Supermarket flowers

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TW : mort — parce que quelqu'un que j'aime inconditionnellement est plus proche d'elle aujourd'hui que de la vie, parce que je n'arrive pas à en parler autour de moi car je n'ai pas envie de me pencher sur ce que je ressens, je vais suivre le conseil d'une autre personne que j'aime énormément et qui m'a conseillé d'écrire parce que c'est comme ça que je fonctionne alors j'écris, ici

Titre : chanson d'Ed Sheeran

J'ai toujours pensé à la mort. Peut-être à cause de ce que j'ai vécu enfant. Je n'ai jamais eu peur d'en parler, d'échanger à son sujet parce que ça a un côté rassurant, pour moi. Pas l'au-delà, le Paradis, l'Enfer, l'Après. Juste en parler, juste dire : « imagine nanana va être tout•e seul•e après », « imagine après ça veut dire qu'iel ne sera plus jamais là ». Je n'ai pas peur de la mort. Je n'en ai jamais eu peur. Ce qui est assez paradoxal avec mon anxiété habituelle car j'ai peur de tout, en particulier ce qui est nouveau. J'ai mal au ventre, le cœur qui bat fort, les mains moites, l'angoisse qui monte et une focalisation totale sur ma respiration pour être sûre de ne pas vomir lorsqu'une nouvelle chose doit être faite, même une chose quotidienne, juste le futur m'angoisse. Mais, pour moi, la mort est comme la fin du chemin et, étrangement, j'ai l'impression que je la connais déjà. En revanche, j'ai peur de la mort des gens que j'aime. J'ai peur de la douleur que la perte engendre. Ça, c'est ce qui m'effraie le plus.  Parce que je déteste avoir mal, que la moindre égratignure, coupure ou le moindre hématome me blesse pendant des jours, la perte des gens auxquels je tiens me fait peur. Et aujourd'hui, j'ai peur que tu meures. Aujourd'hui, j'ai peur que tu partes et, égoïstement, j'ai peur que tu me quittes.

Est-ce que ta mort à toi me fait plus peur que celle d'autres personnes ? Je pense. Parce que, depuis quelques années et quelques chutes, tu es celle qui la frôle le plus. Tu es celle qui rend ma peur plus concrète. Aujourd'hui, encore plus que hier. Il y a aussi autre chose qui me fait peur si tu meurs, c'est l'évolution de cette famille en morceaux. Pendant des années, tu as été mon lien avec Elle. Il y avait en toi un fragment d'Elle, plusieurs mêmes. Mais tu en parlais peu. Pourtant, les fois où tu abordais le sujet, je buvais tes mots. Je les cueillais et gardais ce bouquet contre mon cœur. Tu étais celle qui à mes yeux se rapprochaient le plus d'Elle.

Bon, là, je pleure à moitié.  Ça me fait vraiment peur que tu disparaisses. La dernière fois que je t'ai vue, tu allais mieux. L'avant-dernière fois avait, au contraire, été horrible. J'en avais pleuré. Pas que je pleure qu'exceptionnellement mais ce jour-là avait été pire que les autres. Au bout de cinq crises de larmes incontrôlées ça avait réussi à aller mieux. Mais j'avais compris. Et c'est sûrement pour ça que j'ai pleuré autant. La dernière fois que je t'ai eue au téléphone, l'appel a duré moins d'une minute. Tu étais épuisée. Ça me brise le cœur de l'écrire, ça me brise le cœur d'imaginer ton état, ça me brise le cœur d'avoir vu cet état. J'ai conservé quelques uns de tes messages vocaux pour être sûre de pouvoir réécouter ta voix, plus tard. Je ne garde jamais les messages mais ces derniers mois je sentais que ça n'allait pas. Joli euphémisme quand on sait comme tout par en vrille actuellement.

Si ça se trouve, demain tout ira mieux. Si ça se trouve ce texte ne sert pas à grand chose juste à faire part, par mes mots, à une de mes plus grandes peurs. Te perdre. Et si je te perds, pardonne-moi mon égoïsme, je la perds Elle aussi encore une fois. Il faudra que j'attende que toutes les personnes qu'Elle a connues meurent pour faire totalement mon deuil ?  Je ne sais pas. Je suis perdue. Tout est flou. J'ai mal à la gorge tant elle est serrée. J'ai peur si fort. Je ne veux pas que tu partes, je ne veux pas, pas aujourd'hui. Pas demain. Imaginez la mort des gens ne les protègent finalement pas de la tragédie. Je ne veux pas souffrir plus que je ne souffre déjà là, à te voir comme ça. S'il te plaît, demain va mieux.

