La Tour d'Ivoire - Tome 1

Le Prince déchu, partie 1

            Je fis quelques pas en arrière. Je voulais m'enfuir, me cacher, pour qu'il ne voie pas à quel point ces mots m'avaient atteinte.

            Ses yeux vert clair se teintèrent de regret. Il tendit la main vers moi.

            -Lévana, je... je ne voulais pas...

            Il ne put finir sa phrase. Un vrombissement à briser les tympans résonna dans mon crâne. Nous levâmes les yeux vers le ciel. Un avion de guerre gigantesque surplombait la ville, nul doute qu'il comptait se poser non loin d'ici. Mon cœur rata un battement lorsque je vis l'emblème sanglant des Malkam sur le flanc de l'avion. Le même symbole qui ornait mon cou.

            Les yeux de Seth s'agrandirent d'horreur. Il posa des yeux emplis de terreur sur moi et sans hésitation, me prit la main et courut jusqu'à l'entrée du vieux bâtiment délabré.

            -Mais... soufflai-je avec difficulté, et les autres ?

            Nous descendîmes les escaliers qui menaient à une sorte de vieille cave. Seth me lâcha enfin la main et ferma la porte. Il plaça une série de meubles pour condamner l'entrée. Je restai là, au milieu de la pièce, en état de choc.

            Lorsqu'il eut fini, il me reprit la main et m'entraina vers le fond de la cave, où une petite alcôve donnait sur la rue. Nous avions une vue imprenable sur le bâtiment où nous étions il y a quelques minutes. Les 14 étaient dehors, arme à la main, scrutant le ciel avec fébrilité. Je vis la main de Victor trembler sur la garde de son épée, il était terrifié.

            -Lévana, souffla Seth tout près de mon oreille pour que je puisse l'entendre malgré le vacarme assourdissant. Tu vas faire tout ce que je te demande, entendu ?

            Je hochai la tête.

            -Tu vas rester ici, qu'importe ce qui arrive, tu restes ici. S'il devait nous arriver quoi que ce soit, tu restes cachée. Tu attends qu'ils partent et tu trouves un des téléphones dans le bâtiment. Et tu envoies un message de secours à Amidror. Chaque Nation a un appareil spécial pour les cas extrêmes. Tu resteras ici jusqu'à ce qu'ils arrivent. Compris ?

            -Mais...

            -Non, Lévana, tu as compris ?

            Je hochai la tête, des larmes plein les yeux.

            Seth me dévisagea longuement, plaça une mèche de cheveux derrière mon oreille et déposa un baiser sur mon front.

            Il se leva et partit vers la porte.

            -Quand je serai sorti, tu remettras les meubles devant la porte, compris ?

            Lorsqu'il eut fini de déplacer les meubles et qu'il fut sur le point de sortir, je l'interpellai :

            -Seth ! (Il leva la tête vers moi) Fais... fais attention à toi.

            Il me sourit et sortit.

            Je fis ce qu'il m'avait dit, je replaçai les lourds meubles un à un devant la porte et regagnai mon poste d'observation près de la petite fenêtre. Je montai sur une chaise pour mieux voir, tout en restant dans le coin le plus à droite de l'alcôve pour empêcher quiconque de m'apercevoir.

            Seth avait rejoint les autres, prêt à se battre s'il le fallait. Il n'y avait que moi qui me cachais, comme une lâche. Je caressai la fine garde de ma dague glissée dans ma botte et la saisit. La serrer dans ma main me rassurait. J'aurais au moins une arme pour me défendre s'ils venaient à me trouver. Même si elle ne servirait à rien face à la garde d'élite des Malkam.