Chap.11 : Le goût de la vie

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Miguel avait finalement quitté l'appartement sans un mot, ses valises à la main, ses cartons jonchant le couloir de l'immeuble. Deux de ses potes étaient venus l'aider à déménager ses affaires. Je les connaissais bien, mais ils ne m'adressèrent pas un mot. A peine me jettèrent-ils un regard. 

Il s'était passé deux semaines depuis la scène de la voiture. Après lui avoir dit que je le quittais, j'avais finalement fondu en larmes. Il m'avait serré la main et nous étions rentrés sans rien dire à l'appartement. Il avait voulu faire l'amour, passant une main sous mon chemisier, glissant l'autre dans mon jean. La chaleur de l'été naissant et la voiture sans climatisation m'avait laissée en sueur. Je me dégageai de son emprise et allait m'enfermer dans la chambre.

Et puis...les jours passèrent. Apportant à chaque heure son lot de pleurs, de cris et, parfois, de réconciliation. Mais au bout du compte, Miguel partit. Et je le laissais faire.

Car plus le temps avançait, plus je redécouvrais les choses les plus simples de la vie et elles me faisaient oublier tout le reste.

Le goût de mon thé le matin. Un thé noir parfumé aux agrumes dont la saveur m'avait échappée ces derniers mois : je l'avais remplacé par du café noir et fort, pour tenir le coup. Mais je n'avais plus besoin de me forcer à "être à la hauteur" : je ne travaillais plus et je passais le plus clair de mon temps à me promener.

C'était le début de mois de juillet et il flottait un air de vacances dans la Capitale. Un jour, je m'étais réveillée avec un féroce besoin de glace à la pistache. J'avais vite enfilé un short et un débardeur, attrapé mon sac à main et j'étais sortie en trombe de chez moi. C'était la première envie que je ressentais depuis si longtemps !

La saveur douce de la crème glacée réveilla mes papilles, autrefois anesthésiées par ma dépression. Attablée chez Berthillon, le fameux glacier, la pistache explosa dans ma bouche, comme un feu d'artifice froid et sucré. Je renaissais.

Je m'étais ensuite baladée sur les quais de Seine et je n'avais jamais trouvé la ville aussi belle. Depuis que j'avais terrassé mon burn-out, chaque chose prenait une nouvelle saveur à mes yeux. Les couleurs étaient plus vives, les odeurs plus franches...tous mes sens étaient en éveil. La vitrine d'une boulangerie attira mon regard. Les brioches, les navettes, les pains étaient disposés à l'ancienne. Les gâteaux débordaient de chantilly et de fruits confits. J'entrai et choisissai un millefeuille, une tarte aux pommes et un Paris-Brest, que je dévorai dans la demi-heure suivante, reprenant ma marche solitaire. La chantilly du chou fondit dans ma bouche en un instant et ce fut le bonheur absolu.

L'une de mes promenades solitaires me conduisit plus tard aux abords de l'hôpital sans que je m'en rende compte. Au début, j'avais eu un petit choc en voyant la batisse imposante...que de mauvais souvenirs elle me rappellait ! Puis, petit à petit, le visage du Dr Rivière, Jonathan, me revint à l'esprit et me fit sourire. Il avait été tellement rassurant, tellement présent. En partant, j'aurais dû aller le saluer, mais je n'ai pas osé. 

Ce jour-là, en revanche, je me décidai à franchir le portail de l'hôpital pour tenter de le voir et surtout, de le remercier.

J.F cherche bonheur, désespérémentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant