~23 ~ Edwina

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Ses petites jambes la portent à travers la forêt. Elle trottine, se glissant habilement entre les troncs serrés. Son regard balaye le sol moussu de cette partie de la forêt.

Le cœur léger, elle finit par entrouvrir les lèvres et une douce mélodie s'en échappe. Enfin seule, elle peut s'adonner à cette activité qui la libère. Les quelques notes qu'elle connaît s'élève doucement autour d'elle et l'enveloppe. Edwina se laisse transporter par la musique.

Soudain, un bruissement sur sa gauche arrête net la mélodie. La jeune fille se fige, les sens aux aguets.

— Alors, petite, tu as des informations ? susurre une voix qu'elle aurait espéré oublier.

L'animal se rapproche, ses longues pattes se posant avec délicatesse.

— Petite ? répète-t-il, d'une voix mielleuse.

Un frisson la secoue tandis que de la sueur glisse le long de son échine. La bouche sèche, elle l'entrouvre bêtement avant de la refermer, plusieurs fois. Le Renard s'avance devant elle et s'assoit, lui coupant le passage. Sa longue queue touffue vient recouvrir ses pattes, tandis qu'il lève le museau d'un air hautain. Ses petits yeux la sondent, attendant une réponse qu'Edwina ne peut donner.

— Je... Non, souffle-t-elle.

— Plait-il ?

Il pivote sa tête et lui présente une de ses grandes oreilles, son arrogante manière de l'informer de l'insatisfaction de sa réponse.

—Je n'ai... aucune nouvelle information.

Elle ne sait pas ce qu'il attend d'elle.

— Et le Prince ? Où en es-tu ? susurre-t-il.

— J'ai essayé. Mais je n'y arrive pas.

— Pardon ? grogne-t-il, dévoilant ses canines qui éclatent de blancheur sur son pelage roux. Je ne t'ai pourtant pas demandé la lune.

La gorge d'Edwina se serre, son petit corps se met à trembler. Rien de ce qu'elle pourrait dire ne satisferait le Renard. Elle le sait.

Elle ne veut plus attenter à la vie du Prince. Le Renard lui a menti sur les mobiles précis. D'une voix fluette, Edwina puise le courage de lâcher :

— Vous m'avez menti.

— Tu apprendras que la vie n'est pas que vérité.

— Pourquoi voulez-vous voir le Prince mort ?

— Cela ne te regarde pas, petite. Ce sont mes affaires.

— Pourquoi m'avoir menti ? s'entend-elle répéter.

L'animal l'observe, sans s'indigner. Le cœur d'Edwina tambourine dans sa poitrine.

—Tu as changé, élude-t-il. Tu étais sans crainte.

Sa voix ne porte aucun jugement et pourtant, la jeune fille frissonne. Oui, elle a changé. Elle l'a senti, elle aussi. Que va-t-il se passer ?

— Tu n'auras jamais la force de tuer le Prince, crache-t-il d'une voix emplie d'une déception qui fend le cœur d'Edwina.

Elle s'était promis que plus jamais elle n'entendrait les notes cassantes de la déception. Le Renard l'avait missionnée. Elle a lamentablement échoué. Elle n'est pas forte, comme elle aime à se le répéter. C'est une enfant, faible, qui inspire la déception chez les autres.

Ses yeux s'humidifient alors que sa gorge se serre. Elle papillonne des paupières, chassant ses larmes qui ne feraient que justifier sa dernière pensée.

— Je suis désolée, sanglote-t-elle.

Le Renard regarde ses larmes couler sur ses pommettes rebondies. Son regard fixe ne délivre aucun de ses sentiments.

— Tu n'es peut-être pas si faible, minaude-t-il.

Edwina relève les yeux vers lui, le cœur brisé. L'espoir se rallume dans sa poitrine. Aurait-elle une chance de remonter dans son estime ? De le voir satisfait ? Fier d'elle, peut-être ?

— Tu m'as déçu sur ce coup, mais peut-être n'es-tu pas à la hauteur de la tâche dont je t'ai incombée. Maintenant, il te suffira de me ramener vos plans. C'est simple, tu n'as qu'à bien écouter. D'accord ?

Le regard voilé, Edwina hoche la tête. Elle n'a qu'à les écouter parler. Cela lui va. Elle ne fera rien de mal, si elle ne fait qu'écouter, non ?

— Nous avons le Cerf, lâche-t-elle.

Les babines du Renard se retroussent sur ses canines pointues.

— Bien, très bien. Tiens-moi informé de vos moindres faits et gestes, petite.

Le canidé se relève et s'éloigne de sa démarche gracieuse. Le regard encore voilé de larmes, Edwina l'observe disparaître au cœur de la forêt. Elle lève les yeux au ciel et calcule le temps qu'il lui reste avant que l'heure donnée par Shayna soit écoulée.

Avec honte, elle se rend compte qu'elle n'a même pas cherché la planche alors que l'ultimatum se rapproche. Elle va rentrer bredouille et décevoir Shayna. Le cœur serré, la jeune enfant fait demi-tour et rejoint la clairière.

Toute joie l'a quittée. Elle essuie rapidement ses dernières larmes du bout de sa tunique avant de se frayer un chemin parmi les buissons qui délimitent leur point de rendez-vous. Lorsqu'elle y pénètre, son regard se pose instantanément sur la jeune fille qui est là, la main crispée sur une planche.

Les pommettes blanches, le regard inquiet, Shayna observe les moindres recoins de la clairière.

— Il est parti, souffle-t-elle, peinée.

Elle relève son regard noisette sur Edwina et répète ;

— Il est parti. Il a lâchement fui, malgré notre demande.

Ses épaules s'affaissent.

— Il n'est peut-être pas très loin ? essaie Edwina, le cœur battant.

La jeune fille coule un regard derrière elle, d'où Edwina est sortie. L'enfant se fige. Aurait-elle entendu son entretien avec le Renard ? Pourtant, il n'y a que du doute dans le regard de Shayna, pas de colère ou de questionnement à son propos. Elle se détend, mais la peur ne quitte pas ses cellules.

— On ne peut pas abandonner les autres. Ils seront là d'une minute à l'autre, annonce Shayna en levant les yeux vers le soleil.

Elle se laisse tomber à terre, semblant porter le poids de cette situation sur ses épaules. Elle expire bruyamment et son corps s'affaisse. Edwina la rejoint et s'assoit à côté d'elle, incapable de réagir correctement face à son comportement. Sa mère n'a jamais été là lors de ses descentes de moral : que doit-elle faire ? Poser une main sur son épaule ? Lui exprimer sa compassion ? Hésitante, l'enfant finit par laisser tomber et reste assise à ses côtés, silencieuse. 

Mythomorphia ~ L'Esprit De La ForêtOù les histoires vivent. Découvrez maintenant