Chapitre 2 : la femme fantôme

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 Depuis un peu plus d'une dizaine d'année, à chaque fois que la pleine lune apparaît dans le ciel, une petite fille dort cachée au fond des bois.

À présent, elle a grandi et s'approche de l'âge adulte. Étonnement, depuis tout ce temps, personne ne l'a jamais vu. Mais si quelqu'un passait par là, il serait envouté par une rare beauté. Elle a de longs cheveux d'un noir intense ornés d'une fine couronne de fleurs blanches. Son teint est d'un blanc éclatant qui dégage une faible lumière ; on ne saurait dire s'il s'agit du reflet de la lune ou si cette dernière émane de son corps. Pourtant, la couleur de sa peau n'est pas d'une particulière pâleur. Ses yeux clos dissimulent des yeux d'un bleu brillant aussi profond de la mer des caraïbes. Elle porte une robe bustier bleu ciel dont la jupe longe est si souple qu'on aimerait voir le vent la faire danser. Cette jeune fille a pour nom Ophélia

Comment une telle chose peut-elle passer inaperçue ? C'est parce qu'Ophélia dort parmi les lys blancs puisque ceux-ci, grâce à la lumière de la lune, la dissimule parfaitement aux yeux des quelques rares passant. Pas un seul ne s'est approché pour prendre le temps d'observer la beauté simple d'une fleur de lys sous la lune.

On pourrait penser que même en été les nuits sont fraîches, et qu'une petite fille ordinaire ne pourrait dormir avec un visage si paisible. C'est la vérité. Pourtant, depuis dix ans, dès que la lune se lève, elle est là. Fidèle au rendez-vous, malgré l'hiver, malgré la neige, les traits fins de son visage restent inlassablement détendus.

Ce soir est différent. Ophélia ne trouve pas le sommeil. Tout ce temps, elle ne s'est jamais autorisée à quitter les bois ; mais cette fois elle ne supporte plus de se sentir enfermée ni de se cacher. Elle saisit une cape noire et s'en recouvre pour dissimuler son apparence et sa robe peu commune.

Le bois est entouré par la ville. C'est le quartier des impotents. La rue est presque vide, les gens qu'il reste y dorment. Ils sont tous agglutinés au bord de la rue, contre des vieux bâtiments sales et abimés. Cela seulement pour être un peu plus protégé du vent et pour, en cas de pluie, pouvoir profiter du bout de toit qui dépasse à peine. Ici, seul ceux qui ont un peu d'argent ont la chance d'avoir un toit au-dessus de leur tête, mais ils ne sont pas si différent des gens qui sont dehors. Les habitants de cet endroit craignent les puissants et les puissants sont répugnés à l'idée de croiser des miséreux pareils.

Alors quand Ophélia passe dans cette rue, ce sont des regards terrifiés qui la suivent. Son cœur est rempli de compassion, mais elle sait qu'on ne peut pas faire grand-chose pour ceux qui refusent de l'aide par crainte. Alors elle détourne les yeux et continue de marcher. Soudain elle s'arrête. Un vieillard est à genoux, accroché au côté de sa robe. Il est affamé et semble désespéré.

- Belle dame, si vous êtes un fantôme, je vous en conjure, mettez fin à mes souffrances. Je ne souhaite rien de plus que la mort.

Sa pupille s'est dilatée. Elle ne s'y attendait pas. Avec calme, elle prend la main squelettique du vieil homme. Lorsqu'elle le regarda, l'homme ne savait plus quoi penser car cette attention était bien loin d'être emplie de dégoût. Elle semblait même aimer profondément les gens de son espèce. Lui qui tenait fermement le tissu n'avait pas conscience que sa main se relâchait lentement.

-Je ne peux prendre la vie d'un innocent. Je ne peux pas non plus effacer les épreuves que vous avez traversé. Moi qui ne peux ni guérir votre mémoire, ni remonter le temps, laissez-moi soulager vos souffrances.

L'homme senti sa vieille peau plissée retrouver un peu de son élasticité. Si ses cheveux n'étaient pas aussi blancs qu'avant on aurait pu croire qu'il avait rajeuni.

- Vous semblez tellement souffrir de la faim. Pardonnez-moi, je n'ai pas de nourriture, mais laissez-moi faire de mon mieux.

Aussitôt, les nutriments affluèrent dans son sang. Chaque partie de son corps retrouvait l'énergie dont elle avait besoin. Ce vieillard qui n'avait que la peau sur les os fut surpris de retrouver de la chair en lui. 

Quand elle fût partie, l'homme n'avait toujours pas compris ce qui lui était arrivé et si la rue entière n'avait pas été témoin, personne n'y aurait cru. La rumeur se propagea parmi les faibles. On l'appela "la femme fantôme".

La jeune fille sous la luneKde žijí příběhy. Začni objevovat