II

1.5K 73 10
                                    

  Finissant sur une note plutôt aiguë, je souffle un dernier air à la flûte de pan avant de soupirer et de laisser ma tête retomber sur mon oreiller, le mollet pendant dans le vide. On pourrait dire que c'est un ennuie mortel, ce que je vis. Je n'ai rien à faire, rien si ce ne serait-ce que dessiner, jouer des instruments de musique que je possède dans ma chambre et regarder un point invisible en chantonnant quelques airs pour attendre que le temps passe. Parce que le temps... Ça, c'est loin d'aller aussi vite que je l'aimerai ! Voilà bien trois semaines de juillet que je m'ennuie à un point que tu ne t'imagines même pas. Bon, et aussi que je ne mange plus vraiment et que je reste enfermée dans ma chambre pour m'éviter de croiser les autres trous des fesses qui me servent de famille - mais cela est une toute autre chose. Parce que si je les croise ne serait-ce qu'une seconde, concernant en tout cas mon père et Drago, ce sont les commentaires désagréables et humiliant qui fusent vers moi pour me rabaisser et trouver tout un tas de choses pour casser mon mental. Car évidemment, mais heureusement, me ramener en France est impossible pour seulement deux mois. C'est donc comme une alternative pour eux. Ma mère... c'est simple : elle ne dit rien et les laisse faire. Ce qui me vaut généralement l'envie de les fracasser un à un dans les murs du manoir. Voilà l'une des raisons pour lesquelles je reste ici, dans ma chambre. C'est en soit ce qu'on appelle une « dépression névrotique ». Et du fait que je broie du noir, je ne vois plus l'apparition d'Elazia ou de Selìni... Et fait intéressant, mais tout sauf surprenant, est le changement de décor : ma chambre est devenue un vrai palais de glace. Le sol, les murs, les fenêtres et le miroir sont recouverts de givre, le bois de mon lit à baldaquin et les autres objets sont entourés de glace sauvage et l'atmosphère de ma chambre est entièrement parsemée de flocons de neiges qui stagnent dans l'air, comme si le temps ne coule plus. Cette allusion m'est évidente, compte tenu de l'ennui immonde qui ne cesse de me faire plonger dans la colère et la tristesse. Une tristesse intense causée par la revenue de les cauchemars et la sensation de manque horrible de mes meilleurs amis. Je sais ce qu'ils diraient s'ils me voyaient comme ça... Mais ma foi, relativiser est bien la chose la plus inutile étant donné les circonstances.
  On toque soudain à la porte de ma chambre. Or, je n'y porte aucune attention et continue à jouer de la flûte comme si de rien n'était, entamant le même air que celui de Peter Pan, le fameux « thème du joueur de flûte ».

- S'il te plait, Mélody, ouvre cette porte...

  Tiens, Maman ! Ça alors, la voilà qui se souvient de mon existence !
  N'obtenant aucune réponse à part mes notes de musique, son caractère d'obstinée refait surface ; elle toque à nouveau.

- Mélody, ouvre cette porte, je t'en prie.

  Sa voix me fait dérailler à la flûte, et j'articule sèchement :

- Va te faire voir !

  Je lève quand même un doigt un par un. Trois... Deux... Un...

- S'il te plait, cesse de rester enfermée et ouvre-moi la porte ! dit-elle avec plus d'ardeur et d'autorité.

  Sur le moment, elle remplace les jours où mon père m'agresse d'ordres que je n'exécute jamais. Une fois ou deux, ça lui est arrivé de me menacer de faire venir Kristine. Mais j'ai vite compris que même lui, il ne souhaitait pas reprendre contact avec elle (son chouchou de fils aurait été trop en danger, je parie).

- Qui te dis que j'ai envie de l'ouvrir ? arguai-je. Tu ne peux t'en prendre qu'à toi-même ! Alors reste autant que tu veux devant cette maudite porte, je ne t'ouvrierais pas !

  Je n'ai nullement l'intention de la faire entrer, et elle le sait. Aussi, le déclic se déverrouille seul, ouvrant finalement la porte qui dévoile Maman avec sa baguette magique.

Elementum {Tome 2}Where stories live. Discover now