Camille.
Camille est vivante, mais elle l'oublie trop souvent. Alors elle rase les murs et elle essaie d'être invisible.
Seulement, les Souvenirs ressurgissent en marques rouges sur ses bras.
Grise.
Grise aimerait que sa vie soit aussi parfaite qu...
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Alwann foule les pavés qui conduisent au hangar. Quand les classes pénètrent dans le grand hall ouvert, des dizaines d'exclamations fusent, mais elle n'écoute que vaguement les explications du guide, interrompu toutes les trente secondes par la professeure d'art plastiques.
- Donc, les jeunes -pourquoi il les appelle les jeunes, déjà, c'est ridicule- le projet des Machines de l'Île a d'abord été proposé à Toulouse, mais il a été refusé, et vous savez pourquoi ?
Vague mouvement dans l'assistance. Non, personne ne sait pourquoi, et tout le monde s'en fiche, on a même pas choisi de faire cette sortie scolaire, déjà, les Machines de l'Île on en a rien à faire. Mais Madame Bilobée n'abandonne pas. La prof d'art plastique est une petite femme replète, à laquelle la règle des trois couleurs par tenue semble avoir échappé depuis des millénaires, et qui est déterminée à apporter la Culture à ces collégiens ignorants.
- Parce que c'était de l'art en rupture, vous entendez, les enfants, en ru-ptu-re ! Notez, notez, mais qui m'a fichu une bande d'abrutis pareille...
Et elle continue à se plaindre de l'administration scolaire en général et des quatrièmes B et D en particulier. Alwann n'est jamais sûr de rien, mais elle sait deux choses : premièrement, la fille du bus ne ressemble pas aux autres, et elle a désespérément envie de la connaître, et deuxièmement, rien de ce que dit le guide ou la prof ne pourrait leur permettre d'apprécier la beauté de ce qu'ils voient. Un immense éléphant de métal qui asperge de sa trompe les passants imprudents. Une serre pleine d'oiseaux mécaniques et de plantes luxuriantes. Et le clou du spectacle : un magnifique colibri, au bec finement ciselé, aux ailes solides, à l'armature métallique, qui conservent pourtant toute la grâce du petit oiseau et lui permettent de s'envoler pour butiner de grandes fleurs colorées.
Parfois, quand la beauté nous dépasse, il vaut mieux ne pas avoir de mots, songe-t-elle.
De la sublime magnificence de l'oiseau des îles, des reflets lumineux sur ses membres forgés, de son vol à la fois maladroit et majestueux, et de la fille du bus, avec ses mots qui s'envolent derrière sa timidité maladive, Alwann ne retiendra que cela : les perles les plus précieuses sont parfois dissimulées sous une carapace de métal glacé.
