Chapitre 7 PARTIE I

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Les yeux grand ouverts, fixés sur le plafond immaculé, j'attendais nerveusement d'être foudroyé. Un sursaut m'avait réveillé vingt minutes plus tôt et tout mon corps s'était contracté jusqu'à ce que je comprenne qu'il n'était dû qu'à Harry qui se retournait dans son sommeil. Et je m'étais encore plus crispé.Harry.J'étais dans le lit de Harry.Plus que jamais auparavant. Au sens littéral comme au figuré.Nous avions souvent partagé nos nuits quand nous étions encore suffisamment proches pour ça, mais rien n'était similaire ce jour-là : du statut de notre amitié jusqu'à nos raisons de se trouver sur le même matelas.Il était étalé sur le ventre, le visage en partie enfoncé dans l'oreiller, les boucles éparses. Je ne pouvais voir que l'arrière de son crâne mais j'entendais parfaitement le sifflement qui s'éleva progressivement dans les airs.Harry ronflait.Je cogitais toujours immobile dans ce lit d'où irradiait une chaleur presque insoutenable, et j'attendais...mais l'éclair de panique ne vint jamais. Je l'attendis encore, persuadé que les évènements de la nuit précédente s'imposeraient à moi comme une regrettable erreur mais...rien.Et c'était presque pire.J'étais là, conscient, et incapable de savoir quoi faire ni de quelle façon réagir. Alors c'était si simple de changer d'orientation? de plonger dans l'inconnu ? Peut-être qu'il n'y avait aucun changement en fin de compte et encore moins d'inconnu, peut-être avais-je toujours eu en moi cette envie d'autres choses. Peut-être était-ce en moi depuis toujours et était-ce ce qui rendait l'acceptation si aisée? Longtemps je m'étais persuadé qu'il y avait un monde entre l'amitié fusionnelle que nous entretenions durant les premières années de One Direction et la relation romantique qu'on nous prêtait. un pas de géant qu'il était impensable de franchir. Pourtant, j'avais tort, nous étions si proches de ce que nous avions partagé cette nuit. Il nous aurait suffit d'un geste pour devenir plus... Nous flirtions sans cesse avec la limite qui se dressait entre amitié et amour. Une frontière que je croyais infinie, infranchissable. Une frontière que nous avions fait disparaître à force de passer d'un côté à l'autre, testant nos propres limites et sans jamais rester suffisamment longtemps d'un côté pour définir ce que nous étions réellement. Sans que je n'en prenne conscience.Sans que je ne veuille en prendre conscience? J'avais presque la sensation d'être trahi par moi-même, comme si on m'avait caché qui j'étais tout ce temps. Mais le "on" n'était autre que moi, personne d'autre n'aurait pu le percevoir à ma place. Finalement je la ressentais la douleur, quand bien même elle ne vint pas des regrets ou de la panique auxquels je m'attendais. La gueule de bois semblait violente, Harry grommelait depuis qu'il s'était réveillé. Lorsqu'il avait senti une présence dans son lit, il s'était tourné pour me faire face avant de me fixer un long moment pour aussitôt retomber la tête dans l'oreiller. Il y était resté une poignée de minutes, parvenant à ne as s'asphyxier pour finalement se rendre dans la salle de bain sans plus m'adresser un regard. Quand il en sortit, j'eus le temps de m'étonner qu'il puisse paraitre avec autant d'aisance aussi frais un lendemain de cuite puis il me demanda de partir.Pas même un bonjour. Il préférait visiblement destiner ses premiers mots de la journée à me faire quitter sa chambre.Je faillis m'exécuter sans un mot, puis réalisai que ce n'était pas vraiment mon genre. - Ouais, OK mais...- Non pas de mais! J'en ai marre d'être le fruit de tes expériences et autres sautes d'humeur. Le jeu Larry dont tu es à l'origine a pris fin il y a plus de deux ans, on ne va pas recommencer! Tu sors.- Quoi?! Putain H, faut qu'on parle, on a...- Rien du tout. "On a" rien du tout. Tu oublies et tu sors de ma chambre. Ca a marché jusque là, non?- Tu veux juste...oublier?
J'étais sous le choc et mon ton blessé sembla résonner dans le silence qui suivit ma question. Harry me faisait face les dents serrées mais son regard me fuyait. Et c'était le genre de choses qui avaient le don de m'insupporter.

- C'est toi qui m'as tiré ici Harry. C'était ton choix.
- J'étais bourré et...
- Merde! N'invoque pas l'alcool encore une fois. C'est trop facile de refaire chaque fois le même coup!


C'en était trop. Nous avions résisté à beaucoup de choses jusque là mais il semblerait qu'il avait décidé de porter le coup de grâce, celui qui anéantirait ce que je tentais toujours de voir comme notre amitié. Le destin n'avait finalement pas prévu que nos chemins restent parallèles. Peut-être même avait-il prévu depuis bien longtemps de les faire se séparer pour ne plus jamais se croiser, mais évidemment têtu comme je l'étais j'avais contré ses plans, ne faisant que retarder l'inévitable.
Nous avions survécu à l'incompréhension, aux regards et jugements extérieurs, à l'éloignement forcé, à nos propres doutes mais la dernière épreuve semblait trop imposante pour qu'Harry ne se risque à l'affronter.
S'il n'était pas capable de reconnaître ce que nous avions partagé cette nuit, qu'il le regrette ou pas, je n'avais plus un mot correct à lui adresser.
Je renonçais. Si aujourd'hui était le jour où nos chemins devaient diverger, alors soit, qu'ils suivent leur cours, je cessais de lutter.
Si je ne pensais pas que chaque chose a une raison, je le désignerais sans une hésitation comme seul fautif de ce naufrage...mais préférons dire que c'était ainsi que cela devait s'achever.

J'étais furax mais j'avais décidé de lâcher prise, cela ne devait plus avoir d'importance dorénavant. Je fis rouler mes épaules dans l'espoir d'y chasser la tension et repris d'une voix que j'espérais posée:


- Je pense que pour le coup on sera sur la même longueur d'onde pour ne pas laisser échapper ça aux oreilles des autres...


Mon assertion fut suivie d'un blanc de quelques secondes, puis je me sentis soudainement trébucher vers l'avant et il me fallut bien trois pas précipités pour m'assurer de rester debout. J'aurais voulu hurler sur Harry pour m'avoir bousculer ainsi mais sa voix couvrit ma tentative et son timbre semblant proche du désespoir fit s'évaporer ma volonté de représailles:


- Dégage de là Louis! MAINTENANT!


Alors que j'atteignais la porte et me saisissais de la poignée, la lassitude succéda à la fureur.
Game Over. Lui et moi c'était décidé d'avance, de multiples parties mais toujours la même issue : c'était un match nul, il n'y avait jamais de vainqueur.
Je percevais sa respiration, elle était sifflante et je ne avais plus si c'était la haine qui l'empêchait d'inhaler correctement ou si, comme le mien, son larynx tentait de camoufler un sanglot imminent en se comprimant au maximum de sa capacité, limitant le passage de l'air.
Je secouai avec brutalité la tête, tentant plus de chasser les larmes pointant sous mes paupières que de remettre en place quelques mèches folles.
J'actionnai la poignée et fis un pas pour sortir avant de subitement m'arrêter, penchant la tête en arrière, je pris une inspiration afin de dégager ma gorge.


- Ça n'a jamais été qu'un simple jeu.

Et la porte se referma derrière moi.


***


Des coups sourds résonnèrent contre le bois vernis de ma porte de chambre.

- Haz lève-toi !

Crétin, c'est pas comme s'il avait fermé les yeux cette nuit.


- Bon t'énerves pas... Non en fait tu vas sûrement nous assurer que tu t'en fous, mais on a...en fait déjà depuis hier il...et puis il y a quelques heures...
- Mais ta gueule Niall, Liam souffle d'exaspération à ses cotés
- Haz ? continua-t-il de tambouriner. On a perdu Louis ! Personne ne l'a vu depuis hier soir à la clôture du show, ça fait quelques heures qu'on est à sa recherche déjà et on commence doucement à paniquer, termina-t-il difficilement, sa voix passant dans les aigus.
- Tu sais peut-être quelque chose, reprit Niall, Il est avec toi ? Aïe ! gémit-il alors qu'un sourd bruit résonnait jusque dans la suite.

Harry finit par leur ouvrir et il aurait trouvé l'image amusante si son humeur n'avait pas été aussi sombre. Les deux crétins en survêtement, Liam les yeux toujours levés vers le plafond se faisait fusillé du regard par Niall qui se frottait allègrement l'arrière du crane.
Bien vite leur attention se tourna de nouveau vers Harry.


- Je... commença-t-il et il avait grandement besoin de s'éclaircir la voix, ahum, vérifiez le toit, émit-il en pointant le plafond de son index, il a tendance à porter un intérêt étrange pour le vide...


Aussitôt les deux échangèrent un regard horrifié. Quelle bande d'idiots ils faisaient parfois.

- Enfile un jeans Harry, s'empressa Liam avant de remarquer que le nommé était toujours vêtu de la même façon qu'hier, jean y compris. Viens nous aider à le récupérer.


Même sous la directive son ton demeura plus incertain que plus tôt.

- Mauvaise idée Li'. Je doute fortement qu'il ait spécialement envie de me voir aujourd'hui. Et pendant un petit bout de temps encore... ajouta-t-il alors que les deux compères étaient déjà loin dans le corridor luxueux.


*

- Putain Lou, qu'est ce que tu fous suspendu là ! On doit être à plus de trente mètres du sol, t'es dingue dans ta caboche.
- Quinze.
- Hein ?! s'exclamèrent-il gracieusement en chœur
- Je dirais plus que nous sommes à quinze mètres de hauteur, seulement.


Je me penchais davantage afin de vérifier mes dires, collant mes pieds nus au mur rugueux pour me stabiliser. Content de mon estimation je me redressais en regardant la cendre de ma clope s'envoler sans grâce.

- Tu débloques mec...
- Bon on arrête de jouer aux idiots, Lou on est là maintenant. Tu nous rejoins sans geste brusque...Maintenant ! ajouta Niall lorsqu'il me vit faire perdurer mon immobilité. Reviens de ce côté-ci, je t'assure qu'on peut être bien plus attrayants que du vide.


Ce qui me fit instantanément éclater d'un rire puissant qui se perdit dans le vide. Eux attrayants?
Puis je compris leurs étranges paroles et la raison du retrait de leurs corps devenus maladroits, ils craignaient avec sincérité de me brusquer, et évitaient les gestes brusques ou n'importe ce qui pourrait me vexer et me pousser à me jeter dans le vide.
J'avais certes un intérêt poussé pour ce qui s'offrait à mon regard en contrebas mais aucune idée noire à déclarer. Je ris plus franchement en imaginant leur angoisse non justifiée et les moyens qu'ils tentaient de mettre en place pour me "sauver" de moi-même.
Leur connerie aura au moins eut le mérite de me faire sourire et de me sortir de mes mornes pensées un instant.

- Vous êtes cons les gars... Je suis pas suicidaire. Quoique parfois à force de vous côtoyer... m'amusai-je mais me stoppant bien vite en voyant leurs mines déconfites. Nan, nan bien au contraire. Juste, j'ai parfois besoin de me rappeler à quel point je tiens à la vie, de mesurer l'importance qu'on se doit de lui porter en regardant sa fin probable en face. J'ai besoin de me souvenir que je suis censé être un mec qui adore la vie même en étant enfermé dans l'une d'elle que je n'affectionne plus depuis longtemps.


Le silence se fit derrière moi et j'en profitai pour me replonger dans ma contemplation, laissant de nouveau le vide envahir mon esprit, un vide reposant.
Le claquement de la porte ouvrant l'accès au toit se fit entendre et je crus un instant me retrouver seul, mais au même moment Liam vint prendre place prêt de moi. Seul Niall s'en était allé. Il s'assit un peu en retrait de sorte à ne pas avoir les jambes dans le vide contrairement à moi, mais il restait dans mon champ de vision sans que je n'ai à tourner la tête.


- Tu vas bien ?
- Oui, ça va et toi ? soufflai-je en même temps qu'un nouveau rond de fumée
- On parle de toi là.
- Et je t'ai répondu... Pourquoi t'es lourd comme ça dès le matin Li!
- Je veux juste m'assurer que tu ne mens pas.
- Je vais bien !


