24. « Mais qu'est ce qui se passe ? »

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Mon ordinateur tourne à plein régime, mon écran jongle entre mon fichier de traitement de textes et le site web de l'école. Depuis que je suis rentrée à l'appartement, je me noie dans le travail, tentant de faire abstraction de mon stress depuis que mon message vocal est parti. Je me doute que Oli n'a probablement pas le temps d'écouter mes petites histoires d'adolescente, mais je ne peux m'empêcher de conserver une pincée d'espoir.

Je me resserre du thé pour la troisième fois et porte ma tasse à ma bouche. Bien que le liquide soit chaud, j'en avale plusieurs gorgées avant de me remettre à écrire, comme absorbée par mon travail. Je ne cesse de répéter les mêmes gestes, dans un rythme bien précis. Recherches, synthèse, thé. Trois mêmes actions qui tournent en boucle depuis deux heures.

Presqu'une heure plus tard, je me décide à m'arrêter. J'ai suffisamment travaillé pour ce soir, et le tout sans broncher. Comme à l'époque de la prépa, que je commence doucement à regretter. Certes, le travail était conséquent, les professeurs faisaient tout leur possible pour vous déstabiliser, mais au moins j'avais Emma. Son absence commence terriblement à se faire sentir. Les petites disputes pour décider du repas du soir ne planent plus dans la cuisine et mêmes ses plats carbonisés m'ont laissé un grand vide. Je soupire une énième fois depuis qu'elle est partie, et me rends à la cuisine, en quête de quelque chose de simple à manger devant un épisode sur Netflix. Une salade de riz me paraît idéale.

Mon couteau danse sur la planche à découper, alternant entre du poivron et des tomates. Mais mon rythme effréné ralentit subitement en voyant l'écran de mon téléphone s'allumer. Oli vient de lancer un appel vidéo.

Je laisse tout en plan et fonce m'asseoir sur le canapé, avant de décrocher. Le rappeur apparaît à l'écran, affichant une mine fatiguée, mais un sourire plaqué sur les lèvres. Il doit tellement être heureux d'être là-bas.

C'est vraiment important ce que t'as à me dire ? me demande-t-il en s'agitant sur le tabouret, sur lequel il est assis.

Même pas un simple bonjour. Je sens que lui parler va être plus compliqué que prévu. Il ne semble pas avoir envie de m'entendre déblatérer sur ma pauvre vie d'adolescente.

J'ai que quelques minutes de pause. On vient de manger vite fait et après on va se promener un peu avant d'aller à un interview, m'explique-t-il complètement excité.

Tu sais quoi ? On parlera de ça à un autre moment, je lui propose, dissimulant ma déception derrière un voile de sourire.

T'es vraiment génial. Mais c'était à quel sujet ? me questionne-t-il brièvement tout en regardant autour de lui.

On dirait qu'il vérifie qu'aucun membre de son équipe n'arrive.

Alec, je souffle tout bas.

Je vois son sourire s'effacer en un éclair et de l'incompréhension dans ses yeux. En même temps, ils ne se sont vus qu'une seule fois et j'étais repartie avec mon ex en expliquant à Oli que je l'avais fait pour le protéger. Il ne peut décemment pas en garder un bon souvenir. Et en plus de ça, il est au courant de l'histoire entre Emma et Alec.

Quoi ? Mais qu'est-ce qui se passe ?

Frère, on décolle ! lancent des voix derrière Oli.

Ils doivent vraiment partir, et je n'ai aucune envie de le retenir, alors qu'il a sûrement mieux à faire.

Bonne visite de New York, je lui dis tout en le saluant d'un geste de la main.

Quoi ? Attends, Char...

Je ne lui laisse pas le temps de terminer sa phrase et raccroche. Je m'enfonce dans le dossier du canapé et souffle. A quoi je m'attendais en désirant parler de tout ça avec lui ? A croire que j'ai oublié que ces dernières années il était plus Oli que Olivio. Tout me semblait plus simple à Toulouse. Ici il était Olivio, un garçon qui me parlait très rarement de sa carrière et que j'ai découvert en tant que personne. Ailleurs, il est Oli, un rappeur acclamé par les fans et qui fait des concerts devant des milliers de personnes. Même les fois où il se faisait arrêter par des Visionnaires me manquent, car certes, il était Oli le temps d'un instant, mais il redevenait Olivio juste après. A distance, il est constamment acteur de sa nouvelle vie. Et le plus étrange à tout ça, c'est que longtemps j'ai rêvé de rencontrer Oli, de lui parler ne serait-ce que quelques minutes et aujourd'hui, je préfère largement Olivio. Comme si mon côté fan s'envolait.

Poliroid (Bigflo & Oli)Kde žijí příběhy. Začni objevovat