Chapitre 6-Laurène (Réécrit)

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Je commence à faire dans l'originalité : après toutes les « mesdemoiselles hétéros » que j'ai croisées, il fallait que je tombe sur mademoiselle je-ne-suis-pas-lesbienne-du-tout. Elles auront toutes ma peau un de ces jours. Tu n'es pas lesbienne mais ta liste prouve le contraire, chérie. La main sur la nuque, je tente une profonde inspiration pour me calmer. Je ne craquerai plus jamais pour une de ces filles. Je n'ai plus envie les entendre se justifier d'être hétéro en ma présence. Tout ça pour se rassurer.

Non, je ne marche plus là-dedans. J'ai hâte de rencontrer @vingt-cinq-ans. Je pense qu'elle et moi allons nous entendre.

Je décide de faire une petite sieste lorsque la voix de Louise parvient à mes oreilles.

‒ Dis, c'est vrai que tu es malade à l'avant ?

Je ne cherche pas à comprendre.

‒ Non.

Elle tourne la tête, et je ne pense pas rêver lorsque je vois qu'elle fait la moue. J'ai répondu à sa question, je ne vois pas à quoi elle s'attendait « mademoiselle pas lesbienne ». Je ne me lancerai plus dans ce genre de relations trop fatigantes, même amicalement : ça devient lourd à supporter les femmes qui se trouvent tellement attirantes qu'elles pensent que toutes les lesbiennes vont leur sauter dessus. L'amitié entre filles ça existe, d'accord ? Oui, même avec les femmes qui aiment les femmes.

Bon d'accord, Louise n'a rien prétendu du tout, et je n'aime pas cette carapace que je suis en train de me forger à cause de mes relations passées. Je n'ai aucune raison de l'envoyer balader et je finis par m'en vouloir. Sauf que celle-ci est plus tenace et retente la conversation.

‒ Tu es sûre que tu es lesbienne ? demande-t-elle avec une innocence forcée.

Je n'aime pas du tout son ton qui ressemble à une adolescente postulant pour un stage avec une gentillesse fabriquée. D'autant plus que je ne propose aucun stage de découverte. Mais si j'en viens au problème principal de sa question je vais m'énerver... Parce que le problème c'est sa question !

Cependant, je ne serais pas contre une formation qui enseigne comment rester calme face à toutes les remarques idiotes et complètement incompréhensibles. Je tente de me détendre.

‒ Oui.

Moi qui ne voulais pas être trop sèche, c'est raté. Mais je ne me suis pas sentie de dire plus de mots que ça. C'est ridicule. Je ne pensais pas être autant à cran durant ce trajet. Je suis là pour profiter, prendre un nouveau départ, rencontrer de nouvelles personnes.Dans mes pensées, je ne me suis même pas rendue compte que Louise n'est plus à côté de moi mais qu'elle s'est assise à côté d'une autre femme au look androgyne, à laquelle je n'avais pas prêté attention jusqu'à maintenant. Deux rangs devant, si bien que je peux voir la scène en toute tranquillité. Je comprends de suite pourquoi Louise l'a prise comme cible et ne peux m'empêcher de refréner un rire. J'ai un peu peur pour la suite des évènements puisque je sais que Louise va lui poser la même question qu'à moi... et ce n'est pas bon signe !

Pour le moment aucune des deux ne parle. Quant à moi je sais que ce n'est pas bien d'espionner ainsi mais c'est beaucoup trop intéressant... et inquiétant. Ça y est : elle se lance. Je sens qu'elle a pris sa décision et qu'elle va poser sa question d'une seconde à l'autre. J'hésite entre rire et pleurer.

Je comprends que c'est fait : qu'elle lui a posé sa question car le ton de la femme se fait défensif.

‒ Mais qu'est-ce que tu veux ? crache-t-elle sur Louise. Je ne suis pas lesbienne.

Celle-ci prend un air ahuri et revient s'assoir en se disant sans doute qu'elle préférait ma réponse. Je ne peux m'empêcher de ricaner. Louise me remarque puisqu'elle me lance un regard noir. Je ressens une envie irrépressible de l'embêter avec ça.

‒ Ce n'est pas drôle, me lance-t-elle froidement.

‒ Si, ça l'est.

Elle me regarde abasourdie.

‒ Pourquoi es-tu si méchante avec moi ? demande-t-elle.

Je réfléchis quelques secondes.

‒ J'ai le droit puisque nous sommes rivales maintenant, avoué-je.

Je réussis à attirer son attention.

‒ Qu'est-ce que tu racontes ? me questionne-t-elle en me fixant droit dans les yeux.

‒ Tu veux @vingt-cinq-ans. Et je veux @vingt-cinq ans. Alors nous ne sommes pas amies, soufflé-je pour la taquiner.

Elle tourne la tête vers son amie, mais celle-ci dort encore, puis de nouveau vers moi :

‒ Nous n'avons jamais été amies à ce que je sache.

Aïe, ça fait mal. Mais je l'ai cherché. Il faut bien rebondir après ça :

‒ Pourquoi tu pensais qu'elle était lesbienne ? demandé-je en parlant de la femme aux tatouages.

Elle écarquille les yeux comme si je venais de soulever une question qu'elle ne s'était pas posée. Elle bafouille quelques mots que je ne comprends pas. Le trajet ne va pas être de tout repos si on joue à ce jeu encore longtemps. Elle finit par répondre, écarlate :

‒ Est-ce que j'ai l'air d'être lesbienne ?

Je réponds :

‒ Et moi ?

‒ Non pas du tout, tu es très élégante !

Deux pas en avant, un pas en arrière.

‒ Parce que c'est incompatible ?

Elle reprend sa mine boudeuse comme si je l'agaçais avec mes « leçons » et lance :

‒ Ce qui est sûre c'est que toi et moi on est incompatibles ! Et je parle en amitié bien sûr, car aucune autre possibilité n'est envisageable.

Achevez-moi.

OTHER GIRLS 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant