Au ryhtme de nos plus incoercibles pulsions

Depuis le début
                                    

- Qu'est-ce que tu fais ?

La sulfureuse voix de Vicenzo s'immisce dans mes oreilles alors que je sens sa main survoler mes épaules. Il saisit un siège situé à ma table et le colle au mien avant d'y asseoir. En guettant l'extérieur de la bibliothèque, je remarque que ses deux toutous l'attendent sagement de l'autre côté des grandes portes. Je ne l'ai pas entendu ni vu s'approcher de moi et ce manque d'attention m'exaspère.

- Putain qu'est-ce que tu me veux encore ? éructé-je sur ton froid, profondément agacée par sa présence.

En temps normal, je ne devrais pas m'énerver en l'apercevant car nous sommes des "alliés". Afin de parvenir à mes fins, des concessions s'imposent. Mon malaise doit être relégué en second plan si je veux en finir.

- Calmati la, mia tigre

"Calme toi, ma tigresse"

Les rayons solaires frappent directement dans ses prunelles sombres et malgré leur opacité caractérisée, j'arrive à y entrevoir des tâches très claires. Il porte donc des lentilles pour cacher la couleur de ses yeux. Généralement, les gens portent des lentilles pour donner plus de couleurs à leurs prunelles ; lui il préfère dissimuler les siennes. Je retire son bras du mien d'un geste sec et réouvre mon livre, oubliant temporairement la présence de Vicenzo à mes côtés. Silencieusement, il m'observe, de son visage barré de cicatrices. Il est si proche de moi que son parfum emplit complètement mes poumons. Inexplicablement, sa respiration se synchronise à la mienne et dans cette partie calme de la bibliothèque, je décompte les secondes avant l'échéance. Sans détourner yeux du roman, je le vois passer son index sur ses lèvres pulpeuses.

- Tu comptes m'ignorer plus longtemps ? J'ai tenté de te joindre et je t'ai laissé des messages ce week-end mais aucune réponse de ta part.

Je ne lui répond pas et me contente de tourner une page de mon livre en silence. Qu'est-ce qui me convaincrai de lui parler ? Il passe ton temps à tout bousiller sur ton sillage.

- J'étais à un fil de débarquer chez toi.

- Tu te croies dans un film ou quoi ? Il suffit que tu souhaites me parler pour que j'en ai aussi envie c'est ça ? N'importe quoi.

Vicenzo saisit abruptement mon bras et me retourne face à lui en une fraction de seconde. Ses pupilles, toujours aussi sombres me transcendent et m'imposent plus de retenue à elle seules. La situation serait-elle identique s'il ne portait pas de lentilles de contact ? Je n'en sais rien et je m'en fiche éperdument. Ce garçon veut tout foutre en l'air.

- Nous avons beau être des « associés » je ne te permets pas de réagir de cette façon avec moi, crachais-je amèrement sans cesser de le dévisager.

Bonté divine ! Qu'est-ce qui me prend ? D'où je tire ce courage à deux balles ? Intérieurement, je suis morte de peur. Pourtant je n'arrête pas de lui tenir tête, à en risquer ma place dans la sélection. La vitesse à laquelle je peux passer de l'indifférence à l'appréhension est étonnante : j'en suis la première surprise.
Il me toise, ou plus précisément m'assassine du regard. Ce n'est pas inhabituel mais la sensation qui en découle est toujours aussi glaçante : Vicenzo inspire la peur. Vicenzo me fait peur.

- Sinon quoi ? Que feras-tu ?

Son aura malsaine m'enveloppe intégralement ; j'ai la sensation d'être enfermée dans une cage en acier se vidant progressivement d'oxygène. En une fraction de seconde, je revois le visage sinistre de l'assassin de mon père et je ne peux pas m'empêcher de détourner le regard. Ma main est saisie de légers tremblements et Vicenzo le remarque. Il relâche mon bras et se passe une main dans les cheveux. Je me masse délicatement les tempes avant d'exhaler une bouffée d'air nerveusement. Chaque fois que son visage passe de cette expression provocatrice à cette autre plus lugubre, mes pensées se réorientent vers le jour le plus sombre de ma vie. Constater ma faiblesse face à lui me débecte ; mais je ne peux pas lutter contre cette vision horrifiante : c'est au-delà de mes forces. Vicenzo n'est pas l'assassin de mon père, il n'a strictement rien à voir avec cette tragédie. Pourtant tout en lui me ramène irrémédiablement vers ce tueur.

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