Le Chemin de l'Épée

Chapitre 5

Mia n'avait pas menti.

Il fallait bien avouer que même si j'avais l'impression d'halluciner, force était de constater que la réalité était plus que convaincante. Tout criait pouvoir et royauté. Les joyaux incrustés dans chaque pan du palais que ce soit sur les vitraux, les chandeliers ou parfois même les tapis resplendissaient de toutes part. Il serait même plus juste de dire que tout resplendissait d'une lueur dorée ou argentée.

Une agitation particulière régnait dans l'antre du château, sûrement en raison du Tournoi. Après tout, l'accueil d'une quinzaine de dragonniers avait tout pour bouleverser une organisation habituelle et devait requérir un grand nombre de domestiques différents.

J'observai d'un œil curieux et impressionné ce monde dont les codes et conventions m'étaient étrangers.

À maintes reprises je dus demander mon chemin, mais le personnel semblait m'esquiver. Cela ne signifiait qu'une chose, ils m'avaient reconnue et savaient ce qu'il s'était passé. Croyaient-ils que je m'étais transformé en dragon ? ne percevais d'eux qu'un mélange de dégoût et de peur. J'accélérai le pas, mal à l'aise. J'espérai que le roi n'aurait pas cette attitude. Auquel cas cette entrevue risquait d'être encore pire que cette petite visite au sein palais.

Que pouvait-il bien me dire, de toute façon ? Oui ou non. C'était simple, rapide. Pourtant, l'angoisse me comprimait la poitrine. Je m'étais fait à l'idée de concourir sans dragon. Je voulais y participer, je parviendrai bien à me débrouiller sans.

D'ailleurs, si je m'étais vraiment transformée...

Quoique, l'excuse de l'hallucination collective ne fonctionnait qu'une minute, je devais me rendre à l'évidence.

Comme je m'étais transformée — j'avais besoin d'informations, d'explications. Mais si je retournai dans mon village, je ne risquai pas d'en trouver. Pour trouver ce genre de réponses, j'allais avoir besoin de parcourir Elendil. Je pouvais tout aussi bien me rendre dans une bibliothèque, mais je doutais que ce ne soit concluant. La scène aurait été assez cocace ; « Salut, alors j'aurais une petite question. Je me suis transformée en dragon récemment donc auriez-vous un ouvrage à me conseiller ? Le rayon démence et folie, oui je vois, merci bien ».

Oui mais non merci.

J'ignorais même ce que je ressentais. C'était comme si j'étais vide à l'intérieur et extérieure à la réalité. Comment un elfe pouvait-il se transformer en dragon ? Et pourquoi moi, surtout ? Si des dieux cachés m'entendaient, vous savez, être dragonnière m'aurait suffi. Le reste, ce n'était pas nécessaire. J'aurais largement pu m'en passer. Vraiment.

Au détour d'un couloir, je tombai nez à nez avec une immense porte de cristal. Je n'étais rien face à ce que tout ce que ça représentait.

Je fis un pas, puis un autre, les mains moites avant de prendre une grande inspiration et de toquer quelques coups. L'instant suivant une voix aiguë s'éleva dans mon dos. Je sursautai et aperçus en me tournant une petite créature aux oreilles bien plus pointues que celles des elfes. Il s'inclina respectueusement, un sourire aux lèvres, et je l'imitai. Des rides recouvraient l'ensemble de sa peau grise. Il devait m'arriver à la taille et ses mains étaient minuscules, en comparaison de ses doigts fins et longilignes qui paraissaient bien trop grands et larges pour sa si modeste paume. Derrière ses immenses yeux azur semblait se cacher une curiosité infinie.

— Dragonnière Lee Sil'Alkèos, enchanté. Je me présente ; Flysius : fidèle phtyx du roi Kayle, pour vous servir.

Il rayonnait comme s'il insufflait de la joie dans le cœur de quiconque croiserait sa route.