Je commençai à m'agiter malgré ma position vulnérable, la sérénité que je croyais avoir trouvée s'était évaporée et je ne parvenais plus à l'invoquer. Merci Liam.
De nouveau inquiet il posa une main ferme sur mon épaule pour me tranquilliser et appuyer ses propos.


- Même si ta vie s'effrondrait, tu ne répondrais jamais à cette question par un non...
- Alors pourquoi t'entêtes-tu à demander alors?
- Parce que c'est le rôle de l'ami que je suis.

Ami.
J'avais ces derniers temps l'étrange -et loin d'être agréable- sensation de ne plus comprendre le sens de ce mot. Entre mon ami Zayn qui disparaissait sans laisser de trace, et mon ami Harry qui n'avait plus rien d'un ami à sans cesse se trouver au-dessus, puis au-dessous de cette acception l'instant d'après.

La vie était une vraie rigolote. Harry avait vraisemblablement eu des sentiments à mon égard quand je ne le voyais tenir aucun autre rôle que celui d'ami. Et je me réveillais des années plus tard avec une envie incompréhensible de quelque chose de plus avec lui...et évidemment il était passé à autre chose et ses sentiments étaient désormais révolus.
Une vraie merde.
Le mail d'Ed m'avait touché bien plus profondément que je ne l'avais d'abord cru, mais le lire m'avait fait du mal. J'avais réalisé combien j'avais blessé Harry à le cantonner au rang d'ami tout en lui envoyant sans discontinuer des signaux contradictoires qui n'étaient qu'autant d'espoirs déchus de plus pour lui. Cela n'avait pas été intentionnel, bien sûr, néanmoins le résultat restait le même, il avait souffert par ma faute et je n'avais rien vu.
Mais le pire était peut-être ailleurs. Cette lecture m'avait fait prendre conscience que si cette réalité me blessait autant et si le statut révolu par le temps de ses propos m'avait autant serré le coeur c'était parce que nourrissais bel et bien des sentiments envers mon ancien meilleur ami.
Des sentiments dont je n'avais pas eu conscience et que je n'avais pu contrôler, des sentiments qui s'étaient imposés à moi la nuit dernière, assez violemment pour me pousser à franchir la dernière frontière amicale...



***


Le concert de ce soir avait été une bouffée d'air frais pour mon esprit asphyxié par les tourments. Je m'y étais consacré entièrement et il y avait longtemps je ne m'étais autant amusé sur scène. La foule était intenable et les rappels s'étaient multipliés, nous le faisions rarement mais ce soir nous étions remonté deux fois de plus sur scène pour céder à leurs réclamations, laissant l'euphorie du moment surpasser notre fatigue.
Nous savions que nous ne quitterions pas l'arène de si tôt, les techniciens avaient beaucoup à faire les derniers soirs et les fans étaient connus pour être extrêmement patients à la sortie d'un show. Nous nous étions de ce fait tous retrouvés dans la loge commune, nous affalant dans tous les coins alors que nous sortions tout juste de scène.


La porte ne tarda pas à s'ouvrir sur Eleanor qui sembla hésiter en esquissant un sourire prudent. Je me levai aussitôt pour la rejoindre. Elle était arrivée hier soir mais je ne l'avais vue que brièvement au déjeuner, faute de notre emploi du temps accablant.
C'était compliqué entre nous ces temps-ci, il y avait un long moment que nous ne nous étions plus vus et il nous fallait parler...
Je portais une affection immense à Eleanor et malgré le flou de notre situation et la nuit que j'avais passée quelques jours plus tôt en compagnie d'un autre brun aux cheveux longs, j'étais heureux de la retrouver.
Je ressentis tout de même un pincement de culpabilité en lui souriant timidement, nous n'étions plus ensemble -c'était d'ailleurs la raison de sa présence- mais mon cerveau persistait à voir mon abandon d'une nuit comme adultérin. C'était pourtant elle qui avait mis fin à ce que nous partagions. Personne n'était au courant de sa décision en dehors de nous deux, mais cinq mois auparavant elle nous avait imposé un break qui n'avait fait que s'éterniser depuis sa proclamation. Sur cinq mois les quatre derniers s'étaient passés sans qu'aucun de nous ne donne de nouvelles à l'autre. Il était donc venu le temps de discuter et de décider pour de bon si nous continuerions notre route séparément ou si l'aventure pouvait se poursuivre à deux. Rien n'était moins certain, aujourd'hui plus qu'hier.


