Bouquet de Mots

it's moral of the story, babe

Inspiré par « Moral Of The Story» de Ashe & Niall Horan

TW : fausse couche — mort d'un enfant — sang

Ils ont vécu heureux et ils ont eu beaucoup d'enfants. Cette dernière partie de la phrase est fausse, ils n'en ont pas eu beaucoup. Ils n'en ont eu aucun. Enfin, si, deux. Deux enfants qui n'ont jamais vécu, deux fausses couches. Toutes deux à deux ans d'intervalle. Ça l'a brisée, définitivement. Ça les a brisés.

Elle avance vers le banc, leur banc. Il est déjà là, fixant un point imaginaire, fixant ses pieds. Elle l'observe de loin. Elle aurait aimé qu'il ne vienne pas. C'est idiot, c'est lui qui lui a proposé qu'ils se voient. Il en avait besoin. Elle en avait besoin aussi, d'ailleurs. Certaines choses doivent se finir. Parfois, on tombe amoureux de la mauvaise personne.

Elle s'approche plus près. Il relève la tête dans sa direction. Il a toujours su quand elle était là, une sorte de sixième sens. Quand elle est près de lui, il le sent. Fort. Au plus profond de lui, il le sent. Il lui sourit doucement et elle vient s'asseoir près de lui.

Ils ne disent rien pendant un moment. Dix ans. Cela fait dix ans qu'ils s'aiment. Ils connaissent tout de l'autre, ils connaissent tellement l'autre. Par cœur. Il sait qu'elle est actuellement stressée. Elle serre ses doigts, si fort qu'elle pourrait se blesser. Lui aussi est stressé. Elle le sait, mais elle ressent encore autre chose. Elle sait tout au fond d'elle qu'il est résigné. Résigné à cette fin si évidente.

Toutes les princesses de contes de fées rencontrent leurs princes lorsqu'elles ont seize ans. C'est ainsi et elle n'a pas échappé à la règle. Leur plus beau conte de fée. Un prince charmant, une extraordinaire princesse. Le fidèle destrier s'est avéré être un chat, mais leur chat ils l'ont aimé. Leur palais n'avait que trois pièces et coûtaient affreusement cher. Ils vécurent heureux. Vraiment heureux. Ils se sont mariés, ont promis vœux et fidélité devant leurs deux familles réunies. Puis, elle est tombé enceinte.

Alors que pour leur demande en mariage, il l'avait emmené d'une manière toute clichée dans le restaurant qui a débuté leur premier rendez-vous, elle a choisi pour annoncer sa grossesse le lieu de leur première rencontre, le banc, leur banc, ce banc. La boucle sera bouclée. Il avait été si heureux le jour de l'annonce, ils avaient été si heureux. Alors oui, finalement, ils vivaient vraiment un conte de fée. Même s'ils ne roulaient pas sur l'or, même si certaines fins de mois étaient dures, même s'ils étaient jeunes. Leur vie était celle qu'ils avaient voulu. Ils s'aimaient, ils étaient ensemble, c'est ce qui leur importait.

La deuxième grossesse avait été inespérée. Pourtant, il fallait se rendre à l'évidence, un bébé était là. Il était là, et il grandissait à l'intérieur d'elle. Elle pleurait beaucoup, un mélange d'hormones, de peur et de choc. Elle était si agréablement surprise. Son bébé, leur bébé. Ils s'étaient confinés une semaine complète pour profiter que tous les deux, tous les trois, quand ils ont appris la nouvelle. Mais une nouvelle fois, ce fut la chute. Sauf que de celle-ci ils ne se relèveraient pas. Ils le savaient. La fausse couche datait d'il y a deux semaines. Parfois, elle revoyait le sang. Il y avait eu tellement de sang. Elle en fait encore des cauchemars. Ça l'effraie, lui broie le cœur.

Le stress se transforme en peur. Il le ressent. Instinctivement, il entrelace leurs doigts sur sa cuisse. Une larme tombe sur leurs deux mains. Ils ne disent rien. Ils revivent tout. Toute leur histoire. Si fort. Ils se sont aimés si fort. Cela fait deux semaines qu'ils ne se sont pas vus. Elle a refusé de le voir. C'est la première fois en deux semaines qu'ils sont si proches.

« Ne m'en veux pas, je ne pouvais pas te voir.

- Je sais, j'ai compris.

- Ne m'en veux pas non plus pour ce qu'il va se passer..., elle murmure. Ne m'en veux pas, je ne le supporterai pas.

- Je ne t'en veux pas. »

Ce n'est pas entièrement vrai. Il lui en veut. Une part de son cœur est emportée avec elle. Tous leurs moments. Tous leurs souvenirs. Tous leurs promesses. Tout cela pour les mener à ce moment. La boucle sera bouclée. Un début pour une fin douloureuse.

« Ne t'en veux pas non plus, tu n'y es pour rien. »

Il ne la regarde toujours pas, mais il sent combien ses doigts sont serrés entre les siens. Elle tente de respirer mais éclate en sanglots. Soudainement, il suit. Il pleure à son tour. Bordel, quand sa vie est-elle devenue un tel bordel ? Ils vont divorcer, il le sait. Le processus, l'idée, l'anéantissent par avance. Finalement, ils n'étaient pas les bonnes personnes pour l'autre.

« Je suis désolée, elle suffoque entre ses larmes. Ça ne devait pas se finir comme ça. »

Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants. Brisé. Tout est brisé. Leurs rêves, leurs promesses. Tout se brise. Son cœur qu'il a l'impression de voir sortir de sa cage thoracique. Tout s'effondre. Non, ça ne devait pas se finir comme ça. Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants.

« Parfois, on tombe amoureux. Parfois, on pense que c'est la bonne personne et ça ne l'était pas. » Ses doigts caressent le dos de sa main. Il inspiré profondément son parfum. C'est la fin. Il le sait, ils le savent. Il la serre plus fort. Ils vécurent heureux. « Je t'aimerai toujours, une part de moi t'aimera toujours. Merci, pour tout. » Il lui embrasse le front.

Puis il s'écarte d'elle. Il se lève, elle attrape sa main. Elle la porte à ses lèvres et l'embrasse. Avec douceur. Avec amour. Tout son amour. Bons moments. Promesses. Souvenirs. Comment les bons moments peuvent devenir les pires ? Il serre encore ses doigts, de sa main libre il essuie ses yeux. Il serre la mâchoire, si fort. Comme son cœur qui bat, si fort. Comme au début. La boucle sera bouclée.

« Je t'aime, merci de faire ça. »

Elle le lâche. Elle le laisse partir. Elle ne se résout pas à la regarder faire, elle fixe ses pieds. La boucle est bouclée. Il ne se retourne pas. Il s'effondrait. Il inspire, profondément. Ils vécurent heureux, séparément.