XIX

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J'aurai du attendre, réfréner mes pulsions... Mais elle était là, devant moi si vulnérable, éveillant mes sens même les plus sombres. A ses yeux, je ne suis que ce monstre qui la retient captive et qui a maintenant volé le peu de liberté qu'il lui restait. N'a-t'elle donc pas conscience de l'emprise que son être tout entier a sur moi ? Ou, au contraire, a-t'elle voulu me provoquer afin d'accélérer le passage à la règle n°4 ? Quoiqu'il en soit, j'aurai du attendre. Encore et encore, jusqu'à ce qu'elle prenne conscience qu'elle seule a le pouvoir d'éteindre ce côté sombre en moi. Qu'elle se donne à moi, réellement. J'ai voulu la posséder, or je l'ai perdu. Définitivement.

***

Le clair de lune pénètre vivement la pièce qui me sert de chambre, éclairant les murs d'une intensité telle qu'il m'est impossible de fermer l'œil... Je ressasse sans cesse la scène qui vient de se produire. J'ai eu tord de penser que cet homme ne serait pas violent. Après tout, il me retient bien ici pour satisfaire ses propres pulsions, non ? Mais il n'empêche que le danger vient ce soir de prendre un degré supplémentaire, ce degré que donc j'avais sous estimé.

Pour retrouver ma liberté, il ne me reste qu'une seule issue : le prendre à son propre piège. Comment ? Il faut que je découvre les secrets de cet homme, au cœur si sombre. Il faut que j'enterre tout sentiment de dégout et d'hostilité - du moins en apparence. Instaurer un semblant de confiance, pour déceler ses failles et l'anéantir. Son obsession pour moi ne relève pas que du désir, sinon il n'aurait pas attendu pour me posséder physiquement et passer à l'acte. Je lui inspire autre chose, je le sens. Je le sais. Mais quoi donc ?

A partir de maintenant, changement de stratégie : je prends les rênes pour lui échapper.

***

Il est plus de midi, et elle n'est toujours pas descendu même lorsque Dahlia l'a invité à venir prendre le petit déjeuner. La soirée d'hier a du l'anéantir... et j'en suis le seul responsable. Je me suis transformé en bête incapable de se contrôler, au point d'abuser d'elle. Mais il est de toute façon trop tard, et je ne peux pas me montrer faible. Je me suis moi-même entraîné dans ce jeu dont je dois sortir indemne.

Je dois aller la retrouver dans sa chambre. Sa chambre... A ce moment là, je suis frappé par un éclair de lucidité : je n'ai pas fermé la porte à clé hier. Est-elle encore là ? A-t'elle tenté de fuir ? Je prends la direction des escaliers, montant les marches quatre à quatre, et ouvre violemment la porte, m'attendant à retrouver la pièce vide de toute présence. Mais contre toute attente, elle est assise face à la fenêtre, dos à moi. Sans se retourner, elle me lance : "Étant donné que tu m'enfermes contre mon gré et que tu n'as toujours pas l'intention de me laisser partir, j'aurai moi aussi quelques souhaits dont je voudrai te faire part pour rendre la cohabitation disons plus... acceptable ?". Alors comme ça, elle souhaiterait instaurer ses propres règles...

- Vois-ça plutôt comme une requête, rajouta-t'elle comme si elle venait de lire dans mes pensées. Je crève à petit feu dans ce trou, je ne fais rien, je ne choisis rien, je n'en peux plus. La moindre des choses serait au moins de me laisser le choix. De la chambre par exemple.

- De la chambre ?

- Je veux une chambre avec vue sur la cour.

- Donc tu me prends pour...

- Tais-toi et laisse moi finir. S'il te plaît... se ravisa-t'elle, devant mon air contrarié. Je veux également pouvoir sortir dans la cour quand je le souhaite, après tout ton domaine est suffisamment grand et sécurisé pour que je ne puisse pas m'échapper, non ? Donc, la cour. Et, dernière requête, je veux des vêtements que JE choisirai. Tu te débrouilles comme tu veux, soit tu me donnes un PC pour je puisse commander soit tu m'emmènes en magasin. Mais je veux des vêtements, pas ceux que toi tu me dictes de porter".

Son ton semble rempli d'assurance, mais il est trahi par le tremblement de ses mains. Elle sait que j'ai conscience d'avoir dépasser les limites, elle veut en jouer. Son ton provocateur réveille en moi une colère grandissante, jusqu'à ce que mes yeux se posent sur les traces bleues présentes sur ses poignets... Je la fixe, feignant la surprise face à sa réclamation, avant de lui lâcher : "Je vais étudier ta demande, Princesse". Sur le point de fermer la porte derrière moi, je perçois à demi le sourire qui se dessine sur ses lèvres face à sa victoire. Je ne dois ni baisser ma garde ni montrer une quelconque faiblesse, mais si cela peut quelque peu la réconforter, je le lui dois.

***

"Tiens toi prête, on part dans quinze minutes. Ne pose pas de question, prépare toi". Sur ces mots, Nate redescend me laissant là sans réponse. Je prends la première tenue qui me vient - l'une des seules, à vrai dire - avant de le rejoindre devant la porte d'entrée. Il l'ouvre et me fais signe de le suivre, avant de monter dans sa Jeep. Ainsi donc nous partons... Mais où ?

"Tu auras une heure, pas une minute de plus, pour acheter ce dont tu as besoin. Bien sûr, tu ne seras pas seule... tu seras escorté par mon chauffeur, et je ne serai pas loin. Juste le temps de régler quelques affaires de mon côté". En plus d'une servante, Monsieur a des sbires. De mieux en mieux... Une vingtaine de minutes plus tard, la voiture s'arrête devant un immeuble. Le chauffeur - Caleb, d'après ce que j'ai pu en déduire de ses échanges avec Nate - me conduit à l'intérieur du hall pour que nous atterrissions finalement dans un showroom privé. Bien évidemment, mon bourreau n'allait pas me laisser parcourir un centre commercial rempli de personnes... Cela aurait été beaucoup trop simple.

"Benvenuta Signora ! Rentrez, prenez vos aises, me lança une femme blonde à l'accent italien prononcé. Signore Fitz a spécialement fait privatiser l'endroit pour vous, il est l'un de nos clients les plus fidèles". Devant moi est exposé un large choix de vêtements, de chaussures, d'accessoires... En temps normal, j'aurai assimiler cet endroit au paradis mais là, il s'agirait plutôt d'une cage dorée. Avec des barreaux en triple fer forgé.

Je sélectionne une dizaine de tenues de la plus simple à la plus sophistiquée lorsque je remarque que Caleb, posté devant la porte d'entrée, est en plein échange avec la vendeuse, absorbé par les atouts de cette dernière qui n'est pas dupe. Profitant de ce moment d'inattention, je flaire toute trace d'éléments qui pourraient m'être utiles avant de poser le regard sur la veste du chauffeur, étalée sur un canapé en velours. A côté de celle-ci, à peine dissimulée, se trouve une arme. L'occasion paraît presque trop belle, mais je dois la saisir.

Je me rapproche du canapé, feignant la fatigue, afin de m'y asseoir en posant la pile de vêtements que j'ai sélectionné. Toujours en gardant un œil sur Caleb, qui ne semble pas prêter attention à autre chose que les courbes de Madame l'italienne parfaite, je glisse ma main sous le tas d'articles avant d'atteindre le flingue, que je dissimule derrière mon dos. Je savais que mettre un trench aujourd'hui serait une très bonne idée...

Nate 0, April 1...




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