Les garçons présents pensaient que rien n'avait changé, seulement qu'El' et moi nous retrouvions après une période anormalement longue sans se voir, c'est pourquoi ils s'étonnèrent de sa soudaine prudence qui accompagnait chacun de ses gestes.
De nouveau, elle hésita quand en arrivant devant moi, n'y prêtant pas attention, j'enserrai ses épaules et embrassai délicatement sa joue.


- Hey ça va mon amour?


Mon affection sembla la surprendre mais je ne relâchai pas mon étreinte pour autant, j'avais trop de tendresse pour elle et même si nous étions en froid plus que jamais, elle était une personne que j'avais aimée sincèrement et qui restait importante pour moi. Je ne voulais surtout pas qu'elle se sente mal à l'aise auprès de moi, peu importe ce que nous deviendrions l'un pour l'autre après cette discussion redoutée.

Alors que j'étreignai Eleanor je perçus dans mon dos un reniflement mauvais et reconnu aisément le ton hautain dont Harry savait user. Néanmoins lorsque je me retournai il fixait l'écran de télévision le visage parfaitement neutre.
Cette neutralité dont il savait si bien se vêtir lorsque cela l'arrangeait me tuait à chaque fois, pas une seule fois il n'y avait eu recours il y a de ça trois jours, durant notre nuit. J'avais lu sur son visage la moindre de ses émotions sans qu'il n'y montre une once de résistance.
Il avait su vaincre mes craintes et les barrières qu'il me restait. Il était parvenu à me faire désirer ce dont je ne soupçonnais pas convoiter et m'avait mené là où jamais je n'aurais cru vouloir aller. Et cela n'avait été ni son attitude charmeuse ni ses suppliques qui avaient accompli cet exploit, tout était le simple fruit de ses yeux, de ce qui s'y cachait et qui s'était dévoilé à mon regard ce soir-là, ses mêmes yeux actuellement dénués de tout ce qui n'était pas une froide indifférence.


Je le sentais peser sur moi, lourd et accusateur. C'était une sensation désagréable, son regard me glaçait alors même que je lui tournais le dos, peu importe dans quelle direction je me dirigeait il s'intensifia et se dressa comme un obstacle duquel je ne pouvais m'affranchir.


- Quoi ?


Il ne pouvait nier, bien que nous soyons tous les quatre présents -cinq en comptant Eleanor qui se fit discrète en percevant le ton faussement tranquille de ma voix- il savait parfaitement que je m'adressais à lui. Par provocation je pris soin de garder mon regard loin de lui.

Je ne le voyais pas directement mais je sentais sa présence, je pouvais percevoir ses mouvements instinctivement. Il se mouvait dans la pièce sans un bruit, le silence qui accompagnait la scène était lourd, annonciateur d'une suite beaucoup moins paisible.
Il ne répondis pas, cela eut uniquement le don d'augmenter la force de mon agacement déjà inexplicablement élevé.


- Mais vas-y dis-le, t'en meurs d'envie, gueule-moi dessus tu seras moins frustré ensuite. Allez M. Parfait prouve-nous que tu restes sensible à la colère comme le commun des mortels.


Pure provocation. Cela n'avait aucun sens, et cela n'en avait jamais vraiment eu en vérité. Néanmoins, même si mon cerveau s'embrouillait, j'étais décidé à le faire sortir de ses gonds. Sans raisons... Le simple fait de le savoir en rogne contre moi m'échauffait l'esprit, au moins il me porterait de l'attention, un instant même bref une de ses émotions me serait destinée. Et il faut croire que j'attendais que monsieur se décide à ouvrir le feu afin de laisser libre cours à ma colère. Qui elle serait justifiée.


- Pathétique Louis... Tu sais que t'as merdé, et c'est pas en faisant preuve de plus d'agressivité que tu vas me dissuader de te dire ce que je penses.
- Merde ! Mais arrête d'être diplomate deux secondes et lâche-toi !
- Tu saoules, Louis, ajouta-t-il toujours relativement calme, la voix toutefois plus dure que la seconde d'avant. Toi et ton caractère de merde... Apprends à assumer, tu verras ça changera ta vie.


Aïe...


- Assumer quoi ? D'avoir oublier de chanter ma partie ? Ça va, cesse d'être aussi psychorigide, tout le monde s'en fout.
- Non. Assume d'être un con fini !


Re Aïe ?
Je ne sus plus bien alors si notre dispute traitait de l'incident scénique de ce soir, ou de tout autre chose...
Du coin de l'œil je vis Liam se crisper, se demandant si le bon moment pour intervenir était arrivé. Il semblait hésiter entre se barrer loin de notre conflit illogique et nous séparer de force. Les mots ne font pas mal, je l'avais toujours soutenu. Il semblerait que ma théorie ne fasse défaut que dans l'unique cas où ces paroles sortaient de la bouche de Harry. Mon corps, entièrement tendu, pivota lentement jusqu'à faire face à celui courbé de Harry.


Se défaisant de ses bottines outrageusement pailletées, il ne me vit pas m'approcher avec lenteur, le visage dénué d'expression et le regard plus froid que jamais. Il continua, et Liam n'intervint pas de crainte d'accoitre la tension présente, et se rappelant sûrement des conséquences qu'engendrerait le fait de me pousser au-delà de mes limites déjà effleurées. Il se persuadait certainement que Harry saurait me gérer comme il l'avait toujours fait. Auparavant.


- Tu sais très bien que vos jeux idiots m'agacent, vous y prêtez plus attention qu'à la foule présente sous vos yeux. C'est pas seulement puéril, c'est aussi profondément irrespectueux! Merde, ils ne payent pas pour vous voir vous courir l'un après l'autre !
- Je joue pas tout seul, les mots sifflèrent entre mes lèvres, sûrement dus à ma mâchoire violemment crispée, t'en prends pas qu'à moi...
- Pitié, Louis on dirait un gamin : les poings serrés, accusant son copain... il laissa échapper un semblant de rire, bref et dénué de tout amusement. Liam n'oublie pas pourquoi il est sur scène lui !


Harry finit par se planter devait moi, me portant enfin attention, acceptant l'affrontement direct qu'il me refusait injurieusement depuis le début de cette confrontation.
Il me surplombait de sa haute stature, mais je restai bien droit sur mes pieds, voulant prouver qu'il m'était possible d'avoir le dessus de cette façon quand bien même il me dominait de sa taille. Mes yeux se rivant aux siens lui renvoyèrent les éclairs dont mon corps était traversé.


- Franchement Louis, y a des gens là juste pour toi, qui te vouent limite un culte. Tu ne t'en rends même pas compte, tu ne vois pas l'admiration dans leur yeux et tu oses t'en détourner. Tu préfères te consacrer à des activités immatures plutôt que de leur accorder un minimum d'attention. C'est quoi ton problème, tu peux pas les regarder dans les yeux ? Ça te tuerais d'être honnête avec eux ?! Putain, dire qu'ils sont prêts à tout pour toi, alors que t'es juste un gros con avec un ego surdimensionné !


Enfin une réaction adéquate au climat d'une dispute, bien que je ne suive plus trop sa progression.


- Bien les gars, c'est joyeusement distrayant tout ça mais je crois qu'on s'éloigne gentiment du débat « Liam et Louis font de la merde sur scène » de départ. On va donc s'arrêter là, hein ?


Ma contestation était déjà toute prête mais déjà Liam m'empoignait sans aucune patience par les épaules pour me sortir de la pièce. La porte se refermait à peine sur Eleanor qui s'empressait de nous suivre que je perçus la chute d'un objet lourd certainement balancé au travers de la pièce. Si j'avais eu l'esprit moins embrumé par la rage j'aurais parié sur la bouteille d'eau d'Harry propulsée sur une des coiffeuses, entraînant sur son passage tous les produits de Lou. En voilà une autre qui serait à traiter avec des pincettes ce soir. La voix apaisante de Niall emplit la pièce que nous venions de quitter et Liam me dirigeait toujours.
C'était amusant la façon dont ils avaient l'habitude de nous gérer tous deux dans ce genre de situation, leurs méthodes divergeaient totalement. Et je me questionnais sur l'origine de cette dissimilitude. Etait-elle motivée par le caractère individuel de nos médiateurs ou s'adaptaient-ils à notre personnalité pour être efficace ? Je penchais toutefois pour la première option. Liam était du genre bourru, bien que majoritairement pacifique, il estimait de manière régulière que j'avais besoin d'être remis à ma place avec vigueur.
Il s'était attribué seul ce rôle au lendemain du départ de Zayn, ce dernier ne pouvant visiblement plus s'en acquitter.


***


Eleanor était reparti quelques jours plus tôt et nous n'étions toujours pas très sûrs de ce que nous étions, tout en ayant la certitude que nous ne pouvions plus nous considérer comme un couple. Elle avait passé la première nuit blottie dans mes bras, refusant d'aborder les sujets importants pour profiter de cette accalmie qu'elle nous offrait, heureuse malgré tout de me retrouver après si longtemps. Plus tard étaient venus les suppliques et les cris, les larmes et les injures. Puis la sinistre quiétude qui suit les maelstrom. Une dernière étreinte pleine de la douceur des souvenirs partagés à l'aéroport, et elle s'en était allé. Aussi paisiblement qu'elle y était entré et y avait pris sa place, Eleanor avait déserté ma vie en y laissant un vide profondément incrusté.

Depuis notre routine particulière avait repris, les concerts s'enchaînaient, avec leurs lots d'interview, de vols privés et de fatigue amassée. J'avais la sensation de n'avoir plus mangé depuis trois jours et j'étais exténué au possible, mais le concert de ce soir débutait dans un quart d'heure. Il faudrait être prêt.
J'étais en route pour aller m'équiper de la batterie que l'on portait durant les concerts et en chemin je passais devant la salle où Harry s'entraînait, il aimait parfois boxer juste avant de monter sur scène, je n'avais jamais compris si c'était une façon de se mettre en condition, de canaliser son énergie ou simplement une autre de ses lubies étranges. Je marquais un bref arrêt le temps d'entendre sa respiration erratique et l'impact de ses coups sur le sac rembourré. Cela faisait autant de jours depuis notre conflit que nous ne nous adressions plus un mot et que chacune de nos rencontres s'achevait sur un échange de regards meurtriers. Pour une fois aucun de nous deux n'avait fait le choix de prendre sur lui et de s'apaiser suite à cette dispute, nous étions tous les deux toujours autant remontés et pas encore prêts à céder un quelconque centimètre à l'autre. Encore une fois la tension au sein du groupe n'avait jamais été aussi forte et notre comportement autant à l'un qu'à l'autre rendait tout travail d'équipe ardu.
Je continuai mon chemin en soupirant lassé de son esprit étriqué autant que de ma colère stagnante. Je rejoignis brièvement l'équipe technique qui s'occupa de placer stratégiquement l'équipement sur moi et me tendit mon micro attitré. Une fois cela accomplit je fis demi-tour, attentif aux multiples bruits qui m'entouraient: entre l'affairement bruyant des techniciens, le pullulement joyeux des équipes qui s'occupaient de notre image et les blabla incessants de nos dirigeants. Comme souvent j'entendis plusieurs de mes camarades se faire rappeler à l'ordre et s'en amusant.

En faisant le chemin inverse je tombais sur Harry, la peau à peine luisante de son activité précédente il était en train d'ôter ses gants lorsque nos regards se croisèrent. Bien que bref ce regard ne fut plein que de la douceur habituelle qui l'habitait, mais il suffit d'une fraction de seconde le temps que son cerveau s'imprègne de mon image pour que ses yeux ne se changent en deux armes létales. Mon visage aussi se crispa et ne tarda pas à s'adapter à la situation. Mû par une force invisible mon corps s'immobilisa et s'empressa de lui faire face, notre affrontement purement visuel s'éternisa puis Harry prit le temps de délacer ses gants de boxe, les laissant s'échouer sur le sol dans un bruit mat.


Un éclat nouveau traversa ses yeux et alors que j'étais persuadé que cette rencontre se conclurait comme toutes les autres, Harry ne se détourna pas en silence comme je m'y attendais. Bien au contraire, et je n'eus le temps que d'un clignement de paupière avant de sentir une pression telle sur mes épaules qu'elle me cloua contre un mur. Rapidement je repris contact avec ses prunelles vertes que l'éclat vengeur n'avait pas quitté mais se mêlait maintenant à une autre émotion que je ne pus Interpréter. Son corps se retrouva tout contre mon torse et son souffle précipité contre ma joue.
Nous nous trouvions dans un couloir peu éclairé et peu fréquenté, et Harry venait de nous faire basculer dans une alcôve épargnée par les regards indiscrets.


Bientôt ses lèvres plongèrent vers les miennes et ses doigts s'enfoncèrent sans douceur dans la chair de mes épaules hésitants entre me tenir en place de crainte que je n'échappe à leur étreinte, ou se promener sans gêne le long de mon corps. Puis à l'instant où le velouté de sa bouche entra en contact avec la mienne mon cerveau sembla abandonner toute logique et mon esprit se vider de tout ce qui ne me criait pas "Harry". Aussi vite que mes pensées cohérentes s'envolèrent tout mon corps répondit à son étreinte, mes bras s'enroulant autour de son buste, mes lèvres fourrageant contre les siennes et mon corps se pressant toujours en recherche de plus de contact.
Il m'otait toute capacité réflexive, me réduisant à un désir, brut, animal, incontrolable.

Un pensée fugace traversa tout de même mon esprit embrumé: il venait tout juste de se ruer vers moi, comme s'il n'avait pu retenir sa pulsion, et ce constat laissa une grande interrogation en moi. Cela avait ressemblé à un besoin irréprimable. Néanmoins je n'étais pas en état d'y réfléchir, mais davantage de la savourer.
Ses doigts se décidèrent finalement à s'aventurer loin de mes épaules et se crispèrent sur les mèches qui me tombaient dans les yeux, il me fixa un instant au travers de notre baiser qu'il ne rompit pas et je fus celui qui céda le premier. Glissant mes mains sous son t-shirt, avide de sa peau et des frissons que j'avais appris à y faire naitre. Sous la pulpe de mes doigts je pouvais encore sentir la transpiration qui l'avait recouvert plus tôt, et l'image d'un Harry en plein effort, gants aux mains, regard meurtrier et donnant des coups d'une précision chirurgicale s'imposa à moi, me volant un gémissement incontrôlé.
A ce son, Harry retrouva une ardeur nouvelle et ses mains se retrouvèrent sur mon fessier à une vitesse affolante, je me pressai contre lui en réponse, remarquant a peine la preuve de son désir tant le mien me consumait de l'intérieur.
Encouragé par la pression de ses grandes paumes, mon bassin se mit à rouler à la rencontre du sien, provoquant un frottement bienvenue entre nos deux érections.


- J'en peux plus de toi Louis Tomlinson, grogna-t-il en précipitant ses dents contre la peau sensible de mon cou, comme une punition.


Et sa voix était emplie de la haine qui nous habitait depuis des jours mais que nous taisions depuis. C'était elle qui dirigeait chacun de nos mouvements.
De nouveau il me plaqua contre le mur, ses doigts pressés contre mon ventre, ses yeux se fixèrent un instant aux miens, le temps que je n'y distingue que le noir de la luxure. Une seconde plus tard, ses lèvres me forcèrent à lui offrir ma bouche et il me libérait de mon pantalon.

Au loin une voix résonna, nous interrompant brusquement dans nos mouvements:
"Dix minutes! Les gars dans dix minutes vous êtes sur scène!"
Les prunelles vertes exigèrent bien plus qu'elles ne m'interrogèrent lorsqu'elles se posèrent une fois de plus sur moi, mais pour une fois nous étions sur la même longueur d'onde.



- Largement suffisant pour te faire perdre les pédales, susurrai-je le souffle court et une lueur de défi empreinte dans la voix


Et ma main se fraya un chemin sous le tissu de son sous-vêtement alors que son poing se refermait sur moi.#LWDfic


A Long Way DownDonde viven las historias. Descúbrelo ahora