Dévoreur

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Dans la nuit sombre et  froide, une fragile voix résonna dans la nuit.

-Maman? Maman? Maman s'il te plaît j'ai faim... Maman j'ai si faim...

Deux silhouettes, deux ombres, se croisèrent. Un corps chétif s'écroula tandis que son sang se répandait en sillons sur le bitume. L'autre corps se courba au dessus du cadavre. Ses ongles, ou plutôt ses griffes, transpercèrent la chair déjà tachée de sang et plongèrent dans ce corps tendre qui était comme agité de soubresauts. Lorsque la main du meurtrier ressortit, elle tenait enfin ce qu'elle désirait: un délicieux coeur pur.

Le rouge écarlate du sang tranchait avec la pâleur de sa peau. J'ai toujours détesté m'occuper de ceux qui avaient été souillés par mes pairs. Les autorités enquêtent parfois sur les étranges cadavres que l'on sème derrière nous, au sein de la population circulent diverses légendes et rumeurs infondées et la famille éplorée peut parfois devenir agaçante, très agaçante.

Certains nous qualifient de monstres mais je préfère nous appeler les "Dévoreurs". C'est ce que cet enfant ou devrais-je dire cette chose aurait pu devenir si son Dévoreur avait fait son boulot. Il ne l'avait pas fait et c'était donc à moi d'entrer en scène.

Sans un bruit, je me laissai tomber du toit sur lequel je m'étais perché. Malheureusement, j'avais omis le détail du sang qui continuait de couler à mes pieds et qui formait à présent une petite flaque autour du corps. Lorsque j'atterris au sol, je fus donc légèrement éclaboussé.

Je grimaçai. Le sang ne me faisait pas peur: chez moi, je possédais tout ce dont j'avais besoin pour me débarasser des tâches qui apparaissaient régulièrement sur mon uniforme. J'avais même pris l'habitude de me changer directement après avoir fini mon travail. Non, le sang ne me dérangeait pas plus que ça. Ce qui me dérangeait c'était le bruit de l'éclaboussure, il risquait d'alerter l' Errant.

Heureusement, aujourd'hui semblait être mon jour de chance car mis à part les bruits de mastication je n'entendis ni ne vis rien d'anormal. Cela devait faire longtemps qu'il n'avait pas mangé et il avait baissé sa garde. Alors même que le moment où l'on fait ses réserves est un de ceux où l'on est le plus vulnérable. Je fronçai les sourcils: je n'allais tout de même pas éprouver une once de compassion pour une créature qui était juste... immonde et intolérable.

4 mètres me séparaient de l'Errant. 1 demi-seconde passa et 13 cm me séparaient de sa gueule. Finalement il m'avait peut être entendu. Son visage était tordu. Par la douleur ou par la colère je ne savais pas. Mais il était affreusement tordu. Sa gueule était reserrée autour de mon poing droit qui aurait dû percuter le fond de sa gorge, ou toute autre partie de sa tête. Ne m'attendant pas à cette attaque sauvage, ma réaction avait été trop lente et ses crocs pointus avaient réussi à l'arrêter. D'ailleurs je les sentais tenter de traverser mes phalanges déjà légèrement entamées.

Heureusement, mon autre main avait semble-t-il été plus réactive et avait saisi la gorge de l'Errant avant de faire pression sur ses diverses veines et artères. Quelques minutes de strangulation plus tard (ainsi que d'usage de force pour qu'il ne s'échappe pas durant le processus) je pus relâcher la pression de ma main gauche. Il ne me restait plus qu'à décoincer ma main droite, nettoyer les plaies, faire en sorte que ça puisse guérir, nettoyer l'emplacement sur lequel j'étais tombé, trouver quelqu'un qui était disponible pour se débarasser du corps, faire une mise en scène adéquate  pour la victime humaine et rentrer me nettoyer avant de contacter mon supérieur.  Je grimaçai à nouveau. Pourquoi avais-je "choisi" ce métier? Je soupirai avant de chasser cette pensée inutile. Ce n'était pas en me lamentant mentalement que tout ce que j'ai cité précédemment allait se faire.



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