Tu n'aimes pas parler de la mort. Je le sais, je te connais bien. Tu détestes ça, peut-être que c'est un brin lié à la religion. Je ne sais pas, je ne sais plus. Ces derniers temps, tu m'en as parlé. Plusieurs fois. Ça m'a rendue mal, parce que parler de ça ce n'est pas toi. Mais au moins, je sais certaines choses que tu souhaites et je te promets de les réaliser. Comme je te l'ai promis au téléphone.

Le téléphone aussi, tiens, ça me fait penser à toi. Je pense que s'il fallait te décrire par un objet, ce serait celui-ci. Tu étais toujours au téléphone. Tu prenais des nouvelles de tout le monde, tout le temps. Toustes tes ami•e•s, toustes tes connaissances. Je t'appelais souvent. Moins à certaines périodes et tu m'enguirlandais après mais quand même souvent, très souvent. Tu galérais entre ton portable et ton fixe. Tu jonglais entre les deux et tu devais parfois couper court aux conversations. C'est difficile de repenser à ça. Mais c'est comme ça après que les gens meurent. On repense à elleux et on pleure en pensant à toutes ces petites choses qui faisaient qu'iels était elleux-même.

J'ai sûrement peur aussi de me rendre à Paris, de croiser ses lieux où tu nous emmenais souvent. Entre temps, je me suis fait d'autres souvenirs avec d'autres gens sur les mêmes lieux mais j'ai peur que les fantômes du passé m'embarquent. Un patchwork de souvenirs, dans lequel je me souviens de toi. Tu nous as emmené•e•s à temps d'endroits. Même chez toi, ta maison, ta ville, la Normandie. Tout ça pour moi c'est toi. J'ai peur de ce que ça deviendra pour moi après toi. J'ai vraiment peur de ça.

Rien que maintenant, j'ai le cœur qui saigne, j'ai les yeux qui pleurent. Il nous reste tellement de choses à faire, à voir, tu te souviens ? Tu peux pas partir maintenant. Tu peux pas me laisser, nous laisser. Toustes. Puis l'illusion, le miroir, se cassera quand tu ne seras plus là. Je le sais, je le sens, et ça m'effraie. J'ai peur de l'avenir et la mort des gens en fait partie. Comment je vais me relever ?  Comment je vais avancer ? Ce qui me soulage juste c'est de me dire que toi, c'est ce qui te conviendra. Tu me l'as dit à demi-mots la dernière fois. Tu ne peux pas continuer de souffrir comme ça : soit tu guéris, soit tu meures. Je ne pensais juste pas que c'était si près. Si proche. Ça me fait peur. J'ai l'impression qu'on me serre la gorge tant je me retiens de pleurer.

J'ai peur que tu partes. Je ne veux pas que tu partes. Je ne veux pas je ne veux pas je ne veux pas je ne veux pas je ne veux pas je ne veux pas je ne veux pas je ne veux pas je ne veux pas je ne veux pas je ne veux pas je ne veux pas je ne veux pas je ne veux pas je ne veux pas je ne veux pas je ne veux pas je ne veux pas je ne veux pas je ne veux pas je ne veux pas. Je ne veux pas que tu meures.

J'ai vraiment peur de la vie après toi. J'ai peur de ce que ça fera de devoir te dire au revoir et de devoir Lui dire au revoir une deuxième fois. Je ne veux pas que ça arrive. J'ai peur. J'ai si peur.

Je ne veux plus que tu souffres. Si c'est la seule solution actuelle alors j'accepte. Je te laisse partir. Penses à Lui passer le bonjour. Je sais que tu verras plein de gens que tu aimes là-bas. Je suis sûre qu'au fond tu es heureuse de La rejoindre... mais prends quand même ton temps, ça ne presse pas. Du tout. C'est juste un texte pour exprimer ma peur mais si tu veux rester quelques temps encore auprès de nous, ce sera un soulagement, pour le moment. C'est avec de nouveau le cœur qui fait mal que je te dis au revoir...

Bouquet de Mots Où les histoires vivent. Découvrez maintenant