À la gloire des Créateurs

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«  And the stars blinked as they watched her carefully, jealous of her shine. »

Les Malkam avaient ouvert leur Palais au public pour l'occasion, enfin au public... Aux sympathisants devrais-je dire. Les invités avaient été triés sur le volet, des hauts nobles, scientifiques, tous dévoués et soumis aux quatre Familles. Ils étaient au moins trois cents, beaucoup moins que pendant la cérémonie, où la salle de l'Union avait été remplie d'un bon millier de personnes. Mais si tout le monde n'avait pu assister physiquement au mariage, la cérémonie avait été diffusée partout dans la Tour d'Ivoire, pas une âme n'avait pas vu ces images devenues historiques ; l'union des familles Eléazar et Malkam.

La salle de réception des Malkam était somptueuse, le rouge et le noir s'unissant dans des courbures et volutes d'une finesse à couper le souffle. Le rouge était si intense qu'on croirait les murs du Palais recouvert de sang. Peut-être n'était-ce pas complètement faux d'ailleurs... Qui sait sur quoi tout ce pouvoir s'était construit. Même à l'origine, que savions-nous réellement de nos ancêtres, pouvais-je vraiment jurer de la charité et de la bonté d'Alexander Eléazar, mon ancêtre ?

Les félicitations et cadeaux pleuvaient, les courbettes et sourires s'enchainaient. L'hypocrisie ambiante sautait aux yeux, mais tout le monde faisait comme si de rien n'était, chacun jouant son rôle jusqu'au bout, respectant le scripte à la lettre. Tous ces faux semblants me donnaient la nausée, malgré ça, mon sourire n'avait pas un seul instant quitté mon visage, remerciant et embrassant quand il le fallait. J'oubliais parfois que moi aussi je faisais partie de cette pièce de théâtre, moi aussi j'avais un rôle à jouer, un masque qui me rongeait la peau et m'étouffait.

Pendant tout ce temps, mon bras n'avait pas quitté celui d'Ayaan, il m'avait offert le sien pour redescendre les escaliers de verre, je l'avais accepté, et ne l'avais plus quitté. Je ne l'aurais jamais avoué, mais sa présence me rassurait et me donnait de la force. J'avais affronté ces regards, ces commérages pendant toute ma vie. J'y étais habituée, mais cela n'enlevait rien à l'épreuve que je vivais à chaque instant, à cette sensation de solitude exacerbée. Mais là, au bras d'Ayaan, je me sentais invincible. Je savais que si je trébuchais, il me relèverait, que si je flanchais, il me soutiendrait. Si l'un fatiguait, l'autre prenait la relève.

Mais Ayaan ne faiblissait pas. Égal à lui-même tout au long de l'après-midi et de la soirée. Il avait l'allure d'un chef, d'un leader né. D'un roi. Son aura et son charisme n'avaient rien à envier à son père, je ne doutais pas qu'il le surpasserait, un jour. Ayaan Malkam était le plus grand danger pour la Tour d'Ivoire et notre volonté de paix. Un seul geste de sa part, un seul ordre, et il semblait que notre monde volerait en éclat. Melech l'avait déjà fait, après tout, mais je sentais que si Ayaan avait les pleins pouvoirs, les choses seraient bien pires...

Il me suffisait de regarder ses yeux, ses yeux d'un gris si clair qu'il semblait presque transparent, des yeux emplis de ruse, d'intelligence, d'autorité et de danger. Un danger d'une violence qui me fit l'effet d'un coup de poing. Qui venais-je donc d'épouser ....

Pourtant, lorsqu'il les tournait vers moi, ses iris s'adoucissaient, et débordaient d'un désir et d'une tendresse bien trop intense, destructrice.
​Ayaan discutait avec un homme pendant que j'observais la salle, mon regard dériva vers un groupe de quatre personnes en pleine conversation. Tout le monde les regardait. Avec eux, nous étions le centre de l'attention de toutes ces personnes. Richement vêtues, des visages à la beauté déroutante, des regards impérieux et hautains, une aura de puissance semblait émaner d'eux. Mes parents et ceux d'Ayaan ne s'étaient pas quittés depuis les débuts des réjouissances, qui, d'ailleurs, se poursuivront pendant plusieurs jours. Mais je n'étais pas dupe, je savais que leur attention était entièrement tournée vers nous, je pouvais presque sentir les yeux perçants de Melech posés sur moi. Je ne doutais pas qu'Ayaan les avait également remarqués, peut-être même avant moi. Je le regardai en silence, ses cheveux blonds, sa magnifique peau pâle, ses longs cils, ses sourcils bien dessinés. Je n'avais jamais réfléchi à ça avant, s'il avait aussi des pressions de la part de sa famille, je ne m'étais jamais demandé s'il vivait peut-être la même chose que moi.

Il se pencha soudain vers moi, ses lèvres à quelques centimètres de la peau de mon cou. Son souffle chaud me donna des frissons, de plaisir ou de dégout, ça je ne voulais pas y penser.

La Tour d'Ivoire - Tome 1 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant