La Dame du lac

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Un matin, je m'observai, nue, devant le miroir.

De larges plaques violacées s'étendaient du bas de mes côtes jusqu'aux hanches. Un joli camaïeu de nuances bleuâtres ; cela ne faisait pas de doute qu'un inconnu dans la rue croirait à un passage à tabac. Toutefois, les marques se fanaient déjà grâce aux bons soins de Swann et mon visage était presque redevenu présentable ce qui était pour le mieux : Kaleb n'osait plus même croiser mon regard, ma simple proximité le torturant de ressentiment envers lui-même. Il avait tenté de me dissuader, je lui avais forcé la main sans songer aux conséquences.

Mes nuits étaient envahies par cette femme hurlante. Pas de sursaut ni de larme à mon réveil, la qualification de cauchemars ne semblait pas non plus adaptée. Ce « souvenir » n'évoquait rien en moi. Je voulais l'oublier mais lui ne semblait pas de cet avis.

Alors que je retournai dans ma chambre pour me vêtir, la porte s'ouvrit sans même que la personne n'ait pris la peine de frapper.

« Eden, est-ce que... »

Arthur s'interrompit brutalement. Quand il prit conscience de ma nudité, il retint sa respiration et claqua la porte dans son dos. La scène me laissa pétrifiée quelques instants avant que je ne décide que cela n'avait rien de dramatique. Après tout, l'épisode avait été trop rapide pour que quiconque n'enregistre le moindre détail. Et puis il s'agissait d'une erreur faite de bonne foi.

Je m'empressai de me vêtir avant d'aller frapper à sa porte.

« Arthur, c'est moi. »

La poignée tourna doucement et le jeune garçon m'ouvrit, du rouge jusqu'aux oreilles.

« Il n'y a pas mort d'homme. Tu t'en remettras ?

– J'aurai dû frapper.

– C'est vrai, penses-y la prochaine fois : on ne voudrait pas que ça devienne une habitude ! »

Cependant, Arthur avait remarqué mes hématomes. Sur sa proposition, nous décidâmes de nous rendre en ville à la recherche d'un fond de teint qui dissimulerait ceux toujours apparent : l'air de chien battu de Kaleb accablait la maisonnée toute entière.

Le temps était froid mais le soleil réchauffait les rues. Saint Andrew's Street, une rue commerçante à proximité de la maison de Benjamin, nous sembla l'endroit le plus prometteur. Cependant, les regards inquisiteurs des vendeuses en découvrant mon visage nous firent ressortir du magasin en quatrième vitesse.

La ville était étrange : à regarder trop longtemps les façades anciennes, il était aisé pour quelqu'un d'un peu imaginatif de faire un saut dans le temps. Mais l'effervescence qui régnait en bas, le son des voitures et l'ombre des cars touristiques ramenaient à une réalité moins plaisante.

Nous finîmes par atterrir dans un centre commercial. Je filai acheter deux chocolats viennois au café le plus proche alors qu'Arthur essayait des chaussures dans un magasin. En sortant du restaurant, une main se posa sur mon épaule et je sursautai. Un gobelet m'échappa mais quelqu'un le rattrapa avec adresse.

« Will !

– Heureuse de me retrouver, je vois.

Euphorique, osons le mot. Ta bonne humeur et tes trais d'esprit sont un régal de compagnie. »

Il jeta un coup d'œil autour de nous tout en me rendant le chocolat chaud rescapé.

« Kaleb t'accompagne ?

– Je suis avec Arthur. Et non, nous n'avons pas besoin de toi. »

Il s'apprêtait à asséner autre chose quand une voix féminine l'interpella :

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