Ressentiment

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Après le retour de mon père, je lui avait demandé si on pouvait passer une soirée tranquille, rien que tous les deux, comme au bon vieux temps. Malheureusement, le bon vieux temps est maintenant loin, révolu. Je me réfugiai dans ma chambre, prise d'une soudaine crainte: et si Odile avait recommencé? Non, c'était une statue. Elle ne pouvait rien faire. J'essayai de me convaincre, j'avais presque réussi, mais dès que je l'aperçut avec son petit sourire, tous mes efforts tombèrent à l'eau. Dans ma tête, tout s'embrouillait. Je devais garder la tête froide. C'était une statue, elle ne pouvait rien faire. De peur que mes craintes ne se confirment, je courus jusqu'au panier de Satan, où il dormait paisiblement. Soulagée, j'alla me préparer à dîner. Je ne pris pas la peine de demander à mon père s'il voulait manger, il était plongé dans ses papiers. Et dans ces moments-là, mieux vaut ne pas le déranger. Je mis à chauffer les carottes, et je me sentis comme observée. Comme si une force invisble me guettait, prête à bondir sur moi à tout instant pour s'emparer de mon corps. Paniquée, les mains tremblantes, je me retournai brusquement. Bien évidement, il n'y avait personne. Encore une fois, c'était mon imagination qui me jouait des tours. C'en était trop. C'était plus que ce que je ne pouvais supporter. Je n'éteignis même pas le gaz et courus dans ma chambre, dans l'espoir que Satan sentirait ma détresse et viendrait sur mes genoux pour se faire câliner. La chance n'étant toujours pas de mon côté, Satan dormait toujours. Il n'y avait personne pour supporter le poids de mes misères. Et en plus, j'étais fichée là avec une statue qui avait essayée de tuer mon chat! Je devenais vraiment paranoïaque. Comment une satue pouvait tuer un chat ? Je me répétai en boucle la même phrase: "ne la regarde pas, ne la regarde pas, ne la regarde pas". Pourtant, c'était inutile, voué à l'échec. Je serai obligée de la voir, à un moment ou à un autre. Je me disais que je devenais folle, que je perdais la tête. Seulement, dans un petit recoin de mon coeur, une voix me criait de m'enfuir. Bien sûr, je ne l'entendis pas. Et ce fût la plus grosse erreur de ma vie.

OdileOù les histoires vivent. Découvrez maintenant