Le Foyer [En pause]

Chapitre 8. Cimetière

Des jambes en coton, le souffle erratique et le visage blême.

Hildegarde n'était plus que l'ombre d'elle-même. De son corps recroquevillé dans un recoin du salon, il ne dépassait que quelques orteils de derrière le sofa. Son esprit était monté dans des hauteurs dangereuses. La redescente était comme des milliers de petites aiguilles qui se plantaient dans son cœur.

Elle devait dissocier son moi-présent de son moi-passé.

Ses pupilles étaient moins dilatées, déjà, et ses mains moins crispées autour de ses genoux. Ses ongles avaient laissé des marques dans sa chair en dépit de l'épaisseur du jean.

Elle se sentait seule. Seule et isolée. Déboussolée et perdue. Perdue, non pas comme certains dans les rues d'une ville, mais dans les méandres de son passé.

– Ça va ?

La voix semblait douce et amicale ; c'était l'impulsion qu'il manqua à Hildegarde pour émerger enfin de ses souvenirs. Le bleu des yeux d'Harry se plongea dans les ténèbres des siens. La jeune femme mit quelques secondes à identifier ce qu'il lui présentait : une main tendue pour se relever.

Elle faillit en pleurer. C'était le geste le plus généreux qu'elle ait jamais reçu depuis des années.

Hildegarde attrapa la main et émergea de l'ombre du sofa. Elle hésitait à présent sur quoi répondre. En avait-il vraiment quelque chose à faire de comment elle allait ?

– Je...

Elle fut interrompue dans son mensonge. Harry l'avait attirée vers lui et l'étreignait. Les doigts de la jeune femme se cramponnèrent à lui comme pour s'assurer qu'il était bien là.

Tu ne vas pas pleurer, petite conne ?

Ses yeux s'emplissaient déjà de larmes et elle finit par éclater en sanglots dans les bras d'Harry.

– Là, là, là... Tout va bien... Je suis là..., chuchotait-il en lui tapotant le dos.

Son autre main lui caressait gentiment les cheveux.

- Tout va bien, fais-moi confiance..., murmurait-il toujours.

Hildegarde abaissa ses paupières. Elle se contenta d'essayer de sentir la présence d'Harry contre elle. C'était tout ce qu'elle souhaitait, vraiment tout ce qu'elle souhaitait. Comment avait-elle pu vivre aussi seule ? Comme pour lui prouver le contraire, ses fantômes s'érigèrent autour d'elle, ceux-là qui ne l'avaient jamais quittée depuis ce jour. Elle pressa le jeune homme plus fort encore contre elle : les vivants contre les êtres d'Outre-tombe.

Ils sont tous là, tu ne pourras jamais l'effacer. Je serai toujours là pour te rappeler si tu venais à l'oublier.

– Viens, je veux te montrer quelque chose...

C'était un rêve, sa voix lui parvenait comme étouffée par un voile cotonneux. Elle se débattait tant et si bien contre ses démons que sa main dans celle d'Harry, elle traversa le rez-de-chaussée telle une somnambule.

Et quand elle s'éveilla, il était déjà trop tard. Ils étaient dans la cuisine. La porte de la cave était devant elle. Mais elle n'était pas close. L'ouverte était béante prête à l'avaler. Hildegarde pivota, le regard hagard vers Harry.

Elle ne rencontra qu'une froide impassibilité. Ses mains qui lui tenaient les poignets, étaient des menottes dont elle n'arrivait pas à se libérer.

– Non... Non...

Le visage de son vis-à-vis se contracta tandis qu'il l'entraînait sans aucun état d'âme vers la cave.