XXXIX. Passer à l'acte

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La porte du garage se claqua violemment derrière Amélie qui venait d'en sortir. Elle fit quelques pas puis se tourna vers Eva qui attendait en silence devant leur prison improvisée.

- Personne n'a rien vu, dit Amélie avec colère, personne n'a rien entendu, ça signifie qu'il y a parmi vous des traîtres !

- Non Amélie.

Philippe venait de les rejoindre, suivi de près par Amir, Martin, Nicolas et Malcom.

- Cela signifie qu'il y a des gens qui pensent qu'il faut laisser une chance à Emma, reprit Philippe.

Amélie le foudroya du regard puis répondit :

- On ne parle pas de laisser une chance à Emma, mais de laisser une chance à toute une bande de pillards qui ont menacé notre vie à plusieurs reprises.

- On ne connaît pas leur... commença Martin.

- Ils ont massacré les chasseurs ! L'interrompit Amélie.

Un silence pesant s'installa, elle fit face à tout le monde, le regard passant d'un visage à l'autre tandis qu'aucun d'entre eux n'osait parler. Ils s'étaient réveillé brusquement le matin même puisque Eva avait surgit dans la maison pour annoncer que Phil n'était plus là. Les exclamations d'Amélie auraient réveillé n'importe qui.

Charlotte et Billy firent leur apparition dans le groupe qui s'était formé, suivis par les trois survivants qu'Emma avait ramené la veille.

- Vous devez comprendre que tout ce que je souhaite, dit Amélie d'un ton calme qui trahissait malgré tout un agacement certain, c'est la sécurité de ce groupe. Prendre des risques, c'est ce qu'il faut si on veut avancer. Mais prendre des risques dans ce nouveau monde ce n'est pas la même chose que dans la société dans laquelle on vivait. Avant, si on faisait une erreur, on pouvait réessayer le lendemain mais... Aujourd'hui, quand vous êtes sur le point de vous faire tuer ou de voir un ami mourir juste sous vos yeux... Je refuse de continuer à la vivre quotidiennement.

Amélie s'arrêta et baissa les yeux. Depuis le début de ce nouveau monde, les gens n'avaient cessé de mourir. C'était déjà le cas avant, bien sûr. Mais dorénavant, la mort était omniprésente. Elle venait les chercher d'elle-même, elle avait une forme, cherchant à leur injecter son doux dans les veines. Une vague d'images toutes plus horribles les unes que les autres apparut dans l'esprit d'Amélie. Des fusillades, des balles pénétrant des corps qui s'effondraient au sol... elle revit l'école, et ce jour où ils avaient tenté désespérément de faire changer de direction à la horde pour gagner du temps... Ce jour là ils avaient abandonné Fabrice à un sort bien funeste. Combien de survivants avaient dû choisir entre mourir de faim ou dévorés par les rôdeurs ?

- Il faut mesurer les risques, articula-t-elle difficilement, certains ne valent pas la peine d'être pris.

Malcom s'avança, forçant Martin à se décaler pour le laisser passer. Il se plaça face à Amélie et lui posa une main sur l'épaule.

- On s'en sortira, d'accord ? Dit-t-il d'une voix qui se voulait rassurante et apaisante.

Elle hocha la tête en le regardant dans les yeux. Il lui adressa un léger sourire puis se mit juste à côté de la jeune femme. Elle reprit son souffle et parla de nouveau d'une voix forte :

- On ne sait pas ce qui est arrivé, on ne sait pas dans quel état est Emma, on ne sait pas ce que feront les pilleurs dans les jours, heures ni même minutes à venir. En réalité, tout ce que l'on sait, c'est que Emma n'est plus avec nous et que son sort est probablement entre les mains des pilleurs. Nous devons donc agir.

Dans l'assemblée, le souffle d'un silence passa. Il était à peine midi et le temps était mitigé, le soleil réussissant à faire passer quelques rayons malgré les nombreux nuages. Emma était à la tête de l'opposition à Amélie. En son absence, la seule personne qui représentait l'ombre d'un danger était Martin. Amélie posa son regard sur lui. Le jeune homme avait baissé son regard vers le sol et semblait réfléchir activement. Les autres se contentaient de regarder Amélie silencieusement, comme s'ils attendaient la suite.

- Nous devrions attendre encore un peut, dit Philippe en avançant d'un pas. Emma pourrait revenir dans la journée.

- Philippe... dit Amélie dans un soupire. S'ils ont mis la main sur Emma, chaque seconde compte. C'est maintenant qu'il faut bouger, pas quand il sera trop tard.

- Et s'ils reviennent pendant l'expédition ? Dit-il. Tu y as pensé ?

Philippe semblait avoir un début d'énervement, même s'il faisait probablement des efforts pour le cacher. Les autres regardaient l'homme et la jeune femme tour à tour, en silence, comme s'ils assistaient à un combat de boxe qui déterminerait leur avenir à tous. Et en soit, ils n'avaient pas tort. Si Amélie faiblissait donnait raison à Philippe, elle perdrait en crédibilité. Maintenant qu'elle avait clairement fait connaître son envie d'agir vite, elle devait tenir sa position à tous prix.

- Alors nous ferons comme je l'ai déjà fais. Ils ne sont pas supposés savoir combien nous sommes, pas supposés savoir qu'une partie d'entre nous est en expédition. Il faudra gagner du temps jusqu'à ce que l'équipe revienne. Et là on pourra mettre fin à tout ça.

Amélie cessa de se fixer sur Philippe et regarda tout le monde.

- Quoi qu'il en soit, que nous les piégions ici ou que nous allions les prendre par surprise dans leur propre planque, nous avons -contre ma volonté- laissé sa chance à Emma. Maintenant elle risque sa vie et chacune des nôtres. Alors faisons ce que nous avons à faire.

La jeune femme avait maintenant un regard déterminé, elle semblait sûre d'elle.

- Tu as raison, dit une voix das le groupe.

Martin avança aux côtés de Philippe et les regards se tournèrent vers lui.

- Elle est peut-être en danger. Et de toutes façons, qu'elle réussisse ou non, elle n'est plus là ce matin, et ça ne me rassure pas. Donc je te suis.

Amélie sourit à Martin. Autour, les autres survivants hochaient la tête ou murmuraient des mots d'approbation. C'était bon, elle avait la majorité. Ne restait plus qu'à agir.

- Alors allons-y, maintenant.

Les nouveaux arrivant qu'Emma avait ramené furent attachés et enfermés dans les chambres à l'étage, ils veillèrent à ce que rien ne leur permette de s'enfuir. Amélie tenait à participer à l'excursion. Malcom, Nicolas et Martin voulaient eux aussi à venir, mais ce dernier resta finalement. Enfin, les jumelles prirent leurs arbalètes pour les accompagner.

- Ramenez-la vivante et en bonne santé, dit Martin d'une voix qui se voulait discrète à Edana.

Ailana, qui était juste à côté, se pencha en avant pour répondre à la place de sa sœur :

- Tu sais, on la récupérera dans l'état dans lequel on la trouvera.

- On fera de notre mieux, reprit Edana avec une esquisse de sourire qui se voulait rassurant.

Martin hocha la tête et les remercia. Puis le groupe monta dans un pick-up qui démarra et quitta rapidement la ferme.

Chacun avait un fusil d'assaut qu'ils serrèrent bien fort durant tout le trajet. La tension était palpable. Ils croisèrent un groupe de 5 rôdeurs qui, marchant en direction de la ferme, décidèrent à leur passage de faire demi-tour.

Puis ils entrèrent dans la petite ville et s'arrêtèrent dans une rue parallèle à celle visée. Ils descendirent sans prononcer le moindre mot. Amélie avait l'étincelle de la détermination dans le regard. Elle était stressée, inquiète, elle ne savait pas comment les choses allaient se passer, mais elle voulait y mettre fin.

Humanité : Tome 2 - PouvoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant