Chapitre 9. Hybrid.

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A chaque soubresaut de la voiture, chaque cahot, le cœur d'Hildegarde s'arrêtait. A chaque ronronnement de la voiture, il repartait tel un vaillant petit soldat. Que la voiture continue, cela signifiait qu'elle avait encore un sursis. Elle n'était pas encore morte. Le moment semblait idéal pour avoir une idée.

L'ennui, c'était que son cerveau était parti en vacances pour une durée indéterminée.

Partir, planquée dans le coffre de la bagnole d'un de ces tarés. Tout ça après avoir visité leur laboratoire digne de celui de Dexter... Des idées brillantes pour moi, tu commences à les accumuler.

Hildegarde bloqua le gémissement de frustration qui grimpait le long de sa gorge.

D'abord, la peur avait étouffé toutes pensées rationnelles qui lui venaient. Les images des cadavres vidés de leurs organes n'allaient certainement pas cesser de visiter ses cauchemars. Cependant, elles ne polluaient plus ses pensées immédiates. La nuit, ces morts n'auraient plus qu'à côtoyer les démons qui y pullulaient déjà. Un de plus un de moins...

Mais mettre l'horreur en sourdine pour survivre, la jeune femme y était rompue depuis sa tendre enfance. La frustration et l'appréhension étaient des sentiments plus actuels et depuis une heure, ils avaient remplacé le reste.

Elle ne savait pas qui conduisait. Etait-ce Harry ? Elle avait vu à quel point, tout comme les autres, il n'avait aucun scrupule et ne reculerait devant rien pour protéger tous les sociopathes de ce manoir. Anna Chesnault, Hildegarde l'avait vue aussi avec un pied-de-biche à la main. Tuer une personne ne l'empêcherait pas de dormir. Le docteur Lutrosis ? Elle ne serait pas étonnée que les cadavres dans la cave soient de son fait. Comment expliquer sinon tous les organes dont il disposait pour greffer ses riches patients ? Quant au borgne... Il n'était pas réapparu depuis son arrivée. Il était encore la menace la plus lointaine.

A dire vrai, la personne qu'elle craignait le plus était Amane. Peut-être était-ce parce que c'était celle qu'elle avait le plus vu ? Parce que cette femme était capable d'insuffler de la sympathie au point qu'Harry l'enferme dans la cave pour punir la punir ? Parce qu'elle apparaissait plus grande et puissante que tous autres ?

Pourvu que ce ne soit pas Regard-de-serpent. Tout sauf elle.

Tu as un karma de merde. A tous les coups, c'est elle.

Pour chacune des options, des scénarios s'imposaient dans son esprit. Il devenait de plus en plus évident pour son esprit enfiévré, que le conducteur, qui qu'il soit, savait qu'elle était dans ce coffre. Elle roulait vers sa dernière destination dans un ultime voyage.

La tiédeur moite de son habitacle étroit sentait les vieux cartons, la cigarette et l'alcool tiède. La moquette noire et rêche lui grattait les bras et les chevilles. Ils roulaient en plein soleil, cela, elle le devinait aux bribes de lumière brûlantes, qui entraient par les interstices entre les sièges arrière. La chaleur n'avait pas cessé de grimper, mais cela restait encore supportable. Elle avait eu le temps de tâtonner en silence, à la recherche d'une arme, de n'importe quoi... Le coffre était désespérément vide.

Que pouvait-elle faire quand ce dernier s'ouvrira ? Sauter sur la personne ? La terrasser et s'enfuir en courant ? Supplier pour sa vie ? Convaincre le conducteur de la laisser partir ?

Accepter l'évidence de ta mort imminente ?

Ce ne fut que maintenant qu'elle prit conscience d'une nouvelle réalité. Les tournants se faisaient plus rapprochés, le bruit d'autres voitures plus récurrent, les arrêts brusques comme à un feu tricolore... Où qu'ils soient, ils étaient arrivés dans une ville, ou du moins une agglomération.

Le Foyer [En pause]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant