Angelika

5 1 2
                                    

   Il était une fois une magnifique montagne. Immense, elle dominait le paysage et se dressait au milieu de la chaîne. Elle abritait plantes, animaux et humains qui vivaient plus ou moins harmonieusement. Tous les soirs, la lune se couchait derrière cette montagne et admirait cette merveille de la nature. À force de la contempler, l'astre finit par s'en éprendre. De son côté la montagne avait toujours admiré la Lune et sa lumière, douce, qui le baignait le soir. Une nuit, une enfant naît de cette union surnaturelle.

Au sommet du mont, un corps se forma, fragile, il se releva avec précaution. L'enfant grandit donc au sein de la montagne, n'étant pas humaine, elle ne se nourrissait pas comme eux. Elle n'avait besoin que de neige éternelle et se ressourcait de la lumière lunaire. De ce fait, sa peau et ses cheveux étaient d'un blanc pur. La nuit, ils reflétaient la lumière de la Lune, qui caressait de ses rayons cet être si frêle et magnifique.

Cette enfant vivait une enfance heureuse, gambadant un peu partout dans la forêt, jouant dans la rivière et explorant les grottes et les parois escarpées de la montagne. Le jour, les rayons de la Lune l'atteignant difficilement, elle était plus faible et se reposait donc, à l'abri de tout danger au sein de la montagne.


Un jour, alors que deux enfants, frère et soeur se promenaient dans la forêt qui parsemait la montagne, une tempête se leva et, perdus, tremblants, ils réussirent finalement à atteindre l'entrée d'une cavité rocheuse. La montagne, sentant leur présence, prit pitié face à ces faibles humains lui rappelant son propre enfant. Celle ci se réveilla et, piquée par la curiosité, s'empressa de chercher les deux enfants: elle voulait savoir à quoi ils ressemblaient car elle n'en avait jusque là vu que de loin, la montagne lui ayant recommandé de ne pas approcher cette espèce. La montagne pensant que ces deux enfants ne pouvaient pas lui nuire, la laissa les approcher. L'enfant s'approche d'abord de la petite fille silencieusement, intriguée par la ressemblance entre leurs corps. Ses cheveux tombant également sur ses épaules, elle en prit une mèche qu'elle laissa glisser entre ses doigts. La petite fille se retourna vivement, effrayée. Elle recula en regardant autour d'elle et c'est là qu'elle vit cette enfant,  debout, resplendissant dans l'obscurité de cette grotte.

Quelques heures plus tard, le frère et la soeur purent enfin rentrer chez eux, leurs vêtements encore à moitié mouillés. Ils racontèrent alors à leurs parents quelle incroyable rencontre ils avaient fait et à quel point l'enfant était belle. Leurs parents, surtout contents d'enfin les retrouver les écoutèrent en souriant, persuadés qu'ils inventaient la moitié du récit, à cause de la fatigue. Cependant, après cette première rencontre, les trois enfants continuèrent à se voir dans la forêt, jouant ensemble à cache-cache ou se courant après le long de la rivière et des rochers.

Au fur et à mesure du temps passé ensemble, l'enfant apprit à comprendre et parler la langue du frère et de la soeur et ils purent enfin communiquer. La première vraie conversation qu'ils eurent tous les 3 fut lorsqu'ils apprirent que l'enfant n'avait pas de nom. En effet, si lors de la première conversation le frère et la soeur s'étaient présentés en tant que Julien et Émilie, ils n'avaient pu obtenir de l'enfant qu'une expression intriguée et un sourire. Après plusieurs minutes de réflexion, ils choisirent de l'appeler Angelika car elle leur était apparue tel un ange.

Malheureusement, alors que les trois amis s'amusaient à se poursuivre, Angelika trébucha sur un gros caillou, perdit l'équilibre, dévala la pente et tomba dans l'eau.



Émilie fut la première à réagir: elle se précipita dans la pente et faillit elle aussi tomber car elle ne se souciait que de son amie. Sans réfléchir elle courut dans l'eau pour tenter de rattraper Angelika qui tentait de se maintenir à la surface tant bien que mal. N'ayant pas assez de force pour lutter contre le courant, elle se fit elle aussi emporter. Julien, jusqu'alors resté tétanisé eut alors le réflexe d'appeler à l'aide et de courir chercher ses parents. En effet ce cours d'eau se jetait dans une sorte de bassin où se trouvaient des rochers apparents.

Émilie ne savait pas nager mais son instinct de survie lui commandait de battre des bras, des jambes, de les agiter de combattre cette eau, ce courant qui semblait vouloir l'emmener toujours plus loin et toujours plus profondément. Par un heureux hasard, il se trouvait qu'un buisson poussait entre deux rochers. Angelika, malgré sa vision troublée par l'eau le vit et tenta de s'y accrocher. Elle tendit son bras, poussa dans ses jambes pour s'en rapprocher et finalement réussit à aggriper une fine branche de ce buisson. Émilie vit également le buisson et parvint, avec l'aide d'Angelika à s'y accrocher. Ce fut grâce à ce buisson que les parents eurent le temps d'arriver sur les lieux. Ils étaient essoufflés mais tentaient déjà de trouver une solution. Malheuresement ils n'avaient pas appris à nager et il n'était de toute façon pas raisonnable de faire entrer dans l'eau une troisième personne. Les forces des deux petites filles commençaient à faiblir face à l'eau et personne ne trouvait de solution. On tenta de leur tendre un bout de bois mais il n'était jamais  assez long et on ne disposait pas d'assez de temps pour aller chercher une scie. Les parents demandèrent ensuite aux filles d'essayer de se rapprocher en s'aidant des rochers mais elles étaient toujours trop loins. L'inévitable allait se produire. Les larmes montaient déjà aux yeux, les parents s'échangeaient des regards de plus en plus angoissés. Julien, le visage crispé fixait Angelika et Émilie. Il avait compris que quoi qu'il fasse il ne pourrait pas les sauver et il regrettait amèrement de ne pas avoir sauté avec elles. Au moins il ne serait pas debout, impuissant face à cette tragédie.

C'est alors que, sans crier gare, la frêle branche du buisson se brisa, livrant Émilie au courant. Angelika, par réflexe desserra sa main et se précipita pour rattraper sa seule et unique amie. Elle ne parvint même pas à la toucher. Elle fut bientôt engloutie par l'impitoyable rivière. Elle tenta de revenir à la surface mais le froid, la fatigue l'empêchait d'obtenir une réaction assez convaincante de ses muscles. Elle avait beau implorer la montagne de l'aider, elle ne pouvait rien faire et assistait au supplice de son enfant. Que faire lorsqu'une partie de vous faisait souffrir votre progéniture? Elle ne pouvait arrêter la rivière de couler, elle ne pouvait la déplacer. La lune quant à elle était bien trop loin pour intervenir. La nuit ne tomberait que dans plusieurs heures...

Émilie et Angelika furent donc emportées sous le regard désespéré de leurs proches. Elles furent précipitées contre les rochers au fond du bassin.





NouvellesWhere stories live. Discover now