait ouvert la porte. 

- Oui m'dame ? A vos ordres m'dame ! 

- Emmène cette ravissante jeune fille, qui se trouve être ma petite-fille préférée, se baigner. Tu as apporté un maillot, n'est-ce pas ?

- Oui, bien sûr !

- Alors mes enfants, allez-y et profitez-bien ! De mon côté, je vais reprendre ma petite sieste...

Je levai les yeux vers Rico. Il me sourit d'un air complètement stupide. J'étais dans de beaux draps.

J.F cherche bonheur, désespérémentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant