Chap.8 : En ébullition

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En début d'après-midi, mes parents sont venus me rendre visite. Heureusement, j'avais repris quelques couleurs et surtout l'usage presque complet de mes jambes et de mes bras. Ils ne vacillaient plus quand je les sollicitais et ce fut le premier grand soulagement de mon séjour à l'hôpital. Le second fut de voir les visages rassurants et compatissants de mon père et de ma mère, qui, prévenus par Miguel, étaient venus le plus rapidement possible. Tous les deux à la retraite, ils avaient choisi de s'exiler dans le 94, dans une maison de banlieue des plus ordinaires. Ma mère avait cependant créé un jardinet à l'anglaise qui conferait un charme fou à l'ensemble.

Mon père avait visiblement eu très peur. Toujours discret, dans la vie et dans l'expression de ses sentiments, il ne manifestait que très rarement ses joies, ses peines, ses enthousiasmes ou ses déceptions. Pourtant, là, assis sur le fauteuil en simili cuir vert de la chambre, son dos semblait se courber sous le poids du souci que je lui avais causé. Pendant que ma mère rangeait fébrilement les affaires de rechange qu'elle m'avait apportées, mon père me lançait des regards inquiets. Je finis par lui adresser la parole, lasse qu'il ne la prenne pas.

- Pa..pa...Ne t'en fais pas ...Ils disent que c'est psychologique...que je suis juste fatiguée... c'est rien...

J'avais du mal à trouver mon souffle entre chaque mot, mes phrases étaient hachées et ma voix si ténue que mon père dût se rapprocher pour entendre ce que je disais.

- Alix, qu'est-ce qui ne va pas ? me demanda ma mère. En m'entendant parler elle était sortie précipitamment de la salle de bain pour s'asseoir sur le lit, à côté de mon père." Enfin, je veux dire...les médecins nous ont parlé de dépression. Mais tu es si heureuse...Enfin, je crois, non ? 

Je les regardai, sans réponse valable à leur donner. Des larmes embuèrent mes yeux, sans que je sache pourquoi, encore une fois. Heureuse. Oui, bien sûr, j'avais tout pour être heureuse. Mais quelque chose clochait depuis un petit moment, déjà, je le sentais. Le médecin avait parlé de stress professionnel. D'instinct, je savais que c'était ça...

Pourtant, j'aimais tellement mon travail ! Depuis le jour où j'avais obtenu ma promotion, j'avais le cerveau en ébullution. Je passai mon temps à planifier mes tâches à la minute près afin d'être efficace à 100%. C'est ce qu'on m'avait demandé : me donner à fond, pour peut-être, si j'étais à la hauteur, justifier une belle augmentation. J'avais des responsabilités de senior , un salaire de junior et les dents qui rayaient le parquet. Comment cela avait pu finir comme ça ...allongée sur un lit d'hôpital ?

Cette situation ne pouvait pas durer de toutes façons : il fallait que je reprenne le travail au plus vite. J'allais prendre du retard sur les clients les plus importants de Bravo & Associés et ce n'était tout simplement pas acceptable...je risquais d'être virée !

Marlène Brunn, la directrice, détestait qu'on la déçoive.

J.F cherche bonheur, désespérémentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant