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l'instant de réalité
le moment de latence entre l'autre monde qui vous appelle et la vie qui déroule ses imprimés sur vous
l'instant de réalité.

il est minuit trente, jeongguk est assis à sa fenêtre
il ne sait pas trop faire
il va mieux, les morceaux de sa tête se recollent doucement
il est toujours seul, sans l'ombre d'une âme le poursuivant
il est à lui seul ce qu'on pourrait appeler ami
quand cette vie l'avait convaincu que ce cerveau ne pouvait qu'être ennemi à son développement
il est à la fenêtre, et sans prévenir
l'instant de réalité fissure la rêverie du ciel brumeux qui couvre son regard
il a oublié comment allait le théâtre
et s'il avait disparu?
et s'il ne restait que ces fragments de souvenirs dans le firmament?
alors il s'en veut un peu
mais se résout à se dire qu'il avait besoin d'espace, omettant le stellaire d'yeux solitaires
qui avaient gravés leurs traces

jeongguk apprend
il apprend à gérer l'intérieur carambolant entre son cœur et son estomac
et se dit qu'il n'a plus tellement besoin d'espace en ce moment,
l'abandonné au libre se rend béant et il a besoin de remplir son crâne
en décidant, les chaussures à moitié nouées,
de sortir, et marcher sans but entre la nuit et son train de vie
il ne sait pas où il va
il n'a pas son téléphone
ça peut paraître stupide, mais une masse prend sa place dans son estomac
il n'a rien pour assouvir son réflexe de vérifier
toutes les dix secondes
il n'a pas de musique
pas d'excuses si on l'accoste soudainement
et jeongguk a ce réflexe de croire qu'être un homme le privilégie un peu.

il traverse, traverse encore
et, comme un destin sur une route déserte et vaine,
ses inférieures s'arrêtent brusquement sur le théâtre
a l'intérieur, il y a un halo jauni et du son
comme des vagues, et du piano qui semble trop vrai pour ne pas être joué par une main humaine
mais jimin ne sait pas jouer
et un frisson d'effroi traverse le quartier alors qu'il se jette, dans un bond imperceptible,
en travers des couches de bois pour entrer

l'odeur qui le transperce envoie des flashs
la larme ruisselante de douleur
la cheville
la danse
l'épouvantail
ses yeux
et l'autre garçon lui faisant face.

celui qui n'est pas jimin, qui n'a pas les cheveux blonds
pas les airs angéliques et les bras simultanés à ses jambes dans le poids si conséquent de l'air frais
mais les mains qui s'activent sur un clavier, branché vulgairement à la prise
alors que jimin s'agite doucement
dans une candeur timide
si jeongguk pouvait le joindre en pas de deux, bien sûr qu'il y aurait volé
mais il n'ose pas
parce que le garçon aux cheveux ternis et coiffés en boucles coulantes sur sa nuque
joue sur son clavier
et paraît solidement accroché au yeux de jimin qui lui fait un de ses sourires qu'il avait pu goûter avant lui
son cerveau comme lui se mettent en accord pour affirmer,
ils sont très beaux
c'est un très beau remplaçant
et jeongguk se dit que s'il était si remplaçable, c'est parce que le bonheur est facilement attrapé en instants
et que ces bonheurs ne périssent jamais,
si bien que si les bonheurs comme lui se trouvent encore, toujours
ils ont sûrement une saveur différente
mais ils s'oublient si vite, ils s'évaporent
et il ne veut pas être un soupir dans l'existence de jimin
alors que ce garçon est matérialisé dans une voix grave
qui chuchote une onomatopée admiratrice de sa grave voix à celui qui se jette vers le sol sous un souffle lourd
jeongguk veut vivre à travers la voix d'un homme
et casser les touches du clavier qui remplit l'espace à sa place 

et alors qu'il tente encore de trouver raison,
il a l'impression de se noyer
et avance, appuyant sa tête contre un des sièges  poussiéreux
à regarder, bras croisés,
l'inconnu arrêter ses notes dans un fragment surpris
les yeux irrégulièrement placés sur son visage, l'un se plissant alors que son sourcil soulevait l'incompréhension
et jimin tomber par terre, dans un choc complètement secondaire à son étonnement brutalement expressif
sa cheville avant son visage, se tord un peu
mais ne fait pas aussi mal
que le morceau de cœur qui encaisse les sons bruts de celui qui se met à résonner
ça fait si longtemps, et les mots ont une autre sensation

"-décidément, ta cheville souffre toujours quand on se croise, toi et moi"

et c'était là, l'instant de réalité.

balesimos ⭒ji.kUnde poveștirile trăiesc. Descoperă acum